Thierry Costesèque

Western avec le diable
Exposition
Arts plastiques
Le Creux de l'Enfer - Centre d'art contemporain d'intérêt national Thiers

 

 Extrait du texte Western avec le diable, de Frédéric Bouglé, commissaire de l’exposition

 

Né en 1970 à Saigon, au Viêt-nam, Thierry Costesèque forge sa première jeunesse sur une culture double, franco-vietnamienne. Plus tard il s’orientera vers des études artistiques, avant d’être diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. S’amorce alors une pratique de peinture soutenue, matière allégée dans l’expression abstraite.

 

Arpentage pictural pour un art pérégrin En 2005 Thierry Costesèque ouvre sa fenêtre et s’affronte à la réalité agissant hors de l’atelier, à son tableau in vivo. Sa démarche picturale bifurque alors sur une orientation plus large. Elle se réfléchit et se construit dans l’environnement périurbain qui est le sien, avec arpentage spatial, esquisses de dessins et collecte d’objets témoins, telles ces boîtes d’allumettes trouvées au gré des chemins d’un art pérégrin. Son esthétisme épuré livre une essence enfantine ramagée : du découpage, moins cutout chantourné que cut-in de réduction ; des assemblages -— photomontages et vidéos —, toutes créations explorées dans la foulée. Le trait renaît à la vie, figuré dans son propre langage codifié, mais sa portée critique endogène — dans la peinture — boude le centre du support, lui préférant la lisière. Thierry Costesèque adapte la tradition aux nouvelles visions du monde. Tableau de bord pour chevalet, expéditions vagabondes et liaisons mnémotechniques dispersent dans un brio de main levée le champ de la perception ordinaire. Ses perspectives en accordéon figent des successions de plans éloignés dans une épaisseur spatiale élastique aux temps étirés. Sa vision plurielle s’applique aux exigences d’ordonnancement des deux dimensions, mais dans une surface écran ornée de figures écalées, fragments d’échantillons liés par une corrélation hasardeuse. Tant d’empreintes lumineuses dans la traversée d’une ville, et émises de tous les côtés, au loin et auprès, se rejoignent sur un verre pare-brise irisé de motifs chaotiques, relayant des stimulus visuels et psychiques quasi stroboscopiques, présent flouté de persistances rétiniennes frénétiques.

 

Vocabulaire d’imageries mentales Si l’artiste fait volontiers référence à Peter Saul, à Ed Ruscha ou à Jonathan Lasker, clins d’œil à un néo-dadaïsme volontaire, des fonds subtils transposés renvoient à de solides référents contemplatifs. Accoudé à un vocabulaire plastique frais et exubérant, certains travaux se manifestent dans l’imperceptible abstrait et la grâce de l’entre-deux : plages de moirages, ramas à tremblements, réverbérations superposées, trames douces et fluides d’épures monochromes. Ces surfaces en diaprures de couleurs détrempées agissent comme pour retenir l’aspect physique de la lumière. La franchise des tons dans si peu de matière se veut plume légère, et relevée s’il en faut d’un mascara graphite ombrageux, noir et profond. D’autres représentations renvoient à des figures d’imageries mentales à caractère ludique, ornées de schèmes clignotant sur un néo-langage hiéroglyphique, et qui expriment moins l’architecture d’une ville que sa vitalité attractive, sa parure d’éclats banals, son babillage jovial et agressif. Même les hochets simplifiés d’expressions humaines s’y mêlent, statiques et automatiques, gestuels et manuels, avec leurs expressions faciales iconiques mi-Pokémon, mi-smiley.

 

Sigle-trace d’un éphémère rocambolesque Chaque œuvre de Thierry Costesèque suppose un sujet à retournement : « Je fus surpris, dira l’artiste, en voyant pour la première fois les écuries de Brooklyn dont la structure est identique à celle des westerns : toitures en créneaux, murs en briques, enseignes métalliques... Ma démarche consiste justement à faire basculer la réalité du côté de la fiction, mais il arrive que ce basculement ait déjà eu lieu (1). » Dans la série « Demain le nord (2) », qui fait aussi référence à New York, apparaissent dromadaire et gerbe de palmiers comme autant de contretypes exotiques pop’art, Disneyland ou californiens. Assimilé à l’habitus collectif et au consumérisme globalisé, ce décor d’excentricité s’allume à chaque étincelle dans la bulle d’une lettre, d’un motif ou d’un briquet. Sigle-trace d’un réel capté subrepticement, il perdure et se fixe dans son sigle-emblème calembourdesque, une typogestuelle concise et guillerette. Avec le raccourci saisissant d’un enfant usant d’onomatopées, cette peinture témoigne encore du télescopage de simples affects circulant — conducteur louchant sur son rétroviseur, promeneur badin.

 

Balade de Midogo, jeux et rebuts de l’inconscient La « Balade de Midogo » représente une autre série clé, une proposition énigmatique dans sa syntaxe formelle cocasse, cacophonique, où le caché est montré et le montré à peine caché. Semi-drolatique, décomposée/recomposée en découpages de peintures sur papier — à partir de la BD éponyme des années 1920-1940 —, la série n’en dénonce pas moins en arrière-plan américain une mémoire colonialiste résiduelle — bulles francophones raturées —, et sa part sous-jacente de racisme latent. Sa narration fragmentée, sans lien temporel et sans curseur de défilement, entre high culture et low culture, entre jeux et démarcation, agit comme un récit absurde découlant de fragments découpés dans les rebuts de l’inconscient.

 

Western avec le diable L’œuvre picturale de Thierry Costesèque se déploie sur les deux niveaux du bâtiment, dans toute son ampleur et son nuancier plastique. Et si, avec autant de couteaux fichés en elle (3), l’œuvre prend la dimension d’un bas-relief truculent, l’acte de transpercer n’en reste pas moins virulent. L’artiste a engagé un projet qui répond au vocabulaire de l’outil pour la capitale des objets tranchants, détournant en effet une centaine de lames, telles des punaises savamment positionnées, afin de fixer ses toiles. Elles offrent ainsi aux instruments à découper une fonction artistique inattendue. Ces lames effilées, équipées de manches de céramique personnalisés, sont réalisées par l’artiste à l’École nationale supérieure d’art de Limoges, puis colorées sur une gamme étudiée. Sur la toile ou le papier, et selon le point d’observation du spectateur, leurs surfaces d’inox réfléchissantes renvoient vers la surface du tableau les fragments d’un dehors miroitant, lueurs et flammes des parcelles d’images réfléchies de la réalité environnante. La peinture par cette accroche s’émancipe certes de son châssis, de son assise traditionnelle, elle en devient naturellement plus vivante et en dialogue avec son contexte. Sa position fait aussi ressortir l’autorité du geste, comme l’œuvre tendue sur son plateau vertical, clouée par les lames sur une cimaise murale. Fixée de force à son présentoir institutionnel — mais pas à son histoire moderne —, l’exposition entière est prouesse d’ironie et d’espièglerie artistique, ou bien véritable pacte : western avec le diable.

 

1. Entretien de Thierry Costesèque avec Frédéric Bouglé, mars-avril-mai 2014. 2. Pastiche de Demain les chiens, titre du recueil de science-fiction de Clifford Donald Simak, 1944. 3. Avec « Histoires du couteau » en 2007 au Creux de l’enfer, Muntadas s’est intéressé à l’objet sous tous les angles, dans tous ses aspects, y compris cinématographiques. A partir de lames offertes par l’entreprise Déglon de Thiers, Thierry Costesèque l’embrigade pour sa part dans une mission inattendue, autant ustensile ou clou que concept pictural en relief ; lames réfléchissantes pointées dans son mur artistique même. Par ailleurs, deux autres projets de coutellerie ont été menés par l’artiste : l’un concerne la création d’une pièce originale avec le coutelier d’art Henri Viallon ; l’autre une production spécifique en collaboration avec l’entreprise thiernoise Tarrerias-Bonjean.

 

Ce projet a reçu les soutiens de > l’ Ambassade de France à New York, le laboratoire photographique Mimesis à Paris.

 

Nathalie Anglès, Karin Archer, Jacques Bayle, Boshko Boskovic, Laurence Bossé, Martin Bourdanove, Marie de Brugerolle, Franck Butter, Thierry Déglon, Chase Doolan, Charles Dorothee, Éric Dupont, Jeanne Gailhoustet, Stéphane Guillaumont, Brigitte Liabeuf, Dominique Lazime, Isabelle Manci, Richard Massey Foundation, Philippe Marin, Bruno Moretti, Eilleen Kamisky, Sébastien Sanz De Santamaria, Alicia Sainer & Richard Morgan, Sylvie Mas, Svetlana Racanovic, Antoine Reguillon, Laura Skoler, Chip Tilden, Marc Vaudey, Henri Viallon, Martina Yamin, Ara Yun Quia, Samsam yung & The Brooklyn Stables.

 

En 2013, Thierry Costesèque obtient une bourse de la Fondation Nationale des Arts Plastiques et Graphiques ( FNAGP) ; il avait bénéficié l’année précédente du "Soutien pour le développement d’une recherche artistique" du Centre national des arts plastiques ( CNAP) - ministère de la Culture et de la Communication pour le projet "Demain le nord".

 

Thierry Costesèque est représenté par la Galerie Éric Dupont, Paris Coproduction vidéo Residency Unlimited, New-York 2014 Mécénat : Marin Beaux-Arts, Arcueil - Entreprise de coutellerie Déglon, Thiers.

 

Tarifs :

entrée libre

Commissaires d'exposition

Partenaires

Ce projet a reçu les soutiens de > l’ Ambassade de France à New York, le laboratoire photographique Mimesis à Paris. Nathalie Anglès, Karin Archer, Jacques Bayle, Boshko Boskovic, Laurence Bossé, Martin Bourdanove, Marie de Brugerolle, Franck Butter, Thierry Déglon, Chase Doolan, Charles Dorothee, Éric Dupont, Jeanne Gailhoustet, Stéphane Guillaumont, Brigitte Liabeuf, Dominique Lazime, Isabelle Manci, Richard Massey Foundation, Philippe Marin, Bruno Moretti, Eilleen Kamisky, Sébastien Sanz De Santamaria, Alicia Sainer & Richard Morgan, Sylvie Mas, Svetlana Racanovic, Antoine Reguillon, Laura Skoler, Chip Tilden, Marc Vaudey, Henri Viallon, Martina Yamin, Ara Yun Quia, Samsam yung & The Brooklyn Stables. En 2013, Thierry Costesèque obtient une bourse de la Fondation Nationale des Arts Plastiques et Graphiques ( FNAGP) ; il avait bénéficié l’année précédente du "Soutien pour le développement d’une recherche artistique" du Centre national des arts plastiques ( CNAP) - ministère de la Culture et de la Communication pour le projet "Demain le nord". Thierry Costesèque est représenté par la Galerie Éric Dupont, Paris Coproduction vidéo Residency Unlimited, New-York 2014 Mécénat : Marin Beaux-Arts, Arcueil - Entreprise de coutellerie Déglon, Thiers.

Mécénat

le CREUX DE L'ENFER reçoit les soutiens > Le Ministère de la Culture et de la Communication, la Direction Régionale des Affaires Culturelles d'Auvergne, la Ville de Thiers, le Conseil Général du Puy-de-Dôme, Clermont Communauté, le Conseil Régional d'Auvergne, le Rectorat de l'Académie de Clermont-Ferrand, le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez.

Horaires

Tous les jours sauf le mardi de 13h à 18h

Adresse

Le Creux de l'Enfer - Centre d'art contemporain d'intérêt national 83-85, avenue Joseph Claussat 63300 Thiers France

Comment s'y rendre

Avion:Clermont Ferrand Auvergne Aéroport. Train: Gare SNCF de Thiers. Voiture: Accès par A89, sortie numéro 2 Thiers Ouest; suivre D906, direction Thiers; puis D2089 > avenue Léo Lagrange, direction «Thiers; jusqu'au rond point où est indiqué le centre d'art contemporain du CREUX DE L'ENFER, avenue Joseph Claussat; remonter la Vallée des Usines jusqu'au numéro 85. Parking le long de l'avenue, face au centre d'art contemporain (gratuit).
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022