Résultats 2019

Soutien à la recherche en théorie et critique d'art

Carolina Ariza   

Tisseuses de mémoire : les artistes femmes et leur participation à l’écriture de l’histoire

Cette recherche ouvrira sur une publication (dans un premier temps) et sur un projet d’exposition en France (dans un second temps) intitulé « Tisseuses de mémoire : les artistes femmes et leur participation à l’écriture de l’histoire ». Pour ce faire seront invitées autant des artistes des communautés indiennes Kogi, Kuna et Nasa (Sierra Nevada, Golfo del Darien et Cauca en Colombie), que des artistes contemporaines qui ont participé à la reconnaissance des traditions indiennes du tissage. Certains objets issus de l’artisanat (mochilas, ponchos, ceintures tissées), très présents dans la vie quotidienne en Amérique Latine, furent relégués au second plan jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, alors qu’ils matérialisent des informations cruciales sur l’histoire de ces communautés. Depuis quelques années, des artistes contemporains tentent de faire émerger les « récits mineurs » pour ainsi faire sortir de l’invisibilité les femmes tisseuses de ces histoires. À partir de changements de paradigme actuels dans l’anthropologie des peuples amérindiens d’Amérique du Sud, de l’intérêt pour la cosmologie et le temps spiral, l’idée sera d’ouvrir le débat sur la possibilité pour ces narrations-tissages de s’inscrire dans le champ plus large de l’écriture et de la langue.

Isabelle Arvers

Tour du Monde Art et Jeu Vidéo

Pour fêter ses 20 ans de commissariat dans les domaines de l'art et des jeux vidéo, Isabelle Arvers réalise en 2019/2020 un tour du monde art et jeux vidéo afin d'aller à la rencontre d'artistes du numérique, de développeurs.ses indépendant.e.s en Corée du Sud, Taiwan, Indonésie, Thaïlande, Japon, Inde, Argentine, Brésil, Mexique en 2019; puis en 2020 au Nigéria, Côte d'ivoire, Sénégal, Egypte, Liban, Israël et Palestine. Ce tour du monde vise à découvrir de nouveaux talents et à créer du lien et initier des collaborations avec les milieux du game art, du jeu indépendant, de l’art DIY en Asie, en Inde, au Moyen Orient, en Amérique latine et en Afrique. Il s'agit d’aller à la rencontre des acteur.ice.s afin d’échanger et de développer un faire ensemble qui mette en valeur la création féminine ainsi que les pratiques féministes, queer et décoloniales. Une recherche curatoriale qui prend la forme de la rencontre avec des communautés d'artistes et de développeurs.ses indépendant.es pour la plupart inconnu.e.s en Europe ou aux Etats-Unis, permettant ainsi de faire un état des lieux extensif de l'état de l'art dans l'univers du game, du hack, et de toutes les formes de l'art numérique activiste. Ces rencontres donnent lieu à l'élaboration d'un journal de bord et à des publications mensuelles en ligne, ainsi qu'à un documentaire hybride, des ateliers et conférences, des expositions au fil du voyage, un colloque international, un catalogue raisonné et à un ouvrage collectif.

Pierre Bal-Blanc              

The Continuum was performed in the following manner - Notes sur la documenta 14

La partition musicale « Epicycle » 1968 du compositeur grec Jani Christou a été l’une des références pour l’organisation curatoriale de documenta 14. Cette recherche propose de conduire la tâche relative à la partition (The continuum was performed in the following manner: fill in details later for the record) que le compositeur grec Jani Christou à l’issue de la performance nous invite à consigner et à adresser à son éditeur pour qu’elle profite au prochain interprète, en rendant public ce rapport qui devrait englober à la fois la période de préparation de 2015 à 2017, la présentation de l’exposition internationale documenta 14 à Athènes et Cassel et ses conséquences sur la scène artistique et critique depuis 2017 jusqu’à nos jours.

Monika Brugger             

Le bijou, un oublié des études sur l’ornement

L’ensemble des recherches se construit à travers différents points de vue, qui impliquent l’analyse de territoires divers tels que l’enseignement, l’évolution des métiers ou des arts « appliqués », la problématique identitaire via la parure - par exemple sur quoi fonctionne le lieu commun selon lequel la parure du corps, dont le bijou contribue à sa beauté - autant que la question des matériaux et sa valeur marchande.

Thibaud Croisy

Les dessins de Copi : à la recherche des mondes perdus

Depuis bientôt dix ans, je développe une recherche sur l’œuvre de Copi, dessinateur, écrivain de théâtre, romancier et acteur argentin d’expression française, figure emblématique de la contre-culture des années 1970-1980. Jusqu’ici, j’ai écrit des textes pour des albums de dessins (éditions de l’Olivier / Cornélius), des catalogues d’art contemporain (éditions La Découverte / La Maison rouge) ou encore des journaux. J’ai donné des conférences dans des théâtres, des espaces d’exposition, des universités, et j’ai aussi passé un temps conséquent, invisible et non-compté, à recueillir les témoignages de ceux qui ont connu Copi et collaboré avec lui. Aujourd’hui, j’ai décidé de solliciter un soutien du Centre national des arts plastiques pour approfondir mes investigations sur son œuvre graphique, moins connue que son œuvre théâtrale. L’une et l’autre sont pourtant intimement liées : elles s’éclairent mutuellement et forment un tout qu’il serait regrettable de dissocier. Je souhaite donc maintenant me concentrer sur les dessins de jeunesse de Copi, qu’il réalisa en Argentine dans les années 50, ainsi que sur une série rare qui date de son arrivée à Paris (1962-63). Cette recherche me mènera vers différentes institutions (l’Imec, la Cité de la bande dessinée), des galeries, des particuliers, mais aussi à Buenos Aires, ville natale de Copi où je pourrai exhumer des archives oubliées et les partager avec le plus grand nombre. Je souhaite que mes pérégrinations, qui seront autant de périodes d’écriture, de réflexion et de rêverie, me préparent à la publication d’un beau-livre sur l’œuvre kaléidoscopique de celui que je considère comme le poète le plus irréductible de sa génération.

Emeline Jaret    

Le Onze rue Clavel (Paris) en project-space, une communauté éphémère

Au tournant des années 1970 et 1980, l’atelier de Claude Rutault situé au 11 rue Clavel, à Paris, est temporairement transformé en espace d’expérimentations, à l’initiative de Jean-François Brun et Dominique Pasqualini. Accueillant à la fois des expositions et des événements, le Onze rue Clavel devient le lieu d’une communauté d’artistes, de critiques et de théoriciens. Principalement française mais développant des liens forts avec d’autres européennes et nord-américaines (Berlin, Bruxelles et New York), cette communauté éphémère participe tant de l’histoire du conceptualisme que de celle de la critique institutionnelle, à travers des pratiques dont les recherches esthétiques croisent également des préoccupations idéologiques. Le Onze rue Clavel sert alors de plateforme de diffusion et, à ce titre, de point de passage essentiel à une certaine scène artistique dont il s’agit d’écrire l’histoire, encore peu connue, et qui pourtant trouve ses prolongements dans la création la plus actuelle.

Aude Launay    

Prototypes démocratiques artistiques

Que ce soit à des machines ou à d’autres humains, le processus de distribution des prises de décision est un sujet récurrent de tout un pan de la recherche artistique contemporaine. Et si l’histoire de l’art est riche d’interrogations sur la notion d’auteur, celles-ci ont rarement dépassé la sphère artistique. Avec l’avènement de la technologie blockchain, ces questions sont devenues bien plus ouvertement politiques. L’idée qui sous-tend tous ces projets est celle de la gouvernance collective dont les enjeux s’ancrent ainsi autant au niveau artistique que sociétal. Si la blockchain inspire les artistes, est-elle pour autant applicable à la pratique artistique ? Aux institutions et au marché qui en forment le milieu ? Et surtout, cette technologie peut-elle réellement permettre une émancipation de l’art et des artistes de l’opacité et du poids de ces cadres actuels ? En un mot, repartir de leur pouvoir peut-il permettre aux artistes de regagner de l’emprise sur leur pratique ?

Michèle Martel               

Bernard Joubert. 1973-1981: malentendus et rupture

La pratique de Bernard Joubert entre 1973 et 1981 repose sur des moyens réduits. 

Des rubans de toiles peints d'abord d'une seule couleur dessinent, une fois installés dans l'espace des formes géométriques virtuelles aux contours discontinus. Le contexte de réalisation des œuvres (en France comme aux Etats-Unis) est favorable à cette pratique qui est associée tant au minimalisme américain qu'aux questionnements radicaux de la peinture française. L'artiste se trouve associé à de grandes manifestations de l'art contemporain de cette période (A Paris, en Belgique, en Italie et aux Etats-Unis essentiellement) jusqu'en

1981, date à laquelle il décide de reprendre des outils plus "classiques" de la peinture. 

La rupture qui s'en suit est brutale tant elle est perçue comme une trahison au projet moderniste. Cette interruption vient révéler un certain nombre de malentendus dans la réception de l'œuvre tout en venant amoindrir l'importance de sa présence dans les récits canoniques de cette période. Le regain d'intérêt que connaissent les peintures en rubans de Bernard Joubert depuis le début des années 2010 dénote d'une nouvelle ère historiographique de cette période, dans laquelle ce projet souhaite s'inscrire.

Baptiste Pinteaux           

Pati Hill Impossible dreams

Pati Hill (1921, USA-2014, France) est connue à la fin des années 1940 pour apparaître sur les couvertures des premiers magazines de mode américain, les mêmes dans lesquels elle rédige des chroniques sur la vie des adolescents, l’aménagement intérieur, les relations amoureuses. Elle écrit au même moment et en moins de dix ans, quatre romans et une dizaine de nouvelles, qui en font une romancière admirée par James Merrill ou Truman Capote, qui publient comme elle leurs textes dans la Paris Review de George Plimpton. Suivent dix années où Pati Hill élève l’enfant qu’elle a avec Paul Bianchini, vit entre New York et Stonington où elle ouvre une boutique d’antiquités. Dix années qu'elle résume par ces mots : "housewife.mother". Au début des années 1970, sur le point de déménager, elle photocopie certains des objets dont elle décide de se séparer. C’est le point de départ qu’elle choisit elle-même pour décrire le début de ses expérimentations sur photocopieur qui donneront naissance à un corpus d’œuvres considérable : près de deux milles photocopies et une vingtaine de livres d’artistes. Au même moment elle entame une longue correspondance avec Charles Eames, invente un langage de signes pour faciliter la communication inter-espèces et se remet à écrire. Ce travail n’a connu qu’une très faible exposition et sa plus grande partie, conservé avec les archives personnelles de l’artiste à l’université d’Arcadia, Glennside, près de Philadelphie, n’a jamais été étudiée. Je me rendrais cet automne à l’université d’Arcadia accompagné par Richard Torchia, directeur de la collection, pour consulter ces archives, puis à Washington pour découvrir la correspondance que l'artiste a entretenue avec Charles Eames, de 1974 à 1978, conservée à la Library of Congress.

Benedikt Reichenbach

Relations Créatrices – Jacques Daniel graphiste, artiste, moderniste

« Relations Créatrices » est un projet de recherche sur l’histoire et la théorie d’une nouvelle esthétique graphique, qui a commencé à se développer à Paris à travers le « Club Français du Livre » (CFL) fondé en 1946. Le projet s’articule autour du travail de Jacques Daniel (1920-2010), graphiste français méconnu, collaborateur et successeur de Pierre Faucheux et Massin au titre de directeur artistique du CFL à partir de 1954. C’est dans un texte jamais référencé nulle part « Le signe produit et reproduit » écrit par Jacques Daniel en 1973, que l’on note pour la première fois et malheureusement pour la dernière, la formulation approfondie de cette nouvelle esthétique graphique qui se développa au sein du CFL : une révolution « graphique et typographique, qui bouleverse l’édition française et dont l’écho se répercute dans toutes les branches du signe produit et reproduit ». Ce projet « Relations Créatrices » souhaite redécouvrir et développer cette nouvelle esthétique plus précisément et conceptuellement, à travers des rencontres et des interviews d’anciens collaborateurs de Jacques Daniel, d’historiens, de professionnels et d’institutions en France et à l’étranger. Basé sur une archive numérique du travail de Jacques Daniel, le projet cherche à rassembler et confronter des points de vues, à créer un dialogue entre les différentes époques et contextes locaux autour des questions d’innovation artistique et des pratiques artistiques d’aujourd’hui.

Benjamin Thorel           

Sur les pas de Kathryn Bigelow. Enquête sur des scènes artistiques américaines (1969-1984)

Ce projet est la continuation d’une recherche sur les « années de formation » de la réalisatrice états-unienne Kathryn Bigelow. Jeune artiste formée à San Francisco puis à New York, elle participe des expériences artistiques des années 1970-80 avant d'opter pour le cinéma. En suivant sa trajectoire, l'objectif est de rendre visible et sensible des scènes, des amitiés, des communautés, des idées, des manières de vivre; et d'enquêter sur des figures moins connues ou oubliées (Lizzie Borden, Mayo Thompson…) au-delà de la seule Kathryn Bigelow.

Justinien Tribillon           

Paysage d’infrastructures et new topographics: les enjeux esthétiques des autoroutes urbaines et de leur représentation par la photographie « industrielle » à Paris (1956-1973)

En étudiant le fond ancien consacré à la construction du Boulevard Périphérique de Paris (1956-1973), « Paysage d’infrastructures et new topographics » analyse les enjeux esthétiques et intellectuels du projet moderniste des « Trente Glorieuses » et du rôle de la photographie industrielle dans la représentation du paysage urbain. Souvent décrite comme « grise » et « anonyme », la consultation des 2500 photographies qui constituent ce fond encore jamais exploité, offre une vision dramatique, inquiétante, mais aussi poétique et parfois même humoristique de la photographie industrielle. Cet ensemble est une invitation à reconsidérer le rôle qu’ont joué ces « auteurs » pas encore « artistes » dans la construction de notre imaginaire moderniste. Ce projet interroge la tension entre esthétique et technique qui anima l’urbanisme d’après-guerre et la photographie industrielle qui captura ses grands chantiers.

 

Dernière mise à jour le 12 octobre 2020