Welcome to Ecuador

par !Mediengruppe Bitnik featuring Adam Harvey
Exposition
Arts plastiques
Zoo, centre d'art contemporain Nantes
Welcome To Ecuador Zoo galerie 2016

Il est désormais avéré1 que nous nous réfrénons dans nos vies en ligne car nous avons parfaitement intégré le fait que nos gestes digitaux sont sous constante surveillance. Se pose alors d’évidence la question du devenir du savoir dans une société dont les membres s’auto-censurent et préfèrent regarder des vidéos de chatons et tenir des conversations sexy avec des chatbots2. (Qui sommes-nous quand nous nous savons observés ? Celui que nous sommes profondément ou celui que l’on préfère donner à penser que l’on est ? D’aucuns n’hésitent pas à arguer que l’on serait plus honnête lorsque l’on s’adresse à un robot3.) Contrôle à distance des populations par intimidation : le principe n’est bien sûr pas nouveau ni sans rappeler certaines formes totalitaires d’organisation sociale, bien qu’ici le procédé opère en négatif, ce ne sont pas tant des pensées qui sont imposées que des informations qui sont dissimulées.

Lorsqu’il co-fonde WikiLeaks en 2006, Julian Assange a pour objectif de publier des informations qui permettent de comprendre comment le monde fonctionne réellement4, convaincu qu’« avec des mathématiques ingénieuses, […] on peut permettre à n’importe quel individu de s’opposer au plus puissant État.5 » Publish or Perish6, ainsi qu’il le résume. C’est avec la mise en ligne de la fameuse vidéo d’un raid aérien américain sur Bagdad montrant des civils, et notamment deux photographes de l’agence Reuters, fusillés en pleine rue que le site acquiert une audience mondiale. On est alors en 2010. L’enchaînement des événements est connu : la demande d’extradition d’Assange formulée par la Suède pour une affaire privée dont les répercussions pourraient être son incarcération aux États-Unis, tout comme pour la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, condamnée à 35 ans de réclusion dans une prison militaire.

Le 19 juin 2012, Julian Assange entre alors dans l’ambassade d’Equateur à Londres pour n’en plus ressortir à ce jour. Six mois plus tard, poursuivant l’idée de « casser cette barrière physique autour de l’ambassade » de gardes protocolaires mais aussi de nombreux policiers, activistes, journalistes et curieux, !Mediengruppe Bitnik adresse un colis à Julian Assange, un colis un peu spécial doté d’un téléphone en mode GPS et appareil photo programmé pour prendre une image toutes les dix secondes et l’uploader dans l’instant sur Twitter. Plusieurs batteries y sont reliées pour lui permettre d’assurer son suivi en direct tout au long de son trajet dans Londres, du bureau de poste d’Hackney à l’ambassade. Cette performance de Mail Art du troisième millénaire dure trente-six heures, trente-six heures pendant lesquelles elle tient en haleine un certain nombre de followers mais aussi les téléspectateurs lambda de la BBC qui la retransmet elle aussi en direct. Pour ceux qui n’étaient pas devant leur écran les 16 et 17 janvier 2013, la vidéo qui en résulte fera office de séance de rattrapage. Delivery for Mr. Assange, assemblage des photos prises par le « postdrone » rythmé par les tweets documentaires qui accompagnent chacune d’elles, provoque un éclatement de l’habituelle continuité du temps tout en provoquant une fascination haletante.

Après plusieurs visites physiquement rendues à Julian Assange et un projet mené conjointement avec lui (Delivery for Mr. Rajab72013)le duo zurichois choisit de reproduire à l’échelle 1 et à l’identique le désormais célèbre bureau qu’occupe Assange à l’ambassade d’Equateur depuis bientôt quatre ans. S’il ne peut quitter cet espace sous aucun prétexte sous peine d’être immédiatement arrêté par la police britannique qui encercle l’ambassade, il ne peut non plus franchement le donner à voir pour d’évidentes raisons de sécurité.

Cette réplique est donc réalisée de mémoire — du fait de l’interdiction de prendre des photos au sein de l’ambassade — par les artistes.

C’est à pénétrer l’univers clos de Julian Assange depuis ces quatre ans de réclusion « volontaire » qu’invite aujourd’hui !Mediengruppe Bitnik. Incarnation du centre névralgique de WikiLeaks, cet espace sans extérieur, délibérément présenté comme un décor à l’envers brut, permet de faire l’expérience de la claustration du plus célèbre des hacktivistes. La Assange’s Room est évidemment un projet éminemment politique au premier abord mais aussi via les considérations sur l’espace qu’elle met en œuvre : que signifie l’inclusion d’un espace dans un autre ? La reproduction d’une sensation spatiale est-elle possible8 ? Ce petit bureau qui suscite la plus grande curiosité du public comme des médias donne à envisager cette curiosité comme le pendant de celle des gouvernants à notre égard, celle qui se manifeste par la surveillance quasi généralisée de nos faits et gestes comme de nos dits et écrits. Ce petit bureau, symbole depuis le 19 juin 2012 du fait que l’entrave à la liberté d’aller et venir ne sera jamais une entrave à celle de faire transparaître les vérités.

Afin d’intensifier l’expérience, Adam Harvey a spécialement créé SKYLIFT, un émulateur de géolocalisation qui transporte virtuellement les visiteurs dans l’ambassade londonienne. Le dispositif retransmet des signaux wifi qui exploitent l’utilisation par les smartphones des adresses MAC environnantes dans le processus de localisation. Une fois en contact avec SKYLIFT, les smartphones des visiteurs sont approximativement localisés au 3 Hans Crescent, Knightsbridge, Londres. De là, il est par exemple possible de partager des photos qui seront taggées avec les coordonnées GPS de l’ambassade d’Equateur à Londres

 

 

1 « Jonathon Penney, doctorant à Oxford, a analysé le traffic sur Wikipédia les mois précédant et suivant les révélations concernant l’espionnage mené par la NSA en 2013. Il a remarqué par la suite une baisse de 20% des visites sur les pages des articles liés au terrorisme, notamment ceux mentionnant les termes ‘al-Quaeda’, ‘voiture piégée’ ou ‘Taliban’ ». https://www.washingtonpost.com/news/wonk/wp/2016/04/27/new-study-snowdens-disclosures-about-nsa-spying-had-a-scary-effect-on-free-speech/

2 is anyone home lol, le dernier projet en date de !Mediengruppe Bitnik au Kunsthaus Langenthal (CH) du 28 avril au 26 juin 2016, présente des chatbots (ou robots conversationnels) issus d’un site de rencontres en ligne qui les utilise pour feindre des profils d’utilisatrices. Lors du dévoilement de l’affaire des fembots d’Ashley Madison, il a été révélé que le site, qui attirait très peu d’utilisatrices réelles, « employait » quelque soixante-dix mille robots qui ont envoyé plus de 20 millions d’emails aux utilisateurs masculins du site. Un site qui affiche toujours d’affolants chiffres de fréquentation, même après le scandale.

3 Judith Donath, lors de Theorizing the Web, Museum of the Moving Image, Queens, New York, 15 avril 2016 : « When we know it’s a machine, we’re not trying to make a good impression on it. People tend to be more honest to bots ».

4,5,6 : Hans Ulrich Obrist « In conversation with Julian Assange » (2011), in e-flux journal, The Internet Does Not Exist, Sternberg Press, 2015, p. 209-218-217.

7 Après la réception par Julian Assange de son colis, !Mediengruppe Bitnik a proposé à ce dernier d’en faire parvenir un à la personne de son choix. C’est au militant des droits de l’homme alors emprisonné au Bahreïn Nabil Rajab qu’Assange a choisi de dédier son envoi.

8 L’on pensera immédiatement à l’appli de réalité virtuelle lancée par the Guardian en avril dernier qui reconstitue l’expérience d’une cellule d’isolement. http://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2016/apr/27/6×9-a-virtual-experience-of-solitary-confinement

Environ 100 000 personnes sont détenues dans ces conditions aux Etats-Unis. Chelsea Manning y a passé 9 mois. http://www.theguardian.com/world/commentisfree/2016/may/02/solitary-confinement-is-solitary-confinement-is-torture-6×9-cells-chelsea-manningno-touch-torture-and-it-must-be-abolished

Commissaires d'exposition

Partenaires

Zoo galerie bénéficie du soutien de la Ville de Nantes, de la Région des Pays de la Loire, du Conseil Départemental de Loire-Atlantique et du Ministère de la Culture (Drac des Pays de la Loire).

Adresse

Zoo, centre d'art contemporain 12 rue Lamoricière 44100 Nantes France

Comment s'y rendre

Accès en transports en commun :
Tramway ligne 1 arrêt Chantiers Navals
Bus C1, C3, 23 arrêt Lamoricière
Bus 11 arrêt René Bouhier

Dernière mise à jour le 21 juillet 2023