Résultats 2020

Soutien à la recherche en théorie et critique d'art

Marie Canet, Lucy McKenzie. Monographie critique

Lucy Mckenzie est née à Glasgow en 1977. Elle travaille la peinture et l’installation, crée des environnements visuellement référencés - à l’histoire des muraux de propagande en Europe de l'Est, à l'iconographie de la Guerre froide, du fascisme, au glamour de la modernité ou à la musique pop des années 1980. Depuis 2007, elle dirige un atelier de design sous le nom Atelier EB avec la designer Beca Lipscombe. Elle habite actuellement à Bruxelles où elle vit depuis plus de quinze ans. C’est là qu’elle a suivi sa formation de peintre en décor après avoir échoué à entrer en école d’art. Cette recherche vise à mettre en lumière les enjeux esthétiques, conceptuels et identitaires de l'artiste.

 

Rozenn Canevet, Riccardo Dalisi. Les ateliers napolitains de tecnica povera

Riccardo Dalisi est un designer artiste architecte italien né à Potenza le 1er mai 1931. Il associe recherche artistique et pédagogie collective dans les champs croisés de l’art, du design et de l’architecture. À l’automne 1971, Riccardo Dalisi propose à ses étudiant.e.s de sortir de l’enceinte des murs de la faculté d’architecture de Naples et de l’accompagner sur place, sur le terrain. Dalisi va ainsi mettre en place une série d’ateliers avec ses étudiant.e.s et les enfants des rues : les scugnizzi. De 1971 à 1974, il va expérimenter, analyser, théoriser et produire ce qu’il nommera sa tecnica povera. Profondément engagée socialement, la tecnica povera promeut la valeur créative et la spontanéité du collectif. Le terme « povera » s’associe à celui de « humble ». Il s’impose contre le mythe d’une technologie onéreuse, individualiste et élitiste. En pleine crise de l’objet, Dalisi prône une conception de l’architecture et du design fondée sur un anticonsumérisme et une économie collaborative animée par et pour les enfants des rues de Naples. Car pour lui, seul compte l’expérience – au sens que lui donne le philosophe Dewey – l’expérience de la pratique directe de l’homme avec son objet de production. Il ne s’agit pas de savoir pour savoir mais de faire et d’agir avec son savoir.

 

Yann Chateigné, L'autre nuit

Il existe deux types de nuits. L’une revient : extinction des écosystèmes, destruction des savoirs, oppressions… Alors que l'on invoque le « retour des ténèbres », le motif de la nuit semble n'avoir jamais été autant présent. Une autre nuit disparaît : pollution lumineuse, colonisation du sommeil, contrôle des intimités, l’obligation de « présence » pousse à réclamer, aujourd'hui, plus que jamais, un droit à l’obscurité. Cette recherche est née d’une enquête au long cours : alors que les pratiques artistiques contemporaines ont été sensibles, depuis plusieurs décennies, à ce qui agit dans la nuit, le sujet ne semble pas avoir fait l'objet d'une étude qui en envisage la pluralité des facettes. Ce projet s'essaie à employer la Nuit comme prisme pour explorer, à travers un ensemble d’œuvres de notre temps, ce qui arrive à la nature et à la gouvernance des humains, à l'économie et aux savoirs. Associant art, cinéma, littérature mais aussi histoire, écologie et sciences, il s'agit de suivre les indices d'une transformation profonde, et pour autant en partie invisible, de nos existences. Un voyage au cœur de l'un des épicentres du phénomène et un temps de recherche et d'expérimentation formelle permettront de donner une forme spécifique à cette investigation, entre théorie et fiction, critique, littérature et exposition.

 

Fabienne Dumont, Lea Lublin : L'art soumis à la question

Sous ce titre quelque peu lugubre, qui s’attache en réalité à une posture critique et ironique face aux attendus de l’art, je propose d’analyser en détail les œuvres vidéo et audio produites par Lea Lublin (1929-1999) dans les années 1970. En effet, suite à quelques installations qui utilisaient l’audio et la vidéo pour immerger le public dans des discours médiatiques et historiques, l’artiste d’origine polonaise et argentine s’est attachée à déconstruire les présupposés de l’art en questionnant un large public. Ce sont ces vidéos et les supports performatifs qu’elle a utilisés qui sont au cœur de cette recherche. Elle prend appui sur tout le corpus de vidéos que j’ai inventorié et proposé à la numérisation à la Bibliothèque nationale de France en 2011, afin de les sauvegarder de manière pérenne. J’entends aujourd’hui m’attacher à l’étude approfondie, contextualisée de cet ensemble, qui complète les analyses de la période ultérieure plus directement féministe de l’artiste, disponibles dans mon ouvrage Des sorcières comme les autres – Artistes et féministes dans la France des années 1970 (Presses universitaires de Rennes, 2014). Cette implication féministe est déjà présente dans les questions qu’elle pose aux divers publics à travers le monde et son approche conceptuelle de l’art est tout autant ironique que sociocritique, résolument engagée dans le champ de l’art contemporain. Cet engagement intellectuel m’intéresse et mon analyse se focalise sur ce rapport au langage.

 

Dorothée Dupuis, Solder la dette : l’exposition d’artistes femmes comme réparation historique et institutionnelle en Occident au début du 21e siècle

La recherche portera sur l’analyse de trois expositions récentes ayant marqué le champ du commissariat d’exposition institutionnel récent. Il s’agit de Wack! Art and the Feminist Revolution (MOCA, Los Angeles, 2007), elles@centrepompidou.fr (Centre Pompidou, Paris, 2009) et Radical Women: Latin American Art 1960-85 (Hammer Museum, 2017). Mon intention est d’analyser le format curatorial de la “révision historique des femmes artistes”, tant en termes d’apport à une histoire de l’art occidental du 20e siècle plus représentative des artistes femmes qui y ont contribué, que du point de vue curatorial, selon une perspective féministe. Je suggère que ces expositions mettent en avant la notion de “dette” historique qu’aurait l’Institution envers ces plasticiennes, affirmant la responsabilité comme un des moteurs du processus curatorial contemporain, voyant l’art comme à même de répondre à des problématiques politiques et sociétales urgentes.

 

Olivier Marboeuf, Un corps paysage antillais

Un corps-paysage antillais est une fiction théorique de retour au pays qui prolonge plusieurs de mes travaux autour de la fugacité, de l’hallucination comme mode de relation aux non-humains, et plus largement mon intérêt pour les formes artistiques et culturelles de l’invisible. S’attaquer à ce qui fuit les scènes de représentation traditionnelles est d’autant plus difficile quand on a construit une large part de son parcours au sein des images en mouvement. C’est le défi d’un travail dans lequel il s’agit d’assembler les singularités de ma trajectoire professionnelle et ses géographies afin d’élargir la réflexion sur la notion d’arts visuels à partir de nouveaux territoires où se joue une autre dialectique entre corps et paysage, image et performance.

 

Camille Paulhan, Châteauroux, la marge, le centre. Une scène artistique castelroussine ?

« - Sur quoi travaillez-vous en ce moment, Camille ? - Sur la scène artistique de Châteauroux. »
Voilà l’assurance d’une conversation systématiquement avortée, dans un silence affecté lourd de sous-entendus. Je vois d’ici les regards gênés, on me plaint secrètement, on imagine que je ne peux échapper à d’hypothétiques racines berrichonnes oppressantes, voire que je n’ai pu résister à une commande opportune. Mais non, c’est un vrai désir de ma part : en ces temps où le tourisme globalisé nous a gavés jusqu'à la nausée, où le Starbucks de Glasgow ressemble beaucoup au Starbucks de Hanoï qui lui-même n'est pas très loin du Starbucks de Moscou, où la Lozère et la Creuse apparaissent davantage dépaysantes que les centres mondialisés, s'intéresser à Châteauroux n'est pas superflu. Dire que la marge peut se situer, littéralement, au centre, est un véritable engagement pour une histoire de l'art des franges.  Ce travail propose donc d'engager une réflexion autour de l'activité artistique de la ville et ses alentours, depuis les années 1970 jusqu'à nos jours, à partir d'une importante série d'entretiens d'artistes et de personnalités ayant marqué la vie culturelle locale, mais aussi de recherches à partir de catalogues d'expositions, documents d'archives et autres revues.

 

Olga Rozenblum, Récupérer nos histoires. Bottom-up.

Ma recherche consiste à revenir sur des expériences d'émancipation, passées et actives, dans le champ de l'art, pour réévaluer la possibilité de produire de l’art dans un contexte néolibéral et de crise comme le nôtre : quelles éthiques du financement et de la diffusion, quelles positions face à la transformation des institutions, quelle survie dans ce champ ? Si les lieux et structures de diffusion en dehors de l'institution m'intéressent pour leurs manières de tout à la fois déjouer et incarner la contradiction, je veux travailler plus spécifiquement sur les possibilités qu'offre l'expérience matérielle de l'émancipation en terme d'auto-formation, de résistance à la normalisation des savoirs et des fonctionnements, de redéfinition des codes de professionnalisation des artistes et des professionnel.les de l'art, de prise en charge de ses propres identités artistiques, personnelles, collectives... En terme de méthode, je souhaite donner la voix à des collectifs, communautés, groupes militant.e.s qui pensent l'autonomisation comme outil, pour qui la conservation, la transmission (et la pédagogie), et la gestion de leurs activités et leurs histoires par eux.elles mêmes, sont les pivots d'une stratégie critique et de survie.

Dernière mise à jour le 17 juin 2021