Richard Fauguet

Ni vu, ni connu
Exposition
Arts plastiques
Les coopérateurs Limoges

Richard Fauguet, Sans titre, 2008, pâte à modeler sur toile, 55 x 45 cm, céramiques : 68 x 35 x 20 cm et 65 x 27 x 5 cm

Il est temps, aujourd’hui, de considérer avec attention le parcours artistique de Richard Fauguet. Artiste familier du FRAC Limousin qui a commencé à collectionner ses œuvres dès 1988 (1) et à présenter ses recherches à plusieurs reprises (2), RF est également présent sur la scène française depuis plus d’une vingtaine d’années. Cependant, sa production proliférante a plutôt contribué jusqu’ici à dérouter le marché de l’art et à donner à son œuvre une réception trop marginale. Cette exposition et la publication qui l’accompagne veulent donner à voir l’ampleur d’une démarche encore trop souvent réduite à la singularité. Une exposition dont l’épine dorsale est le dessin. Depuis vingt-cinq ans, RF a rempli des dizaines d’albums, de carnets, de bandes dessinées, de vignettes Panini, de collections de photographies et d’images de presse, etc. d’expérimentations graphiques de toute sorte : collages, tamponnages, caviardages, frottages, dessins au feutre, au bic, au correcteur, au crayon, à la plume, au pastel, à la pâte à modeler, au scotch. De ces expériences souvent compulsives – où on retrouve à la fois l’invention d’un Picasso, les obsessions d’un Max Ernst et le trait cinglant d’un Willem - naîtront des séries, des agrandissements, des sculptures de plus ou moins grand format, des environnements… et même un économiseur d’écran. Plutôt que de compiler ses divers registres graphiques dans un cabinet de dessins, comme ce fut le cas jusqu’ici, l’exposition « Ni vu, ni connu » entend déployer la richesse de l’œuvre à partir du graphisme comme un fil rouge. Dans chacune des salles, la présence d’au moins un dessin permet une articulation nouvelle et laisse apparaître cette notion d’épiphanie chère à Richard Hamilton, dont Fauguet serait un possible héritier (3). En 2008, une visite détaillée de son atelier à Châteauroux permit au critique Guy Scarpetta de dresser un portrait saisissant de l’artiste. Le critique propose de répartir l’art actuel en deux tendances : « l’une héritière de dada et du situationnisme qui veut que l’art passe dans la vie et ne produit pas d’objet, et l’autre, consciente de la saturation d’images dans laquelle se trouve le monde actuel, qui produit gags visuels et abuse des citations. Toute l’énergie « électrique » de la démarche de Fauguet se situerait précisément entre ces deux tendances opposées » (4). Jeux de mots à plusieurs voix. Dans une analyse érudite publiée il y a quinze ans, Christian Besson faisait appel à la sémiotique pour proposer une lecture polyphonique de l’œuvre. « Les périgrinations dans des mondes hétérogènes, imaginaires (art, littérature, cinéma, télévision) ou réels (Châteauroux, lieux visités en touriste, univers familial, etc.) constituent un voyage plus sémiotique que géographique qui ne se déroule pas selon le fil d’un récit univoque » (5). Parmi les sources favorites de l’artiste, citons Louis-Ferdinand Céline et Antonin Artaud, mais aussi Nathalie Quintane, la presse quotidienne et l’Equipe, moins pour le texte que pour les images, la plupart du temps. Et soulignons son goût pour les jeux de mots de toute sorte, contrepétrie, anagramme, où l’on retrouve autant l’esprit pataphysicien d’Alfred Jarry, les procédés oulipiens à la Pérec que l’humour d’un Georges Audiard. Le titre de cette exposition, « Ni vu, ni connu », en est une preuve de plus (6). Art populaire. Parmi les ressources régulières de l’artiste, figurent en bonne place la salle des ventes, Emmaüs et la braderie mensuelle de Châteauroux. Attentif aux inventions de toute sorte, l’artiste peut y dénicher aussi bien des contenants en verre, des globes et des lampes diverses, des chaises en formica, des collections d’images, des canevas, … et depuis quelques temps, des céramiques des années cinquante et soixante, type Vallauris. A partir de vases, de pieds de lampe et d’assiettes décoratives, Fauguet assemble minutieusement ces objets symptomatiques de la culture française d’après-guerre et, en les renversant, fabrique des personnages. Le syndrome Picasso des trente glorieuses est revisité de manière à la fois fantômatique, mais aussi dynamique par les basculements qu’il opère, et, au final, (ridiculement) mélancolique. Cette manière d’approcher la culture vernaculaire, même si elle demeure difficile à accepter en France (7), est une préoccupation majeure de l’art contemporain. Il suffit de citer l’exemple d’un Mike Kelley pour s’en convaincre. Toute proportion gardée, l’œuvre de Richard Fauguet, par ses fulgurances et ses incongruïtés, participe d’un même regard intuitif et attentif sur la culture populaire et fabrique, avec humour, une forme d’anthropologie contemporaine. Yannick Miloux, janvier 2010 (1) 1988 : une série de douze dessins entre en collection, puis, en 1993, la sculpture « karafator », en 2000, l’incroyable partie de ping-pong, en 2003, deux séries de collages (d’après Arcimboldo) et de caviardages (sur la bande dessinée « Mickey au musée »), enfin, en 2007, un ensemble de collages en vénilia sur papier et d’assemblage d’objets (« je vous ai compris »). (2) liste d’expositions collectives ou thématiques au FRAC Limousin : 1989 : « 16 (±), dans le désordre » 1993 : avec Claude Closky et Jean-Jacques Rullier 1995 : Collections 2000 : « Une suite décorative, 3ème mouvement » 2001 : « Coupé-collé Vol.1 » 2003 : « Une collection de « chefs-d’œuvres », emprunts, pastiches, copies, citations et interprétations », « Qu’est-ce que la photo sculture ? » 2004 : « Pièges de l’amour » 2007 : « Les incontournables (sculptures de la collection du FRAC Limousin) » 2008 : « Photo-peintries, épisode 2 : pharmacie » (3) Hypothèse de Jean Sabrier développée dans mon texte « Les 2 Richards » publié à l’occasion du prix Marcel Duchamp 2007. (4) Guy Scarpetta : « Visite / avec Richard Fauguet » in journal Particules n°19, juin-juillet-août 2007, pp. 4-5. (5) Christian Besson « Chronotope et dialogisme, la poétique célinienne de Richard Fauguet », in catalogue Richard Fauguet, Brétigny-sur-Orge, espace Jules Verne, 1996. (6) Après « pas vu, pas pris » au Plateau Frac Ile-de-France en juin-juillet 2009, « couci-couça » au Musée d’Issoudun, cet hiver, «ni vu, ni connu », à Limoges sonne comme le troisième vers d’une ritournelle (normande ?) sur des proverbes brefs dont l’opposition binaire est le thème principal, entre hésitation et récit personnel. (7) Par exemple, il aura fallu attendre une date très récente, jusqu’à l’exposition actuelle au Musée de Grenoble, pour sortir enfin Gaston Chaissac de son étiquette d’ « artiste brut » dans laquelle Dubuffet l’avait confiné, même si Chaissac s’y est toujours opposé, ce qui a engendré une appréciation très réductrice de l’œuvre.

Complément d'information

Edition : Richard Fauguet, « RF »

Sortie prévue : 21 mai 2010
Richard Fauguet, « RF »
Co-édition : FRAC Ile-de-France, FRAC Limousin, Musée de l’Hospice Saint-Roch (Issoudun), CNAP (Centre National des Arts Plastiques), Paris, Galerie art : concept, Paris, Champagne Henriot, Reims.
Editeur : Monografik éditions
Auteurs : Patrick Javault, Vincent Pécoil, entretiens de Xavier Franceschi.
Edition bilingue français / anglais
Graphisme : Loran Stosskopf
Diffuseur : Comptoir des indépendants

Partenaires

FRAC Ile-de-France, Paris Galerie art : concept, Paris

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Les coopérateurs Impasse des Charentes 87100 Limoges France

Comment s'y rendre


 

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022