Peindre des Images

Exposition
Arts plastiques
École supérieure d'art de Quimper - EESAB Quimper

L'argument sur lequel repose cette exposition est la présentation de peintures figuratives comme médium privilégié d'assimilation des images qui envahissent notre culture contemporaine jusqu'à épuisement dans le tout visuel. La peinture figurative apparaît comme une solution de dépassement devant l'épuisement des spécificités picturales antérieures : d'une part elle n'est plus, depuis longtemps, le médium essentiel de fabrication des images. L'image analogique et numérique, la photographie, la vidéo, la télévision, l'informatique, le cinéma, dans des domaines excédant largement le champ de l'art, nous font mesurer combien il semble impossible désormais de regarder de la peinture sans incorporer le filtre de leur présence. S'il y a encore un siècle le public amateur était habitué au langage formel de la peinture et pouvait en décoder le sens, celle-ci a, pour cette raison, perdu de sa lisibilité comme médium pur. Dès les années quarante Samuel Becket avait évoqué le danger d'une mystique de l'oeuvre dans ses essais sur l'art moderne 1: une esthétique de la déception, d'un savoir relatif à l'échec de l'art - sur lequel repose son oeuvre - comportait elle aussi cet écueil faute de références antérieures et risquait de ce fait de s'ériger en finalité absolue. Ecueil auquel seront toujours plus ou moins confrontés les artistes, devant la perte d'unicité de l'oeuvre d'art - l'aura dont parle Walter Benjamin - au bénéfice de sa valeur marchande et d'exposition : même en souhaitant devenir une pure surface, effleurer le réel dans une forme de "braille mental", Warhol n'a pu échapper à la dimension auratique de l'oeuvre à travers l'icône de la star, la sienne ou celle des Marylin comme image de l'inaccessible. S'il fallait une figure pour comprendre cette problématique de l'ambiguïté en peinture aujourd'hui, sans doute serait-elle celle du Neutre telle que Roland Barthes la décrivit dans ses cours au Collège de France en 1977-78 : "Le désir du neutre est tout ce qui déjoue le paradigme. Le paradigme est l'opposition de deux termes dont j'actualise l'un aux dépends de l'autre afin de produire du sens...Le neutre c'est d'imposer un troisième terme qui serait : ni a ni b. Déjouer, esquiver l'arrogance du paradigme...Le neutre suppose des états intenses, une activité ardente et brûlante, une éthique, c'est à dire la possibilité du non choix". Elle se justifie d'autant mieux que le parti pris de la vision monoculaire caractéristique de la peinture occidentale, apparaît difficile à tenir aujourd'hui face à une réalité de plus en plus complexe, vécue en accéléré, perceptible en ses fragments. L'une des caractéristiques des oeuvres présentées est d'ailleurs de se rassembler autour de l'oxymore 2que serait la vitesse de la peinture. On le perçoit tout particulièrement dans l'oeuvre de Bruno Perramant dont la vision polyfocale met en jeu des images de l'apparition - les Génériques - ou de l'annonciation - les oeuvres intitulées Leirbag, sont l'anagramme de Gabriel - qui trahissent la fragmentation des récits continus de nos vies. Les peintures font oeuvre tout autant dans les processus qui les animent que dans les images qui en résultent. Provocatrices et critiques, fondées sur le plaisir de peindre, elles occupent une position vulnérable : la peinture figurative est toujours plus ou moins entachée d'une pensée conservatrice, ennemie de l'avant-garde 3. Mais cet a priori lui garantit aussi la liberté de faire sécession pour se libérer des normes qu'on lui prête du bon goût et de l'authenticité. Les styles sont les plus divers : réalisme, académisme, figurations en lien avec la culture populaire, la narration, la citation. Vampirisant les données du réel, les oeuvres sont conceptuelles parce qu'elles usent des styles et des techniques - allant de la virtuosité au mauvais goût - comme autant d'outils qui, à l'image des énigmes visuelles que sont les Espagnoles ou les Transparences de Picabia ou des nus des années quarante dont l'iconographie provenait de magazines de charme, renvoient dos à dos prétentions modernistes et rétrogrades. Par cet héritage, par ce qu'elles sont, oscillant entre une esthétique de la déception et une attitude iconoclaste, tentée parfois par le kitsch ou une forme de sentimentalisme, ces oeuvres tentent d'interroger notre désir de voir aujourd'hui, la légitimité et la vérité de la peinture lorsque celles-ci ne sont plus un absolu.

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Partenaires

avec le concours du Ministère de la Culture, de la DRAC de Bretagne, de la ville de Quimper et du Conseil Général du Finistère

Horaires

du lundi au vendredi de 14h à 17h30

Adresse

École supérieure d'art de Quimper - EESAB 8, esplanade François Mitterrand 29000 Quimper France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020