Sarah Moon, Jim Dine, Sandrine de Nicolay

Exposition
Photographie
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Contact presse : Vanessa Déjardins 01 44 78 75 01 - vdejardins@mep-fr.org

SARAH MOON

Cette oeuvre-là, je la connais, je l’ai vue se faire. J’ai vu les toutes premières photos, qui disaient le charme de la découverte, l’émerveillement devant la magie du procédé. Tout est possible ou presque. J’ai vu Ingrid, Anne ou Suzanne, interminablement attendre un homme, attendre une lettre ou la fin du jour. J’ai vu jaillir les tulipes du plancher, j’ai vu la femme ouverte comme un papillon, la femme cousue comme une robe, la robe trembler comme une femme. J’ai vu l’enfant donner la main au singe et offrir le thé au chat. J’ai vu citer Carroll et Beckett, Khnopff et Füssli.

Oui, cette oeuvre-là, je l’ai vue se faire. J’ai vu la naïveté se transformer en savoir-faire, s’affirmer, se diversifier, mûrir sans jamais chasser l’inquiétude. C’est le privilège du quotidien partagé que d’être sur la crête des enthousiasmes, que d’être au coeur des angoisses, de voir comment on donne un visage aux chimères et comme est désespérante la quête de la beauté.

Oui, une oeuvre, un mélange d’intuition, de rigueur et d’obstination. Un esprit qui vagabonde, une imagination sans frein ni repos. Non pas un refus mais une totale inaptitude à la compromission.

Un talent, qu’on lui reconnaît partout dans le monde. Image fixe ou en mouvement, la même attention au cadre et à la lumière, à la séquence et à la musique, la même façon de prendre garde à la douceur des choses, comme si Fauré, pour elle, avait écrit sa Ballade.

Une carrière, sans équivoque ni faux-semblants. Mais au moment de la reconnaissance, à l’instant des diplômes, des médailles et des trophées de toutes sortes, elle prend soudain conscience qu’elle n’est pas tenue de refaire le monde, à façon et à sa façon, qu’elle peut regarder son jardin sous la neige, qu’elle peut ouvrir la porte du studio et voir sans inventer.

Elle se met à rêver les arbres comme elle a rêvé les femmes, elle prend des chemins qui ne mènent qu’à elle, elle accroche des étoiles dans un ciel de pluie et les champs qu’elle parcourt accueillent un étrange bestiaire. Car elle comprend vite qu’elle peut ne pas montrer ce qu’elle voit, qu’elle peut raconter ce qu’elle pourrait voir, qu’elle peut prendre ses aises avec la réalité, comme elle a toujours fait.

Naissent alors des images qu’on n’attendait pas. Elle qui a tant joué sur l’évanescence des formes et sur l’incertitude des lignes, sur le vacillement du temps et des lumières, elle prend plaisir à forcer le trait, à marquer les contours, à saturer les couleurs.

Mais il y aura toujours dans ses photographies une délicatesse qui n’est qu’à elle. Il n’y aura ni mièvrerie ni complaisance dans ce regard qu’elle pose sur les femmes. Et elle sera toujours éblouie qu’un oiseau vienne, du fond des mers et jusqu’à la fin des temps, regarder son oeil bleu et lui montrer ses plumes.

Robert Delpire
(Postface publiée dans Sarah Moon,
Nathan, collection Photo Poche, 1998)


Un jour en hiver sur la plage, une mouette entre dans mon viseur par la droite, elle me regarde, elle s’en va, je l’oublie. Longtemps après sur la planche de contact d’un film que je croyais perdu, je l’ai trouvée ou retrouvée ; il y a d’autres mouettes au loin, des rochers, la mer aussi, mais c’est comme s’il n’y avait plus rien, il n’y a plus qu’elle, elle seule, n° 17 à 18, centrée dans le 24 x 36, entrevue à jamais, là à moins d’un mètre de moi, le regard fixé sur moi, alourdie d’être saisie, ralentie dans son envol, une aile floue, une aile nette, une aile sombre, une aile claire, l’une battant plus vite que l’autre, pour la tenir en équilibre, ce quinzième de seconde - à moins que ce ne soit un trentième, je ne sais plus -, le ciel était bas et gris, elle est suspendue au-dessus de la balustrade de pierre - c’était donc près de l’hôtel, je ne sais plus, je ne sais plus si je l’ai même vue, miracle, mirage ou signe du ciel, emblème du hasard, mystère ou magie de la photographie... coïncidences...

Comme cet autre jour encore, dans les jardins de Bagatelle, lorsque ce paon venu d’ailleurs a fait la roue derrière moi, tandis que je m’acharnais, l’oeil rivé sur la robe à pois que portait Martha ; il ne restait que deux vues dans l’appareil, c’était déjà un signe, je tournais le dos à la photo, à la beauté, elle n’était pas là où je la traquais. Des années durant, je ne l’ai cherchée que dans les studios, c’était mon métier, je ne la voyais que décorée, parée, maquillée, apprêtée, enrubannée, à la mode du jour... Autant de masques, autant de pièges, autant de mailles du filet qu’il me fallait traverser pour rapprocher, pour effleurer l’émotion, autant d’artifices qu’il me fallait débusquer pour être impressionnée au propre et au figuré.

Dans ce monde de l’illusion, rare était l’instant. Pour lui donner une réalité il lui fallait un avant et un après, il fallait l’inventer mais l’oublier pour le trouver ; et ici, où tout était
préparé, c’est encore dans l’imprévu que la mouette se cachait, elle se cachait dans un regard surpris entre deux poses, dans un geste raté, dans un éclat de rire, dans un faux pas ; elle se cachait dans un signe de vie au bord du cadre, dans le vent des ventilateurs, dans l’ombre de la lumière, dans une harmonie ou dans une stridence, mais toujours dans la fugacité, dans l’éphémère, papillon de malheur, stigmate du temps. Quelqu’un a dit - Valéry peut-être - «La beauté, elle est ce qui désespère».

De ces années-là, il n’y a plus beaucoup de photos que je reconnaisse parce que j’ai changé et que je ne vois plus comme je voyais. «Avoir toujours été celle que je suis, être si différente de celle que j’étais» dit Winnie dans son tas de sable. «Oh les beaux jours...»

Mike Yavel était mon assistant, mon ami, mon oeil gauche. Il est mort brutalement. Notre complicité aura duré quinze ans. Sans lui ce n’était plus pareil. Il m’a fallu continuer, «Life dances on...». Je me souviens d’une nuit où la neige était tombée, au matin, au réveil, j’ai fait ce que je n’avais jamais fait, poussée par je ne sais quelle nécessité, j’ai photographié les hortensias du jardin, ensevelis. Sur le positif, rectangle blanc, il n’y avait que des traces et des signes. Ce n’était plus moi mais la vie qui racontait son histoire; d’une pression de l’index sur le déclencheur, dans un clin d’oeil et dans une fraction de seconde je la faisais mienne. C’est alors que tout à commencé. J’ai photographié pour moi, alors qu’avant il me fallait être demandée pour oser. Si on va au bal il faut danser... Le bal était dehors, le bal était ailleurs, le bal était encore, il était partout où je le voulais, c’est moi qui m’invitait à danser, à photographier, et vive la liberté... Vive la liberté. Je suivais son rythme, avec ou sans musique, et pour le plaisir, le plaisir du regard avant même celui de la photographie, l’un pouvait vivre sans l’autre et de toute façon j’ai toujours su que je n’avais rien vu si je n’avais pas vu au-delà des apparences. J’ai toujours su qu’il me fallait fermer les yeux avant de les ouvrir, et que mon oeil, en choisissant, n’était plus tout à fait le mien, qu’il n’avait pas son âge, qu’il voyait pour la première fois, qu’il découvrait ce que moi je reconnaissais en mon âme et inconscience. Comme j’ai toujours su que je ne savais pas ce que je cherchais : «que la quête remportait sur la prise, qu’elle me tenait en marche, et que je n’avais de cesse de mettre un pied devant l’autre»; drôle de pas giratoire, il me semble avoir plus tourné qu’avancé et aujourd’hui ou je dois montrer ce que j’ai fait, j’ai du mal à choisir ce qui va me définir. Définir... est-ce mot de la fin ? Peu importe, photographe de mode je suis et je reste, oui je peux le dire, mais encore je photographie, sans but, tout et rien, ce que bon me semble, et qui ne se ressemble pas... Je me balade ; II y a «bal» dans «balade». C’est donc là aussi qu’on peut danser, la boucle est bouclée, et tant qu’il est encore temps, et aussi longtemps que je pourrai, je veux danser, ici toutes les danses sont permises, je veux regarder, je veux photographier...

Sarah Moon
(Préambule publié dans Sarah Moon,
Nathan, collection Photo Poche, 1998)


Repères biographiques
Photographe de mode et de publicité depuis 1968, Sarah Moon obtient très vite éloges et prix à Paris, Londres, New York ou Tokyo, où ses expositions sont très remarquées. Ses photos font l’objet de publications dans de nombreux magazines (Vogue, Sunday Times, Harper’s Bazaar, Marie-Claire, Elle, Frankfurter Allgemeine, Photo, Zoom, Graphics, Time Life...), ainsi que dans quantité de livres (Souvenirs improbables, Le Petit Chaperon rouge, Vrais-semblants...). Elle a en outre participé à différents ouvrages photographiques collectifs sur la photo de mode. Depuis 1980, elle a signé plus de cent cinquante films publicitaires, ainsi que plusieurs longs métrages. Sarah Moon est également l’auteur d’une oeuvre photographique très personnelle, mettant en lumière la fugacité de la beauté, l’éphémère, l’usure du temps.

Bibliographie
Souvenirs improbables - avant-propos de Danièle Sallenave. Delpire, Paris, 1981.
Sarah Moon - textes de plusieurs auteurs. Pacific Press Service, Tokyo, 1984.
Le petit chaperon rouge - Grasset (Prix du livre d’enfants, Bologne)
Sarah Moon - textes de Jean Dieuzaide et Sarah Moon. Galerie municipale du Château d’Eau, Toulouse, 1985.
Sarah Moon - textes de plusieurs auteurs. Pacific Press Service, Tokyo, 1989.
Vrais semblants - texte de Sarah Moon. Delpire, Paris, 1991.
Les argentiques : son et lumière, livre I - texte de Sarah Moon, Filigranes, Trézélan, 1996.
Sarah Moon : Inventario 1985-1997 - texte de Sarah Moon. Universidad de Salamanca, Salamanque, 1997.
Sarah Moon - préambule de Sarah Moon, postface de Robert Delpire, Nathan, Paris, 1998, n°78 de la collection Photo Poche.
Still - texte de Ilona Suschitzky. Weinstein Gallery, Minneapolis, 2000.
Coïncidences - textes de plusieurs auteurs. Delpire, Paris, 2001.
Dansez, Dansez... - Les Solitaires Intempestifs, 2002.

Filmographie
150 films publicitaires (Dim, L’Oréal, Cacharel, TWA, Dupont, Revlon, etc...)
Mississippi One. Take Five Productions, 1990.
Contacts. Cnp-La Sept-KS Vision, 1994.
Henri Cartier-Bresson, point d’interrogation. Take Five Productions, 1995.
À propos d’une exposition. Production Cnp, 1995.
Lumière et compagnie. Cineteve Productions, 1996.
J’ai choisi cette photo... Musée Niepce-Riff Productions, 2000.
There’s something about Lillian. MEP-Franco American-Take Five, 2002.
CIRCUSS. Take Five Productions, 2002.



JIM DINE

L’exposition est co-produite par la Maison Européenne de la Photographie, Paris et le Davidson Art Center de Wesleyan University, Middletown, Connecticut.

DE L’HÉLIOGRAVURE AU TIRAGE ARGENTIQUE

L’héliogravure donne naissance au corbeau
"La fine poussière de bitume dont se servait Jenö Gindl pour faire mes héliogravures en 1995 était le breuvage magique qui a porté à la conscience mon rêve appelé Nord. Je l’avais rêvé l’année précédente à Paris et je l’ai réalisé à Berlin après que Gindl m’a montré comment faire une héliogravure et après qu’un naturaliste de ma connaissance a empaillé pour moi - merveilleusement - un corbeau mort depuis peu. Est-ce que c’est un symbole de la mort ? Oui, cela a un rapport avec la mortalité et l’immortalité, pourquoi pas ? Le corbeau, dans ce contexte, était très particulier pour moi. Je ne voulais pas surpasser sa particularité, parce que je ne voyais pas qu’il s’agissait de quelque chose d’universel. Ce corbeau m’était venu comme vous vient un enfant et m’avait parlé dans la vie réelle. Il connaissait même mon nom, Jimmy.


Mouvement numérique à la porte du coeur
En 1997 je me suis rendu à Washington avec Diana Michener pour collaborer avec le graveur David Adamson. Je n’avais aucune idée de la façon dont il produisait des images. J’y suis allé simplement pour voir. Beaucoup de gens travaillent avec lui sur Photoshop et modifient leurs images, c’est-à-dire qu’ils construisent leurs images et en créent avec ce programme informatique appelé Photoshop. Cela m’a enthousiasmé, mais je n’ai pas trouvé que c’était la photographie telle que je voulais qu’elle soit pour moi. Adamson a une petite chambre avec un appareil photographique. Par petite je veux dire qu’elle fait environ 4 m x 4 m, y compris l’appareil et quelques lumières. C’est une chambre très noire, et il a un appareil 4 x 5 dont la partie arrière est numérique, il a aussi un objectif Schneider de 90 mm très, très au point. Son appareil demande des temps de pose très longs. Parfois de dix minutes. Il enregistre l’image vers le bas. Il commence en haut, la saisit et descend. Mais il descend de gauche à droite, puis de droite à gauche commme s’il descendait un escalier. J’ai pu ainsi prendre un autoportrait devant un poème, par exemple, et quand j’ai bougé j’ai pu créer certaines formes abstraites qui effaçaient quelques-uns des mots. Rien n’est jamais flou, il n’y a jamais de surimpression. On obtient une sorte d’abstraction de son corps qui se déplace à travers le plan. En remuant les bras j’ai pu produire ces lignes couleur chair qui traversaient la photo. Je devenais acteur de la photo.
Après avoir vu ces images j’ai eu le sentiment que je franchissais la porte de mon coeur pour accéder à une région où mon corps n’avait pas de poids, le sentiment que mon corps était juste une machine ectoplasmique à faire des photos.


Moi et le Polaroid
Moi, j’ai des troubles d’apprentissage (la dyslexie, etc...). Par conséquent je n’arrive pas à comprendre les cadrans d’un appareil photographique. Ils baissent un store dans mon cerveau comme si quelqu’un disait : " Pourriez-vous réparer mon carburateur? " Il ne s’agit pas là d’un manque d’intelligence; c’est plutôt une incapacité à voir comment une chose est faite par quelqu’un d’autre, ou, dans le cas du carburateur ou des cadrans, d’une manière générique. Vraiment, je n’y pige rien, il faut que je fasse tout à ma façon et le refasse moi-même. Cela fait partie de la pastille qui me manque ou de l’étrange pastille qui est dans mon cerveau.
Ainsi, lorsque j’ai vu pour la première fois un Polaroid produire une photo de moi-même, comme résultat d’un expériment de Joanne Verburg pour me faire aller à Boston pour essayer le grand appareil, j’ai senti que tous les regards que j’avais fixés dans toute ma vie pourraient être réalisés dans l’invention du docteur Land. J’ai arrangé mes modèles, ou des fleurs, ou moi-même et les modèles, j’ai fait le point et j’ai obtenu une image qui tenait dans le creux de ma main. C’était exactement comme avoir une pensée et voir la pensée se matérialiser devant moi en l’espace d’une minute.

Des gravures chromogéniques et la belle surprise
J’ai commencé la gravure chromogénique en couleurs un jour, après avoir regardé le mur de mon atelier du Connecticut. C’était du pentimento pur. Les gouttes, les égratignures, les coupures de douze ans de peinture étaient toutes là sur ces murs. J’ai trouvé que cela ferait un fond merveilleux pour écrire des poèmes. Les poèmes sont sans doute des objets qui habitent mon monde depuis toujours. Les mots portent une signification et peuvent être, quand j’ai de la veine, des objets calligraphiques. Parfois les mots sont si pleins, si débordants de l’expression de mes sentiments. Mais d’autres fois je pourrais écrire un poème sur le mur, le photographier et, pour la photo suivante, en photographier seulement une partie, un fragment. De façon que j’arrive à photographier seulement quelques-uns des mots; ça me va. La beauté de la calligraphie descendant le mur quelquefois est suffisante. Si je peux produire les deux effets en même temps c’est parfait, mais tout compte fait il s’agit toujours de regarder et de dessiner. Je crois que le dessin est toujours évident dans mes poèmes muraux. Je trouve que ces photos en couleurs sont la preuve que le poème est vivant. Cela m’importe. Je trouvais très difficile de critiquer ce que j’avais fait et puis un jour je les ai recadrées, me servant de mon sentiment de culpabilité et de mes oreilles comme d’une sauvegarde contre leur beauté.

Les gravures sur argent (la danse de la photographie)
La danse de la photographie où je suis mis est un tour de magie entre des images et une technique, stupide. Je sais ce que je veux quand je le vois. Il m’a fallu toute ma vie d’artiste pour savoir composer et savoir suivre la ligne étroite entres les confessions, la poésie, et l’expression contrôlée comme accompagnement de la joie et la douleur. NOIR et BLANC : c’était ça, la signification originelle de la photographie, pour moi.
L’hiver dernier j’ai observé le grand imprimeur chinois de Paris, Choi, faire énormes gravures en noir et blanc pour ma compagne Diana Michener. Cela m’a passionné et j’ai commencé à photographier des outils amassés sur le plancher de mon atelier. C’étaient des objets que je dessinais à une certaine époque. Une fois photographiés, ils me paraissaient représenter des paysages désespérés ou des radiographies du bruit qui circulait dans ma tête. Actuellement je fais de grands portraits de Diana. Ils constituent une célébration de la palpitante prétendue " matière grise".

Jim Dine

Repères biographiques
Né en 1943, à Cincinnati (Ohio, États-Unis), Jim Dine connaît, dès le début de sa carrière, un renom international. Selon un récent article de presse, Dine est considéré comme le Rembrandt de notre époque. Au cours de ces trente dernières années, Dine a participé aux mouvements esthétiques les plus influents et les plus importants, dont le Pop Art. Il a exposé dans les galeries et les musées les plus prestigieux d’Amérique et d’Europe, parmi lesquels le Centre Georges-Pompidou et le Guggenheim Museum de New York. L’oeuvre, monumental, de cet artiste au talent diversifié comprend aussi bien des peintures et des sculptures que des dessins et des estampes, Dine maîtrisant chacune de ces techniques avec un brio tout à fait exceptionnel. À ce jour, Jim Dine a été professeur invité dans plusieurs universités à travers le monde. Il vit et travaille principalement à New York.

Bibliographie
The adventures of Mr and Mrs Jim and Ron
Texte de Ron Padgett. Grossman. New York, 1970.

Jim Dine Photographs
Texte d’Andy Grundberg. Alan Christea Gallery, Londres 1997

Jim Dine : photographies récentes
Entretien avec Jean-Luc Monterosso. Maison Européenne de la Photographie, Paris, 1998

Jim Dine : Color Photographs
Texte de James L. Enyaert. Pac Wildenstein, New York, 1999.

Jim Dine in Italia
Textes de plusieurs auteurs. Gli Ori, Prato, Italie, 2000.

Birds
Texte de Jim Dine. Steidl Verlag, Göttingen, Allemagne, 2001.

«JIM DINE : THE PHOTOGRAPHS, SO FAR»
Bilingue français-anglais. Quatre volumes. Éditions Steidl Verlag.

Publié par le Davidson Art Center de Wesleyan University à Middletown, Connecticut, aux États-Unis, et la Maison Européenne de la Photographie, un catalogue raisonné «Jim Dine : The Photographs, so far» est publié à l’occasion de l’exposition.

Il contient des reproductions de toutes les photographies (plus de quatre cent cinquante images), quatre textes de présentation (une introduction de Marco Livinstone, historien d’art, conservateur, spécialiste de l’après-guerre; un essai d’Andy Grundgerg, spécialiste de la photographie et critique pour le New York Times; un essai de Stephanie Wiles, conservatrice au Davidson Art Center et un entretien de l’artiste par Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison Européenne de la Photographie).


Présentation de l’exposition à l’étranger :

Göteborg Museum of Art, Hasselblad Center, Göteborg, Suède.
du 17 janvier au 14 mars 2004

Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur. Cologne, Allemagne.
du 14 mai au 1er août 2004

Davidson Art Center and Ezra and Cecile Zilkha Gallery.
du 10 septembre au 8 novembre 2004









SANDRINE DE NICOLAY

Il existe un lien particulier entre la République Tchèque et la France qui remonte dans l’histoire bien au-delà de la fondation de l’État indépendant qu’allait présider Masaryk après 1918. La culture, la politique et l’économie unissaient déjà les couronnes de Bohême et de France depuis le Moyen-Age, par une multitude de destins particuliers et d’événements collectifs qui avaient laissé de fortes empreintes dans la littérature, l’architecture, une manière d’envisager l’homme et ses valeurs, qui entrainèrent une même adhésion à la démocratie au début du XXe siècle. Et si la terrible fracture de 1938 où Prague fut abandonnée à la barbarie, prélude de l’abaissement fatal qu’allait bientôt connaître la France, entraîna une séparation de fait durant plus de 50 ans, durant lesquels l’oppression et le remord se renvoyaient de sinistres reflets, le dialogue entre les êtres ne fut jamais totalement rompu.

Dans le Paris de 68, les événements de Prague étaient ceux d’un peuple frère.
À l’heure où la Communauté Européenne doit s’apprêter à accueillir en son sein la République Tchèque, il est d’autant plus indispensable de marquer par la Saison tchèque en France, «Bohemia Magica», comment s’est effectuée une rencontre si fructueuse dans le passé, par quels moments d’éclats et par quelles affres elle fut jalonnée, et pour quelles raisons il n’est que temps qu’elle connaisse désormais une indéfectible renaissance.

Olga Poivre d’Arvor-Kubelkova,
commissaire général pour la République Tchèque

Frédéric Mitterrand,
commissaire général pour la France

Avant-propos publié dans le cadre de la Saison Tchèque en France «Bohemia magica» organisé par l’Association Française d’Action Artistique








A PROPOS DE L’ÉTONNANTE ARCHITECTURE CUBISTE TCHÈQUE
DE 1911 À 1923

Un rêve d’architecte esthète : composer la façade d’un bâtiment comme une image, qui se suffirait elle-même et se justifierait simplement par son élégance.
L’architecte cubiste ne déstructure pas, comme le ferait le peintre cubiste...il restructure. Il sculpte la lumière tout simplement. Et de mille facettes il organise et joue de l’ombre et des gris.
Maître du détail, de l’image qui renvoie à l’image, de l’accident visuel au coeur d’une symétrie, de l’humour et du clin d’oeil, l’architecte de Prague en ces années-là, compose une peau ouvragée à la manière de Braque, Juan Gris, Duchamp ou Picasso.
De ces images, je m’attache à la poésie, à la vibration, à l’émotion qu’elles apportent au rythme des façades...
Ces quelques jeunes architectes ont été des pionniers en matière d’image extérieure d’un bâtiment , des rationalistes un peu plus artistiques, des fondateurs de l’Art Déco, presque des Puristes ou des Fonctionnalistes avant l’heure.
Ils réécrivent le décor des rues avec pour alphabet des signes le prisme et la facette. Comme principe fondateur : le relief, et comme obsession : la lumière.
Cette lumière ainsi structurée est typée, datée, repérable mais c’est aussi un jeu de lumière rendu contemporain...moderne...une époque.
" la lumière métallique de la modernité ne correspond pas à la lumière de la chandelle en suif de Rubens ou de Rembrandt "écrit Kazimir Malevitch.
La lumière des architectes cubistes tchèques est architecturée et sans couleur.
Elle a toutes les couleurs et toutes les géométries...
Une façade comme une photographie argentique, comme une affiche animée.
Il est étonnant de constater cette concentration :Style, esprit, écriture, localisation.
Un véritable éloge à l’ombre, née du prisme, de la pyramide et de l’arc...
Peut-être maniéré, mais tellement plastique.
Certains détails font inévitablement penser au travail du lapidaire qui par d’invraisemblables facettes organisées, réussit à faire jaillir l’éclat des profondeurs d’une pierre. Le joyau né de la matière brute.
A Prague, le rythme et le chant d’une lueur sortent de la profondeur sourde du béton.
Mais louons aussi les clients...qui sont-ils pour promouvoir cette modernité ?
Le ville ressemble à un concours d’élégance.
La Villa Muller d’Adolphe Loos et Karel Lhota, va au-delà de l’aspect.
Le jardin de la villa Kovarovic de Josef Chochol va au-delà des contraintes de terrain.
L’architecte cubiste structure le confort bourgeois. Lignes pures, organisation maîtrisée, couleurs fortes, nuances douces,.
Comme la " nature morte au journal " pas de violence mais de l’humour, de la puissance et une douce sensualité...
A l’intérieur, comme à l’extérieur, l’architecte cubiste est un organisateur, un maître de l’angle. L’angle créatif, l’angle de vue.
Cette promenade praguoise déclenche une furieuse envie de photographier.
Capturer le jeu instable de la lumière sur l’ouvrage raffiné de l’architecte.

Jean-Michel Wilmotte

Sandrine de Nicolay n’est pas venue à la photo par le reportage. L’instant décisif n’est pas son fort, ni l’événement, son fétiche. Elle a éduqué son regard en dessinant et collectionnant, le trait, pour elle, a précédé la trace. D’où son sens de la composition, et devant l’objet, une sorte d’humilité intérieure. Ne rien brusquer, prendre son temps. Elle attend que le quotidien lui fasse signe, réveille en elle des souvenirs enfouis. Ce qu’elle veut mettre sur la même ligne de mire, avec un oeil très sûr, c’est une forme, un symbole et une enfance. En donnant une organisation formelle rigoureuse à ce qui n’en a pas spontanément : ce peut être un nu, un chef d’orchestre, une vague, un sourire. C’est assez souvent, même si ce n’est pas le sujet de sa présente exposition, une sculpture ou un édifice religieux -mosquée, église, bas-relief ou volée d’escalier-, qu’un rayon de lumière ou une présence humaine viennent soudain animer. Alors, à travers la pierre, le stuc, ou le béton, la faction de seconde devient fraction d’éternité. Ce n’est pas de la photo d’architecture. C’est sa façon de tirer la langue au temps. Par quoi cette fausse étourdie, à cheval sur plusieurs cultures et à qui aucun détail n’échappe, est vraiment de son temps.

Il est curieux de voir comment la modernité ne veut plus rimer avec fugacité. Prendre au vol le fugace et le bel aujourd’hui, c’est ce qu’avait permis, depuis l’invention du Leica et de l’instantané, l’effraction photographique. Cela a fini par nous saouler, voire même nous dégoûter. L’excès en tout est un défaut, même dans le hasard objectif. La télévision, poussant à l’extrême le sacre de l’instant, a sans doute usé l’aura du photo-reportage. Ajoutons-y l’ébriété de la violence, l’usure du rapide, la virevolte des modes. Toutes ces accélérations ont réveillé en nous, un certain goût de l’immuable, l’envie de voir les images se tenir quelque part au repose, comme un besoin de sérénité après une longue traversée du chaos. Comme un désir, non plus de fixer à tout jamais ce que jamais on ne verra deux fois, mais de contempler sous un nouveau jour le trésor des siècles et nos vieux fonds de mémoire. Apprivoiser un ange de pierre, faire surgir un gisant d’un clair-obscur, caresser une ronde-bosse... Ne fut-ce pas après tout le premier usage de l’invention de Niepce, au début du XIXe siècle ? Plus qu’un mysticisme d’un nouveau genre, il y a là l’indice d’une sur-modernité, qui passe par la renonciation aux mythologies modernes.

Sandrine, merci. Les photographes ont embaumé le vif. Vivifier le mort, animer l’inerte, est une tâche plus insolite, apparemment plus ingrate mais profondément gratifiante.

Régis Debray

Accès mobilité réduite

Oui
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022