Un Regard sur l’abstraction lyrique

30ème anniversaire de la Galerie
Exposition
Arts plastiques
Galerie Bertrand Trocmez Clermont-Ferrand

Gérard SCHNEIDER
Sans titre, 1948
Huile, fusain, pastel, gouache – 48,5 x 63 cm

A l'occasion du trentième anniversaire de sa Galerie, Bertrand Trocmez a souhaité le célébrer en soulignant une nouvelle fois sa ferme détermination à soutenir l'abstraction lyrique qu'il présente très régulièrement depuis de nombreuses années. Et cela fut fait au travers d'expositions monographiques, ou d'accrochages de groupe. Ainsi, au fil du temps ont été présentés là presque tous les principaux acteurs de ce formidable élan novateur qu'a été et qui reste ce que l'on appelle l'Abstraction lyrique. Notons, que depuis quelques années de très nombreuses expositions internationales lui sont consacrées dans les plus grands musées de France et du monde.

Trop souvent, hélas, seuls les plus illustres d'entre ces artistes sont montrés, au détriment des autres de ces acteurs, moteurs indissociables. Autrefois - je veux dire au début des années 1950 - occupant sensiblement la même place, chacun travaillait dans son atelier et aimait à confronter simplement son travail avec les autres, avec les copains, sans calcul ni arrière pensée. L'osmose qui les portait peut paraître quelque peu singulière aujourd'hui. Mais le combat, alors, allait dans un sens unique, et on ne pouvait avancer que tous ensemble. Certes, d'aucuns surent très vite trouver des opportunités exceptionnelles pour se faire connaître, soutenus par tel ou tel des rares marchands d'art qui s'étaient engagés à l'époque dans cette voie esthétique, aussi nouvelle que passionnante.

Dans le même temps, quelques critiques de la même génération soutenaient ardemment cet élan formidable. Les grands défenseurs de ces artistes étaient, entre autres, Marcel Brion, Pierre Descargues, Charles Estienne, Michel Ragon, Pierre Restany, Michel Seuphor, Michel Tapié, Dora Vallier, Roger van Gindertael, et au Luxembourg Joseph-Emile Muller. Leurs écrits font toujours autorité aujourd'hui.

N'oublions pas que deux tendances s'opposaient alors dans l'abstraction: d'un côté l'abstraction géométrique – dite «froide»- de l'autre l'abstraction lyrique – dite «chaude». La fougue des uns les faisaient s'affronter au autres. Les polémiques n'en finissaient pas, fusant au travers d'articles incendiaires et de publications contestataires. Des dogmes furent imprimés. Il n'en reste aujourd'hui que quelques plaquettes éditées et les souvenirs des acteurs même.

Il est important de rappeler que nombre des peintres abstraits «lyriques» avaient eu préalablement une période créative «géométrique», généralement assez courte. En effet, ayant le plus souvent fait leurs humanités artistiques à l'Ecole des Beaux-Arts, venant presque tous de la figuration la plus classique enseignée alors, il leur avait fallu radicaliser en se tournant vers la géométrie pour lui préférer ensuite le geste lyrique.

D'autres, venus des quatre coins du monde, avaient déjà acquis des cultures fort différentes qui les faisaient évoluer différemment dans des voies nouvelles grâce à ce qu'ils découvraient à Paris. Les confrontations, évoquées plus haut, enrichissaient les uns et les autres, sans pour autant les influencer vraiment, chacun conservant sa personnalité propre.

Il est bon de rappeler que si cet élan lyrique était unique, il ne serait pas bon de penser qu'il était le fait d'artistes d'une même génération: celle des années 1920. Bien au contraire, là aussi la mixité était grande. Certains d'entre eux, nés à la toute fin du XIX° siècle, avaient reçu une formation encore plus classique que celle de leurs cadets. Ainsi, Gérard Schneider avait été, à Paris, l'élève de Fernand Cormon, illustre portraitiste et peintre «pompier» d'Histoire, spécialisé dans la représentation des hommes des cavernes... Le français Jacques Germain, lui, tout comme l'allemand Hans Hartung, est allé étudier au Bauhaus, dans les années 1930. Il y reçut l'enseignement de Kandinsky et Albers. D'autres encore furent quasiment autodidactes. Ce sont toutes ces diversités de culture et d'éducation qui constituent le ciment même de ce grand courant novateur.

 

Après avoir brièvement rappelé ce qu'était le courant artistique de l'Abstraction lyrique à ses débuts. Il paraît bon de ne pas oublier de préciser que les conditions de vie étaient extrêmement difficiles au tout début des années 1950. Quelques galeries soutenaient avec passion ces artistes, avec une évidente volonté d'engagement, comme le firent Jean-Robert Arnaud, Lydia Conti, René Drouin, Paul Facchetti, Jean-François Jaeger, Pierre Loeb et quelques autres. Puis, vinrent d'autres galeries. Les artistes commençaient à se faire connaître à l'étranger, ils exposaient en groupe et souvent représentaient la France. Les premières rétrospectives s'organisèrent. Les Biennales les plus prestigieuses présentèrent les toiles de ces artistes (Venise, Sao Paulo,...). Des Prix furent créés. Après la reconnaissance, le succès s'installait.

Mais revenons à la sélection des artistes exposés ici. Il y a là bien sûr les plus grands: Gérard Schneider, Hans Hartung, Georges Mathieu et Henri Michaux. Mais aussi Huguette Arthur Bertrand, Jacques Germain, Olivier Debré, Pierre Fichet, Oscar Gauthier, Jean Le Moal, André Marfaing, Jean Messagier, Pierre Tal Coat, l'espagnol Luis Feito, le russe Léon Zack qui étaient eux aussi des acteurs conséquents, omniprésents dès le début des années 1950, à Paris.

Il apparut bien vite qu'il fallait montrer d'autres artistes encore qui, quoi qu'importants esthétiquement parlant, furent peut-être plus discrets dans leur action, préférant le silence de l'atelier au tumulte des modes. Voici d'abord deux femmes peintres qui luttèrent pour avoir leur juste place dans ce milieu alors si machiste: Ida Karskaya, Marcelle Loubchantsky et Maria Manton. Leurs œuvres, trop longtemps restées dans l'ombre, s'épanouissent enfin aujourd'hui. Du côté des hommes, il était bon aussi que des américains (anciens GI's restés à Paris) soient présents. Ce sont Joe Downing et John-Franklin Koenig. Et, pour finir, voici le hongrois Sigismund Kolos-Vary. Tous s'inscrivent dans la lumière de ce grand kaléidoscope.

Certes nous avions bien d'autres artistes encore à exposer, mais chacun le sait, ici comme ailleurs, les murs d'une galerie ne sont pas extensibles!...A l'évidence, cette sélection a pour but de faire découvrir aux visiteurs nombre d'artistes qui se sont voués à l'Abstraction lyrique leur vie durant. Leurs noms s'inscrivent aujourd'hui au fronton de celle-ci, qui fut un des plus importants mouvements de la seconde moitié du XX° siècle, quoique né quelques décennies plus tôt.

 

Patrick-Gilles Persin

Autres artistes présentés

Huguette Arthur BERTRAND, Olivier DEBRÉ, Joe DOWNING, Luis FEITO, Pierre FICHET,

Oscar GAUTHIER, Jacques GERMAIN, Hans HARTUNG, Ida KARSKAYA,

John-Franklin KOENIG, Sigismond KOLOS-VARY, Jean Le MOAL, Marcelle Loubchansky ,

Maria MANTON, André MARFAING, Georges MATHIEU, Jean MESSAGIER, Henri MICHAUX,

Jacqueline PAVLOWSKI, Gérard SCHNEIDER, Pierre TAL-COAT, Léon ZACK

Horaires

Du mardi au samedi de 10 h à 12 et de 15 à 19 h

Adresse

Galerie Bertrand Trocmez 11 rue Philippe Marcombes Clermont-Ferrand France

Comment s'y rendre

Parking Cathédrale rue Saint Hérem
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022