Walk on the Wild Side

Exposition
Arts plastiques
Gilles Drouault, galerie/multiples Paris 03

Du 16 novembre 2013 au 11 janvier 2014

GDM... présente

Walk on the Wild Side

Giasco Bertoli, Monica Bonvicini, Stéphane Calais, Marcelline Delbecq, Sam Durant, Sammy Engramer, Dorothy Iannone, Armand Jalut, Alix Lambert, Claude Lévêque, Robert Longo, Stefan Nikolaev, Bill Owens, Steven Parrino, Raymond Pettibon, Maxime Rossi, Hans Schabus, Vincent Szarek...

Walk on the Wild Side


J'ai compris que le rock était à genoux quand dans une boutique à la mode j'ai vu un tee-shirt arborer fièrement le slogan "Rock is (not) dead".

Rock is dead !
Le rock ne s'est entendu, aimé, vécu que déjà mort.
Tous les fans de rock ont affirmé, sur blouson de cuir ou veste de toile extirpée d'un surplus de l'armée : Rock is dead !
Le No Future des punk dira la même chose.
Le punk était la renaissance du rock des origines,  phénix incandescent né sans cesse de ses cendres.
Soit un hurlement vociféré doublé d'une note inhumaine qui déchirent la stupeur d'un monde mortifère.
Rebel without a cause, dans un monde de lâcheté où le courage devient colère.
Mais comment vivre dans la fureur ?
Rock is dead, immédiatement, de sa puissance de vie consumée en un instant.
Rock is dead, l'arrogance du rock s'exprima tout entier dans sa propre négation.

De la naissance du rock, nous ne savons rien.
D'où nait-il ?
Du cerveau supplicié d'une dévôte en révolte, comme nous le souffle Dan Graham ?  D'un refrain éraillé griffant des champs trop blancs maculés de sang noir ? Ou du cri vaginal d'un adolescent enfiévré par la joie sauvage qui le pénètre ?

De quels fragments éparses, fusionnés un instant en une masse trop dense, le rock s'est il formé avant d'exploser ?
Des onomatopées d'un cabaret zurichois ? Des Kalungu africains, diserts messagers fidèles et concis ? Du luth pincé d'une religieuse partageant sa nef avec des fous ? Du cœur des ténèbres abandonnées au fond d'une jungle apocalyptique ? Des Chimères inouis d'une âme fille du feu ? Des mélodies  extatiques de tribus communiant avec les forces telluriques ? Ou bien des chants d'amour poursuivant Béatrice portée nue dans une boule de feu ?

De sa naissance et de sa vie nous ne savons rien. Infinitésimal étoile noire, le rock n'est visible que dans son intense déflagration, dense atome étincelant dont l'explosion ne cesse de dilater son propre univers.
Mais son expansion ne fut rien d'autre que le spectacle de sa déchéance.
À l'instant où il règne partout, il ne reste pas même les braises de son incandescence. Quelques brandons fébriles, petits briquets malingres brandis dans une nuit fictive de quelque Zenith artificiel, ne suffisent plus à créer l'illusion d'un embrasement nouveau.

Les fans de rock ont toujours su que le devenir culturel du rock était sa mort. Le rock est compagnon de la contre culture.
Univers dantesque, jardin des délices traversé par une orgueilleuse équipée sauvage. Pour le meilleur : des bandes de jeunes héros jouissant sans entrave de leur corps saturés de musique, de joie et de perceptions nouvelles. Pour le pire : des corps émaciés prostrés dans d'abjectes postures, l'esprit désaffecté et le désir en lambeaux, la vie rétrécie dans les cercles de l'enfer glacé.
Le rock posera très vite la question deleuzienne : pourquoi précisément la ligne de vie la plus intense devient ligne de mort ? Cette question hantera l'univers rock après que ses héros se seront consumés dans l'intensité d'une vie trop irradiante.

L'univers du rock s'étendit donc sur l'ensemble de la société, tandis que la contre culture s'édulcorait dans les journaux et la télévision.
La com, les médias, le design, tous se nourrir de la débauche d'énergie des étoiles
suicidaires filant à tombeaux ouverts sur des speedways enneigés.
La publicité découpa, divisa, remonta les morceaux les plus sauvages pour les domestiquer.

Enfin, la mode confectionna les oripeaux embourgeoisés des habits sombres de lumière inventées lors des nuits sans sommeil pour traverser des jours trop obscurs.
Seul l’art sut se nourrir du rock pour le nourrir à son tour et trouver dans ses créations des formes plastiques fidèles aux accords déjantés, aux cris stridents vrillant la nuit sans phares, aux chuchotements soufflés entre deux riffs étouffés.
Seul l’art sut accueillir le rock sans le dépouiller, seul l’art sut se faire rock à son tour.
L’art et le rock confondus.

Il y a quelques jours, une des étoiles du rock est morte. Elle brille désormais dans les cieux lointains et brûle sans fin dans une constellation sublime.
Cette étoile est morte et son luth constellé portait le soleil noir de la mélancolie.
Dans la nuit de son tombeau, lui qui nous a consolé, rendons-lui la fleur qui plaisait tant à son cœur désolé.
Et rendons à ce fils de Vénus qui, enveloppé de fourrure, survécu aux flammes de la passion, son Pausilippe ou gît son illustre ainé.

Le rock est mort, définitivement. Et nous porterons témoignage de sa conflagration.
Rock is dead, definitely. Et quand au milieu du chemin de notre vie, nous nous retrouverons dans une forêt obscure, dont la route sera perdue, alors nous marcherons du côté sauvage, guidés par les étoiles mortes qui brilleront éternellement dans l’obscurité de notre empyrée endeuillé.
Hey Honey, take a walk on the wild side.

Gilles Drouault

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h.

Adresse

Gilles Drouault, galerie/multiples 17 rue Saint-Gilles 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020