Yoon Ji-Eun

La rencontre avec des nouveaux univers musicaux a permis une ouverture très importante à Yoon Ji-Eun : Être immergée dans un univers sonore en travaillant ; saisir et traduire les émotions éveillées par des phrases suspendus, par des sons à l’épuisement lent et qui défient les capacités perceptives… Ces expériences de doute et de présences intenses, vécues physiquement comme seule la musique le permet, ont induit à ses oeuvres une poésie et un dynamisme nouveaux. Comme si les tentatives d’anticiper et de maîtriser l’existence avaient cédé à une acceptation du mouvement de la vie, et inspiré l’ambition de s’y inscrire.

D’emblée, le terme « paysage » qualifie l’univers de Yoon Ji-Eun.  Or, dans ses œuvres récentes nous trouvons son paysage transformé : à la juxtaposition des scénettes et des fragments figuratifs sont venus s’ajouter des éléments en superposition. L’espace n’évoque plus une relative linéarité mais un monde en profondeur aux formes sans noms qui virevoltent à travers la surface. Ou bien des formations concentrées, sorte de stèles - certaines souples, d’autres plus anguleuses – s’érigent à des endroits différents, ceci sans liens évidents. Se transmet le sentiment d’un dialogue aérien entre configurations autonomes dans un monde mouvant. Les zones dessinées rappelant des collages où les formes fluides et sensuelles de couleurs vives établissent une tension fine et tenue. Elles agissent telles les notes d’une musique spatiale où soleils et planètes se croisent, mues par un flux invisible. Par endroit, portiques et architectures des plus simples peintes à l’aquarelle dressent un théâtre d’ombres à l’arrière-plan. Certains dessins sont dominés par des cercles flottants, des lucarnes vers des dimensions parallèles.

La notion du temps est omniprésente à la fois par le rythme des compositions mais également du fait de la matérialité, notamment celle des reliefs sur bois stratifiés. Yoon Ji-Eun aime s’inscrire dans son veinage pour définir des zones aux contours organiques. En creusant la matière du bois elle révèle ses strates et avec elles encore une autre idée de temporalité.

Coloriste très subtile, Yoon Ji-Eun alterne entre un travail de mise en tension de contrastes et une exploitation très fine des valeurs d’une même gamme. Une nouvelle lumière s’est introduite, celle des couleurs plus affirmées – qui s’imposent dans un équilibre très sophistiqué avec des tons de terre et des pastels doux. Si les couleurs chaudes prédominent, la nuit et la mélancholie planent par endroit à travers des gammes plus sombres et bleutées. La matérialité même des couleurs apportent chacune leurs textures et leur luminosités spécifiques. Se succèdent alors la densité matte de la peinture acrylique, la couleur appuyée ou effleurée du crayon de couleur et la transparence de l’aquarelle.

Avec Unanswered Questions Yoon Ji-Eun franchit une nouvelle étape dans sa recherche. L’intimité et le vécu s’expriment désormais dans un langage plus abstrait et plus universel, composé de bribes et des fragments entrevus. Le monde est grand et profond et le cosmos pas loin. Une mélodie forte et invisible habite ses paysages lumineux aux vestiges sans nom transmettant la sensation d’un élan doux et puissant.