YESN'T

Exposition
Arts plastiques
Galerie Sultana Paris 20
Galerie Sultana / YESN'T

C’est quand même vrai, quand on parle de l’abolition des binarités, qu’on s’adresse notamment au genre. Mais il a aussi été montré et discuté que la non-binarité – en théorie et en action – a des implications bien au-delà de ces considérations : ontologiques, économiques, logiques et linguistiques, notamment. Quelques questions qui nous permettraient de reculer / avancer sont (1) A quoi ressemble la croyance dans un monde non-binaire ? Puisqu’il ne s’agirait peut-être plus d’adhérer à une idéologie, on pourrait croire à beaucoup de chose. L’athéisme pourrait être non plus un négatif (“non”-croyant) mais une ouverture à une multitude de fois (2) Quelles formes prendrait la sexualité si nous ne sommes plus identifiés et catégorisés selon nos genres ? (3) La dette et le découvert sont-ils rendus caduque dans un univers ou la valeur même est non-binaire, où le + et le – sont abolis ? (4) Mais aussi, à quoi ressemble la naissance et la mort si l’on vit des existences non-binaires ?

 

Sur le site www.dictionary.com la définition de YESN’T qui est donnée est la suivante :

“Yesn’t est une négation utilisée pour exprimer un désaccord, ou une réticence à faire quelque chose. C’est une autre (ou meilleur) manière de dire « non »”. Il faudrait peut-être complexifier cette définition, c’est en fait un non camouflé en oui. Un refus qui se maquille en affirmation. Dans l’élaboration d’un vocabulaire non-binaire, « yesn’t » aurait une place de choix. D’ailleurs, dans les formes mêmes employées, ces artistes présentés dans YESN’T pratiquent à la fois ce que l’on appelle une politique du refus (politics of refusal), tout en étant, paradoxalement, bien présents. C’est que si le texte que Paul Maheke (« The Year I Stopped Making Art ») a publié en mars 2020 sur la plateforme www.documentations.art manifeste une fatigue d’un monde (de l’art) qui se nourrit de la précarisation des artistes et de la vampirisation de ce qu’elles et ils peuvent représenter, il témoigne aussi d’un désir et d’une énergie à vouloir continuer (en se posant les questions : à qui s’adresser ? pour qui travailler ?).

 

Il faut alors se poser deux questions en approchant les œuvres qui composent YESN’T : qu’est-ce qui se donne ? et, qu’est-ce qui se refuse ? Non seulement sur le plan des représentations, mais aussi politiquement (les deux étant toujours liés). C’est se demander, dans le cadre d’une exposition collective en galerie commerciale : quelle est la part d’invention démocratique ? Comment s’agencent les formes de pouvoir ? Mais aussi quelles formes de domination sont désagrégées ? Entre les carillons de Patrick Staff qui ne chantent qu’une note et le prototype de balais à WC d’Absalon (et ce qui se trouve entre les deux), se dessine une collection qui, bien que séduisante, n’en est pas moins inquiétante. Les images grondent. Dans l’une d’entre elles on peut y lire, en flou : « 4000 Daesh killed by UK Air Strikes but ‘Just 1 Civilian’ ». Plus loin, des papillons.

 

Cédric Fauq

Artistes

Autres artistes présentés

Absalon, David Caille, Anthea Hamilton, Candice Lin, Patrick Staff, Achraf Touloub, free.yard, Tabita Rezaire

Adresse

Galerie Sultana 10 rue Ramponeau 75020 Paris 20 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022