Sea of Humanity, Peter Kim

Exposition
Arts plastiques
Galerie Imane Farès Paris 06

 

Peter Kim

Sea of Tranquility

 Pour sa première exposition personnelle à Paris, Peter Kim présente pour la première fois le plus large échantillon de sa création que ce soit les peintures, les nombreux croquis qu'il dessine chaque jour, les sculptures, ou bien encore une vidéo inédite.

                                                                                                                           

Peter Kim trouve dans l'invitation exceptionnelle faite par la galerie Imane Farès un contexte ouvert pour sa création. Ouvert, car c'est l'essence même de la galerie Imane Farès de ne pas être enfermée par des notions géographiques ou politiques, de renforcer les passerelles avec le monde.

 

Peter Kim, mû par ce même désir d'ouverture et de découverte d'autres pratiques quitte sa ville natale de Gwangju en Corée pour se rendre d'abord à Marseille avant de vivre à Londres, Berlin et désormais New York. A Marseille, nait une première révélation, une vision infernale des peuple en fuite, un monde peut être moins contraint mais tout aussi violent. L'autre épiphanie, plus sereine, est la prépondérance de la mer, des gens qui la traversent, y voyagent. Dès lors se détachant de son enseignement académique en Corée, la peinture de Peter Kim devient plus abstraite, mais surtout sérielle.  

Lors de sa résidence à Mérida au Mexique, il découvre l'existence d'une immigration coréenne qui, au début du XXe siècle, a été réduite en esclavage au même titre que les Indiens d'origine maya. Cette histoire ensevelie a eu un impact très fort sur son œuvre qui devient alors plus expressionniste, plus incarnée et toujours plus déterminée.

 

L'exposition de Peter Kim à la Galerie Imane Farès est le fruit de ces expériences de vie, on y retrouve ses voyages entre tradition et modernité, cette prise de conscience d'un monde troublé, avec comme point d'orgue trois grandes toiles peintes dans un atelier en banlieue parisienne lors de l'hiver 2017.

 

Peter Kim peint non seulement des personnes mais surtout le passage du temps, le passage entre deux espaces, le passage en tant que allégorie. Ses peintures sont travaillées par plusieurs temporalités. Les moments s’y enchevêtrent, rendant impossible la certitude d'une unité de temps.

 

Des eaux calmes et menaçantes, sur lesquelles des hommes naviguent, immobiles, emplissent tout l’espace de la galerie Imane Farès. Tel un passeur, Peter Kim nous apprend à voir, à nous positionner. Les désirs, l’espérance, l’échange entre les personnes, sont les moteurs des oeuvres. Les êtres sont extraits de leurs environnements, de leurs contextes et de leurs repères, et propulsés au cœur d'un espace pictural énigmatique, sombre et oppressant.

 

Dans cette posture stagnante, ils se révèlent au cœur d'une eau dormante et noire. Dans l’oeuvre de Peter Kim, l’eau est un symbole d’égalité en tant que ressource essentielle pour la survie de l’humanité. Elle représente la mémoire. Les couleurs, aqueuses par nature, que l’artiste utilise, réussissent à créer une atmosphère nocturne et évanescente où tout peut avoir lieu. Gardant à l'esprit que les êtres humains sont en grande partie constitués d'eau, cette vision favorise une approche tout à la fois scientifique et spirituelle.   Celle-ci pourrait être à l'origine d'un monde meilleur du fait d’une harmonie entre la nature et l’existence humaine.

 

Ici, la mer n'est jamais en repos ; les éléments y sont déchaînés (vents, vagues, lames, orages...). Elle est violente et menaçante, pleine de bruits mais surtout remplie d'histoires humaines. Elle a plusieurs visages et devient le lieu indispensable pour percevoir et ressentir la fragilité de l'existence des hommes et sa véritable dimension. Dans l’exposition de Peter Kim, l’eau permet de faire le lien entre plusieurs univers tout en effaçant les limites et les repères.

 

L'homme apparaît semblable à la vague, au navire, au marin… La mer peut se présenter aussi comme un désert à la fois inquiétant et rassurant : passé englouti mais aussi préservé. Et partout, des formes humaines nues au regard disparues face à la mer. Certaines sont proches, d’autres ont déjà de l’eau jusqu’au torse, d’autres encore se confondent avec les flots. « Pour moi la mer est très magnanime, elle reçoit tous les courants d’eau et les purifie. »

 

Telles les peintures d’Histoire, celles de Peter Kim sont parcourues de messages. Elles manifestent un moment tragique actuel tout en le replaçant dans l’Histoire de l’Art. En effet, comment ne pas penser, entre autres, au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Il y est aussi question de contestation, la contestation de ce qui se passe ou plus précisément de ce qui ne se passe pas. Quand il arrive à Marseille, pour la première fois, Peter Kim découvre aux actualités les bateaux de migrants tentant de traverser les mers. Il a l’envie de saisir et de porter ces sujets aux dimensions d’une grande toile. Les images de Peter Kim redonnent à la peinture ses relations privilégiées avec l’actualité politique, sociale, économique dont elle semblait s'être distanciée dans les nombreux courants de l'abstraction.

 

Par ce choix de la représentation, l'artiste nous invite à dévoiler les couches du réel, à avoir une lecture en profondeur, à formuler nos pensées. Car il y a en effet une nécessité à montrer ces sujets, à prendre le temps de les regarder. Ces migrants dont le voyage est contraint et volontaire, imprégnés de rêves de liberté et de tranquillité, fantasmés et peut-être aussi redoutés, doivent nous interpeler, nous toucher dans notre condition de citoyen.

 

Cette démarche frôlant l’expressionnisme ne tente pas de faire croire à une authenticité première. En fait, ce qui est actif dans ses tableaux, c’est une sorte de sentiment réfléchi, riche de sens. Les peintures de Peter Kim nous appellent et comme le décrit Roger de Piles, elles pensent sans mots. Elles nous attirent, nous fixent, nous parlent, nous incitant à nous arrêter. La silencieuse puissance de la peinture dont parle Eugène Delacroix s’avère en effet dévoiler la pensée plus ou moins consciente de l’artiste.

 

Avec le temps, les couches de sens, de réflexions conscientes ou inconscientes du peintre apparaissent peu à peu, créant ainsi une intimité entre le visiteur et la peinture.

La question de la temporalité est aussi présente dans les couleurs, le plus souvent délavées, voire épuisées et dans les coulures qui sont partie intégrante du processus pictural de l'artiste, tel un filtre, un rideau créant une mise à distance. Plus le visiteur se rapproche, plus les personnages dans la toile ont un aspect flou, ils disparaissent.

Ils semblent saisis dans une temporalité incertaine, comme si ils étaient endigués dans un espace-temps entre deux rives. Un profond et vague sentiment d’errance, de perdition et de solitude est ainsi renforcé. Cette suspension du flux temporel peut toutefois éclater à tout instant. Dans ce flou pictural, ils nous regardent, nous les regardons, de cet échange peut naître un retour à la case départ ou l’atteinte de la liberté. Ce climat étrange est aussi accentué par les ambiances nocturnes, aqueuses voire orageuses des petits formats présentés ici.

 

Aucun paysage n'est innocent. Chaque paysage a une dimension sociale cachée liée à son utilisation naturelle et à la politique du territoire qui révèle des matrices humaines et sociales complexes. Dans l’exposition, pour la première fois, Peter Kim utilise la vidéo pour dissoudre les espaces et les civilisations, ici Londres et Merida se mélangent et rassemblent technologies et traditions, deux notions qui interrogent l’artiste depuis les débuts de son parcours.

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Né en 1967 en Corée du Sud, Peter Kim est diplômé à la fin des années 90 de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Marseille, il poursuit depuis sa carrière aux États Unis.

 

Dans son pays natal, la Corée, le confucianisme et la guerre ont entrainé une croissance économique et une restructuration sociale assez tardives, seulement à la fin du XXe siècle. La Corée a ainsi développé un esprit de communauté plus important que l’individualisme, les mœurs et les pratiques sociales coréennes se révélant très différentes de celles de l’Occident. L’éducation artistique que Peter Kim a reçu en France a changé sa vision des objets et de la société. Alors que l'éducation coréenne de son enfance restait académique, il a pu développer à Marseille son imagination librement et essayer de nouveaux moyens d’expression.

Sa collecte d’objets commence notamment à ce moment là, des objets ayant pour point commun d’être des contenants, des réceptacles, pour accueillir le liquide.

Commissaires d'exposition

Artistes

Adresse

Galerie Imane Farès 41 rue Mazarine 75006 Paris 06 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022