Scabs

Exposition
Arts plastiques
Mécènes du sud | Montpellier-Sète-Béziers Montpellier
Affiche de l'exposition Scabs

Incrustées entre les blessures et les cicatrices, les croûtes — granuleuses, irritantes, vilaines — donnent à voir et à ressentir les effets d’une réparation en puissance. Elles se forment en friction par la prolifération de filaments fibrineux qui débordent de la lésion. Sous elles, les cellules de tissu conjonctif œuvrent au centre de la plaie ; les vaisseaux sanguins, brisés, y reprennent forme. Or, comment expliquer la démangeaison incontrôlable qui, suite à un choc, incite à s’en prendre à son propre corps alors qu’il travaille en surplus pour se recomposer ? Gratter à la surface de cette question fait surgir l’intuition-guide de l’exposition située à la lisière de l’attraction et de la répulsion.

Revenir à l’histoire des mots est une manière, peut-être, de faire sens des choses qu’ils représentent. Du latin crusta, “croûte” est ce qui enveloppe ou recouvre, notamment en parlant du pain ou d’une plaie. À partir du 18e siècle, en France, le mot surgit dans le champ de l’art pour qualifier des mauvaises peintures, vieilles et dépourvues de valeur. “Scab”, en anglais, provient du moyen néerlandais, schabbe, qui dénote les femmes aux mœurs dites “légères”. Tendre l’oreille à ces mots, aux sonorités contrariantes, laisse entendre les assignations culturelles et sociales qui en découlent et qui collent aux surfaces. “Croûtes” désigne alors ce·lleux qui troublent les délimitations — entre l’intérieur et l’extérieur, le bien et le mal —, des frontières se voulant hermétiques par souci de soin et de bienséance. Les croûtes suscitent ainsi rage, dégoût et agacement.

En écho, l’étude des croûtes pourrait se rapprocher du travail politique et esthétique mené par les “rabat-joie féministes”1. Selon la philosophe Sara Ahmed, cette figure, devenue archétype, assume pleinement que pour exister, il faut parfois irriter, transgresser, et, ce faisant, indiquer ce qui ne va pas ou plus. 

Forte de cette enquête en cours, l’exposition Scabs est alors une incursion dans les vies physiques et symboliques des croûtes qui dérangent, démangent et excèdent. La constellation d’œuvres rassemblée à cette occasion — dont trois nouvelles productions — convoque tour à tour des textures, techniques et affects débordants. Constituées de matières organiques, plastiques et poétiques, les pièces de Scabs invitent les publics à considérer les croûtes comme des seuils — ces espaces charnières de négociations radicales : celles qui œuvrent à trouver de la vie dans les résidus, de la douceur dans les violences vives et latentes, et du lien dans les limbes. Si Sara Ahmed positionne les rabat-joie au cœur d’un projet de transformations sociales qui sera assurément innervé, inconfortable et invasif, cette exposition tente d’en montrer les formes délicates et épineuses — scabreuses, en soi. 

1 Cf. Sara Ahmed, Living a Feminist Life, Duke University Press, Durham, 2017.

 

 

Avec le soutien financier de la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie.

Commissaires d'exposition

Adresse

Mécènes du sud | Montpellier-Sète-Béziers 13 rue des Balances 34000 Montpellier France
Dernière mise à jour le 20 avril 2023