PSD 111 , une gouache de Bram van Velde

Par Claire Bernardi
Bram van Velde, PSD 111, 1948

Bram van Velde, PSD 111, 1948 (FNAC 30208)

Détail des étiquettes collées sur le châssis, au revers de l’œuvre de Bram van Velde, PSD 111.

Détail : étiquettes collées sur le châssis, au revers de l’œuvre de Bram van Velde, PSD 111.

En 1970, le Fonds national d’art contemporain, alors Service de la création artistique, acquiert PSD 111, une gouache du peintre hollandais Bram van Velde (1895-1981). Ce « peintre du silence », selon les mots de Samuel Beckett, développa dès les années 30 une œuvre non figurative exigeante et singulière.

Une œuvre « marquée » par son histoire

À l’occasion de son retour temporaire dans les réserves du Centre national des arts plastiques, en 2009, cette gouache a pu faire l’objet d’un constat d’état détaillé : déposée peu après son acquisition, elle n’avait alors été documentée qu’a minima. Un examen plus attentif de l’œuvre a permis de reconstituer une partie de son histoire.

Le relevé des « marquages » successifs de l’œuvre (étiquettes collées sur le châssis) apporte les premières pièces de cette petite enquête : on y trouve les étiquettes de la Direction générale des Arts et des Lettres, du siège parisien de la galerie Knoedler, ainsi que de la galerie Krugier de Genève (on sait qu’elle a organisé une rétrospective Bram van Velde en 1962). Mais l’information la plus précieuse est la mention portée par une étiquette d’exposition : « 3. Gouache, 1948 » qui, en l’absence de datation autographe de l’œuvre, constitue le seul indice sur sa date de création.

Une datation confirmée par l'analyse stylistique ?

La peinture de Bram van Velde, d’une remarquable cohérence, a longtemps été considérée dans sa globalité depuis les années 30, date où son langage s’est individualisé, jusqu’à la fin des années 70. On retrouve dans cette gouache le vocabulaire formel si particulier de l’artiste, où se mêlent ascèse et expressionnisme, dans un contraste saisissant entre une construction rigoureuse de la surface picturale, charpentée par des cernes noirs, et les coulures propres au lyrisme gestuel.
Bram van Velde ne datait d'ailleurs jamais ses peintures, et ne les signa que les premières années. Cette particularité nous offre pourtant une piste permettant de confirmer la datation de l’œuvre. L’artiste conserve en effet sa signature jusque dans l’immédiat après-guerre, en l’intégrant, comme un motif décoratif, dans sa composition. Mais cette signature même semble avoir disparu dès 1948. Ainsi notre gouache ne présente-t-elle ni datation ni signature de la main de l’artiste.
Pourtant, à y bien regarder, le motif du V, cette lettre qui rythme son nom, ne structure t-il pas littéralement sa composition ? Ces cernes noir, bleu puis blanc qui s’emboîtent au centre de la gouache, ne seraient-ils pas des reprises du monogramme originel ? À l’aube des années 50, l’artiste n’éprouve plus le besoin de signer : à présent, son œuvre même est signature.

« Peindre l'impossibilité de peindre »

Si cette datation précoce de l’œuvre importe tant pour sa compréhension, c’est que l’après-guerre est un moment charnière dans la carrière et la vie de l’artiste. Après une période d’activité féconde dans les années 30, années où il fait la rencontre de Samuel Beckett qui deviendra son ami et exégète fidèle, l’artiste, affaibli psychiquement et physiquement, sans ressources, cesse de peindre à l’automne 1941. Il ne renoue avec la peinture qu’à la fin de l’année 1945. L’acte de peindre devient plus que jamais un acte de survie. En 1948 justement, cet homme à la parole avare parle ainsi de son art : « La peinture, c’est l’homme devant sa débâcle. Tendance picturale ou la lutte avec le néant ». (Paroles, Derrière le miroir, galerie Maeght, juin 1948).

PSD 111, redécouverte, entame maintenant une autre étape de sa vie. Elle part rejoindre, à titre de dépôt, les collections du Musée des Beaux-arts de Lyon, où l’artiste, avec son frère Geer van Velde, sera bientôt à l’honneur d’une rétrospective. Cette œuvre trouvera logiquement sa place dans une riche collection d’œuvres de l’immédiat après-guerre déjà mise en lumière par la belle exposition « Repartir à zéro » en 2008. 

Claire Bernardi, Responsable des arts graphiques
Centre national des arts plastiques
 

Dernière mise à jour le 2 mars 2021