Résultats 2021

Soutien à la recherche en théorie et critique d'art

9 lauréats ont bénéficié en 2021 du soutien à la recherche en théorie et critique d'art, à la suite de la commission dédiée qui s’est déroulée les 27 et 28 octobre. 

Clélia Barbut

Généalogies de la performativité

Les œuvres protocolaires, les scripts, les partitions, les notations, les dessins, les documents audio-visuels, les enregistrements, les publications, les montages, les récits, les traces… témoignent d’une histoire audio-visuelle, graphique, matérielle, des gestes et des mouvements. L'histoire de la performativité ainsi désignée se situe au croisement d'une histoire des techniques, et d'une histoire des engagements.

Dans cette recherche j’étudierai certains corpus de documents de performance dans les collections du Frac Lorraine, du MacVal et du Cnap. L’objectif est d’abord de proposer un état des lieux partiel des sources relatives à la performance en France ; il est également d’éclairer les circulations et glissements - les généalogies - à l’œuvre dans les pratiques des artistes présents dans ces collections. Certaines études de cas plus approfondies seront assorties d’entretiens.

Arlène Berceliot-Courtin

Yvonne Rainer (1934, San Francisco – USA). Performer : A Persona

Depuis le début de sa carrière, Yvonne Rainer déconstruit - et ce de la manière la plus exhaustive possible - les contextes selon lesquels les corps et/ou l’interprète performe/nt un ensemble de significations culturelles et/ou sociales. Pour ce faire, son œuvre particulièrement riche et exigeante n’a de cesse de transfuger les limites des champs artistiques (danse moderne, minimalisme, performance, cinéma expérimental) et constitue à ce titre un point de vue inédit sur l’interdisciplinarité en art. Prenant comme point de départ sa propre subjectivité de performeuse-interprète, son œuvre exigeante concilie avec humour et pertinence le formalisme du minimalisme américain au début des années 1960 pour mieux s’en émanciper au profit d’un cinéma politique et féministe au début des années 1970.
 

Julie Crenn

Scène artistique réunionnaise

En 2015 sur une invitation du FRAC Réunion, j’ai réalisé une trentaine de visites d’ateliers, visité les structures culturelles réunionnaises et rencontré les acteurices de la scène artistique.
Au fil du temps, je suis revenue à La Réunion quasiment tous les ans. Avec le FRAC Réunion, nous avons tissé des liens étroits pour travailler à une meilleure visibilité de la scène réunionnaise. Nous collaborons à l’écriture de textes critiques et à la présentation d’expositions. Depuis 2016, j’accompagne de nombreux.ses artistes sur le plan critique. J’ai alors écrit à propos des démarches artistiques d’Esther Hoareau (à l’occasion de la publication en 2021 d’un premier ouvrage monographique), mais aussi de Brandon Gercara, Sanjeeyann Paléatchy, Tatiana Patchama, Abel Techer, Sonia Charbonneau et Emma Di Orio. J’aimerais pouvoir étendre ce travail d’écriture à une vingtaine d’autres artistes. L’aide à la recherche me permettrait de poursuivre de travail d’accompagnement critique des artistes réunionnais.es, et ce sur différentes générations.

 

Jacques Donguy

De Jeff Golyscheff à Stelarc / De l'avant-garde à la post-humanité

Il s'agit de regrouper des textes ou entretiens réalisés par nous-même et dispersés dans différentes publications difficilement accessibles. Beaucoup de ces artistes ont disparu, ce qui rend encore plus important ce travail de compilation pour l'histoire de l'art. Le champ artistique couvert est vaste : de la peinture, par exemple Emmanuel Proweller auquel Art Press a consacré un article dans son dernier numéro, aux artistes Fluxus, comme Robert Filliou, Alison Knowles, Joe Jones, Takehisa Kosugi ou Jean Dupuy, au groupe ZAJ avec Esther Ferrer, à l'actionnisme viennois avec Hermann Nitsch ou Otto Mühl, au mouvement lettriste avec Isidore Isou, aux artistes de la Poésie Visuelle comme Dick Higgins, Eugenio Miccini, ou de la Poésie Sonore comme Henri Chopin ou John Giorno, ou encore du Happening comme Allan Kaprow. D'autres champs sont abordés, comme la photographie avec Pierre Molinier, la vidéo avec Michael Morris (Image Bank), l'Art corporel avec Michel Journiac, ORLAN ou Stelarc avec la notion de corps augmentéet de transhumanisme, le design avec le Studio Alchimia (A. Mendini), ou la musique avec le dadaïste Jeff Golyscheff ou La Monte Young, à l'origine du minimalisme.

 

Alice Dusapin et Zoe Stillpass

La collection Stillpass à Cincinnati

En 1987, Andy Stillpass interrompt subitement l'écriture de sa thèse à New York pour reprendre la direction d'une concession d'automobile (qui appartenait à son père) dans l'Ohio, terre de son enfance. Sa femme Karen le suit, et ils achètent ensemble une maison moderniste dessinée par l'architecte Woodie Garber. Cette maison deviendra le lieu d'accueil d'une collection expérimentale particulière où de nombreux artistes viendront séjourner pour produire des oeuvres in situ. Plus d'une cinquantaine d'œuvres seront produites entre 1987 et 2019 pour la maison. Aujourd'hui Karen et Andy Stillpass ont quitté Cincinnati pour aller s'installer définitivement à Los Angeles et le devenir de la collection est incertain. Nous souhaiterions en écrire l'histoire.

 

Alexandra Fau

Design d'artistes en liberté

Le terme de design d’artistes pourrait paraître antinomique ; qu’a donc à voir le design avec l’objet d’art ? Pendant trop longtemps nous avons pris le parti de taire les échanges entre design et arts plastiques, avant-gardes et design, design et architecture, pourtant aux origines de cette discipline. Mentionnons rapidement l’influence des arts plastiques sur le Mouvement de Stilj, la présence des artistes au sein du Bauhaus, l’orientant avec bonheur vers le « Bauhaus imaginaire ». Architectes et designers agissent en ensembliers pour définir un « Art total » ; Pierre Chareau (maison de verre, Paris), Eileen Gray, Robert Mallet-Stevens, Alvar Alto (maison Louis Carré), la femme d’Adolf Loos, pour les architectes. Cet accent tend vers un art de vivre (Rietveld, chaise rouge et bleue de 1917) anti-bourgeois (Villa Schröder-Schräder à Utrecht). Mais qu’en est-il des plasticiens qui pensent l’objet en interaction avec leur environnement ?

Si notre approche de ces disciplines demeure résolument abstraite, pourquoi ne pas la faire converger vers nos intérêts comme le suggère Carlos Marti Aris à propos de l'architecture dans «  Eloquent Silences »  ? Il s’agirait de développer une double approche ; abstraite et, plus sentimentale à travers les objets qui contribuent à la fabrique d’un monde, coupé du reste et régi par ses propres règles mais lié au désir d’un être singulier – l’artiste-.

 

Élodie Royer

Créer avec des lieux catastrophés : Études sur des pratiques d’artistes femmes dans l’ère post-Fukushima

Cette recherche s’intéresse à la manière dont les lieux, qu’ils soient territoires de vie ou d’origine, agissent dans les pratiques et imaginaires artistiques, et en particulier des lieux ayant subi des catastrophes tant naturelles qu’humaines. Elle se concentre sur des pratiques d'artistes femmes ancrées au Japon, territoire frappé par des catastrophes aux conséquences mondiales.

Quelles relations ces artistes tissent avec leurs milieux, considérés comme des ensembles mouvants d’interdépendances, de cohabitations, de co-créations ou de co-destructions ? De quelle manière ces lieux, leurs histoires, leurs écologies, les communautés qui les habitent, surgissent-ils dans leurs œuvres ? 

Ce travail s’intéressera notamment à deux régions du Japon, le Tôhoku et Okinawa, marquées par deux bouleversements historiques aux conséquences écologiques et politiques majeures : respectivement la triple catastrophe de Fukushima et la Seconde Guerre mondiale.

Karin Schlageter

Regards contemporains sur le folklore et les arts et traditions populaires : inspirations, appropriations, mutations

De l’obsession romantique du milieu des années 1800 pour des temps passés qui auraient survécu à l’industrialisation, au fantasme d’un rapport spirituel ou « primitif » au monde, en passant par l’exotisation contemporaine du monde rural ou des milieux marginaux urbains, les arts et traditions populaires, ne semblent pas avoir cessé de séduire les artistes tout comme les classes dominantes et érudites. En parallèle de l’intérêt formel et artistique que les artistes ont pu trouver dans le folklore, j’aimerais poser l’hypothèse que celui-ci semble également constituer une méthode, un mode opératoire. Dans le cadre de cette recherche, je me propose donc d’étudier les phénomènes d’appropriation et de mutation du folklore par les artistes contemporain.e.s à des fins contre-hégémoniques, en tant que le folklore rassemble un éventail d’outils favorisant l’émergence et la consolidation de dynamiques de contre-pouvoir. J’aimerais m’intéresser à ces phénomènes dans leurs différentes expressions artistiques : immatérielles (performances et pratiques de l’oralité), artisanales (artefacts et savoir-faire), et culinaires (arts de la nourriture et du banquet); ainsi que sur différents territoires : rural autant qu’urbain.

 

Marie Vicet

Télématique et création artistique en France (1983-1989)

Mon projet de recherche porte sur l’étude d’un moment particulier de l’histoire des arts médiatiques et des réseaux, celle de la création artistique sur Minitel en France dans les années 1980. Celle-ci s’est déroulée sur une période assez courte, majoritairement entre 1983 et 1989, au moment où le Minitel se met en place et prend son essor. Si l’art télématique a existé dans divers pays, c’est en France qu’il s’est le plus développé. Imaginé sous Valéry Giscard-d’Estaing dès 1978, le Minitel est lancé par les PTT en 1983 avec un annuaire en ligne. Il est ensuite ouvert dès 1984 aux opérateurs privés. Dans une volonté de le rendre grand public, un terminal est alors fourni gratuitement à chaque foyer. Par son large déploiement, des artistes y ont vu la possibilité d’atteindre un nouveau public directement depuis chez lui. Deux expositions ont également joué un rôle fondamental dans le développement des expériences artistiques télématiques en France au début des années 1980. Il s’agit de l’exposition Electra organisée fin 1983 et début 1984 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et de l’exposition Les Immatériaux qui a eu lieu en 1985 au Centre Pompidou. C’est par l’étude de ces deux expositions que débuteront mes recherches avant de se porter sur d’autres manifestations et d’autres projets avec l’ambition de reconstituer l’histoire importante de l’art télématique en France dans les années 1980.

 

Dernière mise à jour le 17 novembre 2021