TRACES

Keren BENBENISTY | Nira PEREG
Exposition
Arts plastiques

Keren Benbenisty, Headlines, 2008-2019, work in progress

 

TRACES

Exposition : 10 sept. – 04 oct 2019 

Vernissage : Mardi 10 sept. 17h – 21h

 

La notion des limites physiques et mentales, visibles et invisibles, fait partie des concepts qui déterminent l’univers de l’homme et ses actions. Paradoxalement, le sens des choses a une tendance à se dérober du centre pour graviter vers l’extérieur, vers les marges qui prennent une importance capitale. De la même manière que « l’inframince » de Marcel Duchamp, les frontières bougent constamment, s’effacent, disparaissent et réapparaissent ailleurs. La déambulation en équilibriste sur cette fine ligne fait partie du travail de Nira PEREG et Keren BENBENISTY, qui, chacune à leur manière, jouent avec les traces du temps et de l’espace.

 

L’artiste américano-israélienne, Nira PEREG s’intéresse à l’influence physique et spirituelle qu’un lieu et son aura peuvent exercer sur un être humain. Ainsi, « Borders » fait partie d’une série de vidéos enregistrées à l’église du Saint Sépulcre à Jérusalem, fréquentée par l’artiste pendant plusieurs années afin de documenter les comportements des visiteurs et du clergé. Présentée en boucle, quelques dizaines de secondes, l’œuvre montre la main d’une religieuse indiquant les endroits où passent les frontières intérieures de l’église, partagée par plusieurs cultes. D’une apparence documentaire, les vidéos de PEREG transforment les rituels publiques et privés en une performance où chaque geste transcende le réel et rentre dans la sphère du sacré. La simplicité de la scénographie et de la chorographie, l’austérité et la rigueur du cadrage renvoient vers un art abstrait pur et minimal évoquant son grand maître Malevitch. 

 

L’œuvre de PEREG interroge le réel et l’imaginaire, le sacré et le profane, l’éternel et l’éphémère et leur cohabitation paradoxale dans l’inframince. Elle raconte une histoire d’un espace chargé de l’esprit de ses visiteurs, où le passé, le présent (et un potentiel futur?) s’entrelacent, s’opposent et s’incluent. Le point focal sur les schismes et séparations, comme dans son autre vidéo, « Sabbath » (sur les barrages des quartiers ultra-orthodoxes tous les vendredis soirs), permet à PEREG d’interroger la notion des limites et de créer le sens, à la manière de la religion, à partir du monde matériel ». 

 

L’enregistrement des traces du temps, la délicate archéologie du procès de disparition sont aussi les bases du travail de Keren BENBENISTY, l’artiste israélienne qui, à l’opposé de Nira PEREG, a quitté Israël pour vivre aux Etats-Unis. Ses œuvres sélectionnées pour l’exposition, également « en miroir inversé », partent de la matière, du réel, pour mieux se dissiper dans le vide. Avec autant d’obstination que PEREG retournant sans cesse à l’église, la série, Headlines de BENBENISTY est le fruit d’une patiente collection de titres du New York Times, un travail quotidien depuis plus de dix ans. A la manière d’un journal intime, tous les matins, l’artiste sélectionne un titre qui l’interroge et décide de le préserver. La disparition du contexte initial permet à chaque phrase d’évoluer au-delà, en se chargeant d’une formidable puissance poétique. Les sens se démultiplient à chaque nouvel accrochage, chaque nouvelle association des œuvres de la série, avec chaque nouveau lecteur-spectateur.

 

Avec une décennie de travail et de réflexion - la série a vécu, mué, s’est transformé pour prendre des formes multiples : entre des plaques de laiton gravées, par des dessins-empreintes au papier carbone où le vide murmure les histoires effacées jusqu’à une version la plus récente : les pages du vrai journal recouvertes de matière, métamorphosées en un étonnant objet hybride, entre le document, ready made, dessin et impression. Dans le travail de BENBENISTY les oppositions éphémère – éternel, intime – publique, maintenant -  histoire,  présence – absence, sont finalement considérées comme les deux faces d’une même feuille (d’un journal).

Le travail de PEREG et BENBENISTY démontre brillamment, chacune à leur manière, que tabula rasa n’existe pas. L’histoire, comme le disait Nietzche, se réécrit constamment dans la création et la destruction, l’effacement étant  toujours le nouveau début, une éternelle métamorphose. Incantation du vide, la recherche des limites de l’invisible, l’activation de l’espace - autant de mots clés qui permettent de cerner cette exposition à la recherche des traces de l’impossible.

Dernière mise à jour le 2 mars 2020