YONA FRIEDMAN, L’HUMAIN EXPLIQUÉ AUX EXTRATERRESTRES

Exposition
Arts plastiques
cneai = Paris 14

YONA FRIEDMAN, IMAGE EXTRAITE DE DIAPOSITIVES 1958-2002, ÉDITÉ PAR CNEAI = EN 2013

Maintes fois répétés par l'artiste, deux sésames fondent l'exposition : le droit de comprendre et le droit d'interpréter selon sa propre expérience. En postface à la cop21, l'exposition se fonde sur un militantisme assumé pour une oeuvre dont la complexité, l'aspect visionnaire et l'ancrage dans l'actualité sont éclipsés aussi bien par les modèles d'organisations sociales académiques et réglementaires que par les courants néoanarchistes.
L'oeuvre de Yona Friedman n'est souvent connue que par ses travaux datantdes années soixante. L'impact qu'elle a eu à cette époque, notamment avec la création en 1958 du Groupe d'études d'architecture mobile (GEAM), a conduit à imaginer que ses principes étaient figés depuis soixante ans, alors même que la pensée développée par Yona Friedman est une pensée du contexte, une recherche appliquée aux manières d'habiter la terre.

L'exposition et l'ouvrage éponyme présentés au Cneai du 12 juin au 24 juillet 2016 ont pour mérite de publier les études de l'artiste sur une large période jusqu'à aujourd'hui. L'exposition présente des séries conséquentes de dessins, de bande-dessinées, de structures en volumes, et de documents, de 2000 à 2016, issus des Archives de Yona Friedman et de la Donation faite au Cneai en 2012.
L'usage de la forme bande-dessinée, forme structurelle, simple et peu onéreuse (comme il se plaît à le rappeler), ne doit pas nous amener à ignorer le principe holistique et systémique du travail : tout se recoupe, rien ne se répète. Faire une exposition de Yona Friedman c'est toujours retracer notre propre expérience de l'oeuvre. Le travail de Yona Friedman est in-discipliné et utopique, c'est à dire qu'il transgresse les frontières disciplinaires de l'art et de la science et qu'il inverse la question du lieu comme contrainte. L'inversion de certaines valeurs peut être déroutante et dérangeante mais c'est une position radicalement créative.

C'est ainsi que la pénurie, la pauvreté, le bidonville, l'animalité, le hasard, l'improvisation ou encore la complication représentent des états et des comportements positifs dans la pensée de Yona Friedman tandis que la neutralité, l'échange, la planification, la spécialisation, la visibilité, la coutume ou le principe d'objectif commun sont pour lui causes de blocages sociaux. Parce qu'il prend la complexité de la nature humaine comme principe et fil conducteur de sa pensée, les thèses de Yona Friedman ne sont pas simplistes, elles sont actuelles. De l'oeuvre de Yona Friedman, ne se dégage aucun modèle, aucune doctrine, aucune injonction. Il serait impensable de parler de 'friedmanisme' ou de 'courant friedmanien'. Avant d'être un style, un
trait de crayon ou un contenu de pensée, l'oeuvre de Yona Friedman est à considérer comme une méthode. Ce dont il s'agit, ce n'est plus de fabriquer des objets ni de construire des bâtiments, mais d'exprimer des fonctions, d'imaginer des configurations sociales réalisables, d'inventer et
de transmettre des processus, et par là-même de réaffirmer le primat de l'usage sur l'objet. Les conditions du progrès social sont pédagogiques d'avantage que techniques. La « Ville-Spatiale » doit être celle de ses habitants.
Yona Friedman construit une oeuvre sur un postulat non négociable : la confiance en l'humain. Si la complexité est planifiable (on peut trouver le résultat d'une opération complexe), la complication laisse place au hasard et surtout à la diversité des mouvements et des futurs ; on ne peut la modéliser. Voilà la véritable définition de l'improvisation, procédé riche de savoir, de connaissance et de créativité. Les humains sont mus par des besoins et des désirs qu'il serait bon pour eux de réaliser. Pourquoi cela ne se passe-t-il pas ainsi ? Parce que réaliser ses désirs implique d'une part d'oser les penser, d'autre part de savoir les exprimer et enfin de pouvoir les faire accepter. Or le joug de l' « expertise » pèse sur les habitants de la Terre. L'architecte, l'homme politique, le théoricien, le mathématicien, l'artiste... ces spécialistes sont détenteurs d'un savoir. Or déléguer, c'est estimer que quelqu'un sait mieux que moi ce qui est bon pour moi, c'est donc renoncer à mon imagination et à ma capacité d'innovation. La question de la transmission et de la pédagogie est perpétuellement en suspens dans l'oeuvre de Yona Friedman : comment encourager les hommes à penser par eux-mêmes malgré les
chaînes sociales, mentales et linguistiques qui entravent la communication ? Comment favoriser l'innovation et l'auto-détermination sans devenir soi-même un maître penseur ayant tout pouvoir sur les choix de ses disciples ? Comment inventer des nouveaux moyens de communiquer qui
permettent le feed-back, ne soient ni manipulateurs ni inégalitaires ? Tels sont les enjeux qui traversent l'oeuvre de l'architecte, tel est le pivot de l'humanisme de Yona Friedman. L'oeuvre de Yona Friedman, étonnamment fluide et pourtant si cohérente, est en phase avec l'ère du temps. Ce n'est pas un hasard si c'est l'architecte Bernard Tschumi qui invite Yona Friedman à exposer ses recherches à l'université Columbia de New York et s'exprime ainsi sur l'architecture : « Architecture is the ultimate erotic act. Carry it to excess and I twill reveal both the traces of reason and the sensual experience of space. Simultaneously. » (Advertisements for architecture, 1975).
Yona Friedman est architecte, artiste, penseur, sociologue et anthropologue. Il a notamment enseigné au Massachusetts Institute of Technology, à l' Université de Cambridge, à l'Université Harvard, à l'Université de Californie, à l'Université du Michigan, à l'Université de Princeton. Il a participé en 1956 au CIAM (congrès international d'architecture moderne), 10e congrès de Dubrovnick sur l'architecture industrialisée. Il a fondé en 1958 le Groupe d'étude d'architecture mobile (GEAM), auquel adhèrent, entre autres, Frei Otto et Werner Ruhnau et cofondé en 1965 le Groupe international d'architecture prospective (GIAP), avec Walter Jonas, Paul Maymont, Georges Patrix, Michel Ragon, Ionel Schein, Nicolas Schöffer et Manfredi Nicoletti. Yona
Friedman a publié une cinquantaine d'ouvrages ainsi que des manuels photocopiés dans plus de trente langues. Yona Friedman vit à Paris.

Sylvie Boulanger est commissaire d'expositions, éditrice, chercheuse, spécialiste des questions
liées à la publication d'artistes et à l'art en espace public. Elle est directrice du Centre national
édition art image, co-fondatrice de Multiple Art Days.

Elisabeth Lemercier est architecte. Avec une prédilection pour l'habitat et la conception de
mobilier expérimental, l'agence Bona Lemercier a réalisé des programmes de réhabilitation dont
le Cneai en 2012, l'atelier de Xavier Veilhan et le Château de Rentilly.

Tarifs :

entrée libre

Commissaires d'exposition

Artistes

Horaires

du mercredi au dimanche de 13:00 à 18:00

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

cneai = Cité Internationale Universitaire de Paris - Maison Internationale 21, boulevard Jourdan 75014 Paris 14 France

Comment s'y rendre

RER A : Rueil Malmaison

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022