Robert Stadler — Wild at Home

Triple V Paris 13

Vue de l'exposition "Wild at Home". Photo: André Morin©

Qu’est-ce que le « bon design » ? Ce qu’on désigne par « bon » est ce qui correspond à un ensemble de critères préexistants du « bon ». Le Good Design, c’est celui qui obéit à un certain nombre de règles : il doit être fonctionnel (correspondre à une fonction assignée), beau, et correspondre aux critères de l’efficacité industrielle (rationalisation de la production, meilleur coût). Il vient remplir une case qu’il n’invente pas. On retrouve dans les caractéristiques de ces objets les critères que l’on attendait, sans savoir encore tout-à-fait quelle forme ils prendraient. Dans cette conception, l’inconnu n’est jamais qu’un connu pas encore reconnu, et la rencontre est une retrouvaille. Une chose vient prendre la place d’une autre, en attendant la prochaine nouveauté. Le bon design, comme les bonnes œuvres d’art, n’échappent pas à la logique de l’obsolescence planifiée, remplaçant le temps d’une saison le « bon » qui l’a précédé.Dans les ateliers techniques des collèges et lycées français des années 1980 (mais c’est sans doute toujours vrai), on pouvait voir des affiches rappelant aux élèves des consignes de sécurité et des conseils d’organisation. Sur l’une d’elles était écrit : « chaque chose à sa place, et chaque place a sa chose. » Consciemment ou pas, cette leçon de choses est assimilée dans l’aménagement domestique. Comme le relève Robert Stadler : « à quelques exceptions près, comme par exemple la diffusion de la cuisine américaine, le plan de nos appartements est toujours aussi statique, les objets se trouvent toujours à la même place et les territoires d’expérimentation individuelle sont toujours aussi rares : la sortie plafonnière reçoit une suspension sous laquelle est placée une table, autour de laquelle sont posées des chaises, et un peu plus loin une télévision fait face à un canapé. »Le design ou l’art important font quelque chose de plus qu’être bon. La différence entre le bon et l’important, c’est celle entre retrouver et trouver ; c’est l’écart qui sépare une expérience et sa réitération. Il ne suffit pas de mettre une chose à la place d’une autre, il faut encore changer la place elle-même. Ce qui est conséquemment en jeu – et ce dernier terme est pour l’occasion parfaitement approprié – dans l’exposition Wild at home, ça n’est donc pas seulement l’apparition de nouveaux objets, mais encore la redéfinition de la place qui leur est assignée. Le plafonnier devient mobile, une paroi devient un support ou une surface d’inscription disponible pour toutes sortes d’interventions, de même qu’une porte à proximité oublie de cloisonner deux espaces. Plus loin, des bouts de canapés se sont affranchis du meuble qui leur donne leur nom, et un tapis paraît figer le moment de la disparition du canapé, comme si il s’était fondu dans le sol ou évaporé, et que le tapis en était l’expression graphique, à la manière des illustrations qu’on peut trouver dans certaines bande-dessinées.Le « sauvage » (wild) c’est l’opposé du « domestique ». Le titre de l’exposition nous rappelle qu’avant d’être domestiqué, l’intérieur a été libre. Et l’exposition invite à reconquérir cette liberté, qui ne tient qu’à nous, d’organiser l’espace dans lequel nous vivons comme bon nous semble, indépendamment des conventions en vigueur.

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Triple V 24 rue Louise Weiss 75013 Paris 13 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020