Mostafa Saïfi Rahmouni

Mostafa Saifi Rahmouni, La ville des vivants.
© Isabelle Arthuis S.

Biographie

Né à Rabat (MA) en 1991, Mostafa Saifi Rahmouni s’est d’abord formé au Maroc, au sein de l’Institut national des Beaux-Arts de Tétouan, avant de réaliser un master à l’ENSAV - La Cambre en Sculpture. Diplômé en 2016, il est actuellement en résidence au HISK, à Gand, dans le cadre d’un post-master.

Il utilise la photographie, l’installation, la vidéo, la sculpture et le son afin de réaliser des œuvres franches et directes. Il a l’instinct de l’image et de la forme, celles qui parviennent avec peu de choses, tout comme la litote, à suggérer bien plus afin de révéler de nombreuses couches de lectures. La démarche, loin d’être illustrative, s’inscrit dans un rapport métaphorique et aborde des préoccupations universelles sur le monde mais également des obsessions plus individuelles liées au rapport étroit entre la vie et la mort.

Le Maroc constitue un puits d’inspiration sans fond et sa matière première privilégiée. Ses réalisations prennent toutappui sur des faits ou évènements réels, personnels ou collectifs. Il est interpellé et marqué par l’agressivité contenue dans les rapports sociaux, le pouvoir, notamment politique, mais pas seulement. En effet, il aborde dans plusieurs de ses pièces des évènements tragiques personnels sans nécessairement les citer. Il cherche à traduite tant la violence inscrite dans la catastrophe que celle contenue dans le quotidien.  Son intérêt se porte alors sur la manière dont l’humain parvient à faire face à la souffrance, à la porter voir à la transcender.

Mostafa Saifi Rahmouni interroge la condition humaine de façon provocante voire dérangeante. Son travail artistique est vécu comme un exutoire qui lui permet d’arpenter la vie au quotidien avec bonhomie et plaisir. Il s’agit d’une réelle attitude de l’artiste qui s’est densifiée et affirmée depuis son arrivée en Belgique. Il arrive à saisir, d’autant mieux depuis qu’il vit à l’étranger, la force mais également la dureté du Maroc. Mais d’aucune manière, il ne cherche à faire le procès ou à satisfaire les préjugés occidentaux vis-à-vis de son pays natal. Simplement, le recul lui permet de mieux cerner ce qui l’a marqué et le marque encore aujourd’hui. C’est-à-dire principalement et rien d’autre que les diverses formes de violence propres à toute humanité, d’ici et d’ailleurs.

La pertinence de son travail provient principalement de deux aspects. Le premier, celui qui consiste à aborder un évènement ou une situation par un seul geste ou plutôt une seule image/objet. Le second est la façon poétique et la place laissé à l’empathie dans son traitement de la violence. Il n’y a pas de jugement ou de critique mais un regard singulier qui suggère un questionnement sur les valeurs que véhicule la société. Les pièces nous amènent toujours plus loin que ce que l’on perçoit au premier regard. Et il arrive avec justesse à manier l’intime dans une perspective universelle.

Récemment, la place accordée à la photographie est devenueprédominante dans son travail. Elle correspond bien à sa façon instinctive de procéder. Il parvient par le biais de ce médium à trouver des images à la fois minimales et chargées afin de condenser ses préoccupations. Il s’inscrit tant dans une esthétique que dans une éthique de la violence. Ces images acquièrent ainsi une part de poésie et de mystère.   

Il faut préciser que ce médium n’est pas exclusif mais qu’il permet actuellement à l’artiste de glaner un corpus d’images qui sont parfois, ensuite, exploitées. En effet, ses photographies ne sont jamais montrées deux fois de la même façon. Chacune d’elles fait l’objet d’un support et d’un format distincts. A chaque image correspond une échelle et un dispositif adéquats. Il n’y a aucun systématisme dans la manière de présenter ses photographies et c’est pourquoi celles-ci deviennent de véritables objets à part entière. La résolution plastique de la photographie est effectuée avec beaucoup de précision pour correspondre au mieux au propos.

Mostafa Saifi Rahmouni appréhende un évènement, une personne ou un sujet à la fois de façon subtile et radicale. Jamais anecdotique, son travail interroge la condition humaine, amène une réflexion sur les valeurs qu’elle véhicule et porte un regard bienveillant sur la capacité humaine à donner sens et/ou à dépasser la violence et la douleur.

Nancy Casielles

Source

espace 36 association d'art contemporain

Dernière mise à jour le 2 mars 2020