Sergio Vega

When Clouds enter the Forest & The art of Motorcycle Maintenance
Exposition
Arts plastiques
Galerie Karsten Greve Paris 03

Picasso’s lines, 2015, 28,5 x 36,7 cm, édition 1/4, archival print sur papier fine art mat

Texte écrit par Sergio Vega 

The test of a first-rate intelligence is the ability to hold two ideas in mind at the same time, and still retain the ability to function."

                           F. Scott Fitzgerald

 

Sergio Vega présente les dernières œuvres tirées de la série « Paradise in the New World », projet initié au milieu des années quatre-vingt-dix, à la recherche du site présumé du Jardin d’Eden d’Antonio de Leon dans la région du Mato Grosso au Brésil. L’exposition « When clouds came into the forest and the art of motorcycle maintenance » examine les possibilités offertes par l’acte de photographier et l’image qui en résulte en tant que procédé ancré dans des approches philosophiques du monde. Comme son titre l’indique, l’exposition fait référence au célèbre conte philosophique de Robert Pirsig « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes. »

La série « When clouds came into the forest » fait référence à l’esthétique de contemplation de la Gestalt et l’approche zen de se trouver dans le moment présent en faisant à nouveau l’expérience du monde à l’instant présent. Les photographies, toutes prises en un seul après-midi, dépeignent la forêt amazonienne de l’intérieur, absorbée par les nuages de passage. Les images photographiques contrastées en résultant ressemblent à des peintures à l’encre. Les formations organiques aléatoires de branches et de feuilles deviennent des lignes expressives et des coups de pinceaux spontanés qui font allusion à l’esthétique surréaliste ainsi qu’au romantisme.

La série des « paired photographs » représente la section de l’exposition consacrée à « L’art de l’entretien des motocyclettes ». Ces compositions lient deux images dans une tentative visant à projeter visuellement les termes de la dialectique platonicienne. Ces affichages binaires ne cherchent pas systématiquement à déboucher sur une synthèse hégélienne du « troisième terme » ou sur une résolution de la dichotomie ; mais ils considèrent également la dualité et sa nature ambiguë comme manière de comprendre le monde. Les « paired photographs » de l’exposition mettent en avant des duos équivalents, similaires, contigus, séquentiels et curieusement dissonants afin de proposer un dialogue au sein même des images qui interrogent la façon dont elles tirent leur signification les unes par rapport aux autres.

Dans l’ouvrage « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes », le refus, la négation ou la destruction du système n’apparait pas comme une option viable. Si la motocyclette ne fonctionne pas, elle doit être réparée ; elle doit de plus être entretenue régulièrement. L’examen des mécanismes par lesquels les images photographiques rendent le monde intelligible est au cœur de la combinaison apparemment aléatoire des images de Vega. Si le rôle assigné à la photographie est bel et bien celui de décrire le monde dans ses fonctions et ses mécanismes afin de le rendre compréhensible, comment cette intelligibilité peut-elle se placer au service du pragmatisme ? Comment la connaissance peut-elle guider l’action?

La composition intitulée « see-through » dépeint une perturbation dans la relation figure-fond afin d’examiner la manière dont, à partir des vues fragmentées, les formes en question (des vêtements étendus, un coq et un chien partiellement vus) sont néanmoins complétées par l’esprit. Cette opération serait-elle un modèle de la théorie platonicienne des Formes ?

Les combinaisons séquentielles titrées « Coffee and pools » font correspondre les idiomes de la publicité avec ses méthodes de diffusion. Les piétons, banlieusards et conducteurs surveillés par une large paire d’yeux imprimée sur un panneau suggère le rôle de la culture de consommation en tant qu’entité de contrôle social.

La composition titrée « Plato’s cave » représente une télévision placée dans un environnement intérieur rudimentaire qui ressemble à une caverne, tandis que l’autre image dépeint l’ombre d’une antenne parabolique sur un mur de briques extérieur vétuste. L’impact omniprésent de la culture télévisuelle dans les régions les plus reculées du monde et le désir de faire partie de cette culture sont symbolisés par l’ombre géante de l’antenne, écho de celle projetée sur le mur de la caverne de Platon.

L’œuvre intitulée « Balancing acts » montre des objets situés dans un patio au coucher de soleil. Parmi ces éléments figure une chaise au design moderniste dont le maillage en ficelle s’effondre. Sur l’image du dessous, un Tuiuiu (l’oiseau le plus grand du Brésil) se tient debout partiellement immergé dans l’eau en attendant l’apparition du poisson. L’équilibre précaire de l’énorme oiseau et le calme de la scène du patio un peu plus loin se répondent à travers la forme spécifique de l’animal et des pieds de la chaise. Cette analogie entre le design moderniste et les formes naturelles documente la thèse de l’artiste du « modernisme tropical » où le design devient mimétisme à travers son émulation de la nature.

La composition « Buletts and logs » reproduit un détail d’un panneau de rue montrant un jaguar qui se repose sur une branche ; cette image évoquant la conscience environnementale a été ironiquement utilisée comme cible, révélant un éventail d’impacts de balles. En dessous, la composition inclut une pile ordonnée de larges poutres de bois résultant de la déforestation illégale. Qu’il s’agisse de tirer des balles ou de couper des arbres, ces deux actions révèlent l’irrespectueuse indifférence pour la préservation de l’environnement au sein de la population locale. Les deux séries de travaux présentées dans l’exposition propose une dichotomie entre le romantisme et le rationalisme que l’auteur du « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes » a également cherché à aborder. Afin d’améliorer notre niveau de vie, il devient nécessaire de compter sur l’intuition, l’engloutissement sensoriel et la contemplation, mais également de s’engager dans la compréhension et la restauration du monde qui nous entoure.

Horaires

10h - 19h

Adresse

Galerie Karsten Greve 5 rue Debelleyme 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Metro Saint-Sébastien Froissart
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022