Projections à la Cinémathèque française
Johan Grimonprez, Ron Burrage, Hitchcock, Look-alike for Alfred, 2004. Courtesy of Zapomatik. Ce film a bénéficié du concours du CNAP au titre de l'aide Image/Mouvement en 2004. Photo Theo Volpatti
En association avec la Cinémathèque française et sur proposition de Nicole Brenez, le Centre national des arts plastiques présente des objets audiovisuels ayant vu le jour grâce au dispositif Image / Mouvement afin d’attirer l’attention du public sur des œuvres, qui rattachées à des médiums familiers de tous comme la vidéo ou le cinéma, en élargisse singulièrement le cadre et la forme… Piloté par le Centre national des arts plastiques le dispositif Image / Mouvement apporte un soutien aux projets d’expérimentation et de recherche cinématographique dans le champ des arts plastiques : aide à l’écriture et à la maquette (destinée aux artistes) ; aide au développement et à la post-production (destinée aux structures de production). Ce dispositif constitue une plate-forme permanente d’observation, de recherche et d’incitation, portant sur les écritures cinématographiques et audiovisuelles. Il concerne spécifiquement des projets cinématographiques et des projets audiovisuels à caractère documentaire sur tout support. Ces projets doivent de préférence être portés par une structure capable d’en assurer la diffusion, la distribution ou la promotion.
Complément d'information
« Qui, après un an passé en ville, séjourne quelques semaines dans les montagnes en s’abstenant de tout travail, peut éprouver de façon inattendue l’irruption consolante d’images colorées de paysages dans ses rêves ou ses rêveries. Ces images n’émergent pas l’une de l’autre en un flux continu, mais se substituent les unes aux autres dans le cours de leur apparition, à la façon des plaques des lanternes magiques de notre enfance. C’est par la discontinuité de ce mouvement que les images du monologue intérieur ressemblent au phénomène de l’écriture : celle-ci, de la même façon, bouge sous nos yeux à mesure qu’elle se fixe en signes discrets. Un tel mouvement des images intérieures pourrait être au cinéma ce que le monde visible est à la peinture ou le monde acoustique à la musique. En tant que recréation objectivante de ce mode d’expérience, le cinéma peut devenir art. Le médium technologique par excellence est ainsi intimement lié à la beauté de la nature. » Theodor W. Adorno, « Transparencies on Film », 1966.
Ainsi le cinéma pourrait-il devenir un art : en s’avouant à lui-même que son domaine de compétences n’est pas l’inaccessible réel mais la vie psychique (sources : Bergson, Proust) ; en approfondissant l’ensemble des syntaxes, parataxes, transferts et stratigraphies en quoi consiste le montage, avec pour viatique le souvenir des spectacles de lanternes magiques (sources : Proust, Eisenstein) ; en se structurant non pas à partir d’histoires ou de motifs, mais à partir d’expériences, dans tous les sens de ce terme, à commencer par les expériences sensibles liées à la nature (source : Goethe). Alors, pour vérifier, alimenter et exploser les propositions d’Adorno, voici le programme. Septembre. Entre arts plastiques et cinéma s’est créé un territoire d’images sans limites, ni frontières, ni doctrine, ni revendication autre que la liberté et l’inventivité, un rhizome qui prolifère tranquillement et dont l’une des énergies les plus considérables provient depuis dix ans de la commission Image/Mouvement du CNAP qui possède à son actif, tout simplement, le plus beau catalogue des producteurs d’images en France. Octobre. L’hallu-ciné de Salvador Dalí, pour fêter les projections du Chien andalou au Studio 28 à partir du 1er octobre 1929 - 80 ans qu’il aboie ses images à la démence insurpassée. Novembre. Au fond de cette affaire, le modèle lointain, toujours lié à l’enfance, à une sorte d’innocence et de simplicité, de la lanterne magique s’avère beaucoup plus magique, riche et complexe que nous le croyions et d’abord parce que cette pratique d’images se noue à la Révolution française, comme le développeront chacun à leur manière Laurent Mannoni et Chaab Mahmoud. D’où question. Qui écrivit en 1944 : « C’est dans la mesure où par le sensationnel il reste l’héritier de l’art populaire de la ballade macabre et du roman de quatre sous, à un niveau inférieur aux normes établies par l’art bourgeois, que le cinéma peut ébranler ces normes, précisément par le sensationnel, et trouver accès à des énergies collectives, ce que ne sont en mesure de faire ni la littérature ni la peinture de bonne tenue » ? Le premier qui trouve gagne une entrée à l’exposition Lanterne magique et film peint. (Nicole Brenez)