Patrick Beaulieu, transvasements

Pour être au monde, Patrick Beaulieu voyage d’une manière très singulière et à rebours de l’intensité de la mobilité généralisée qui caractérise l’époque. Il a par exemple suivi le vol des papillons monarques entre le Canada et le Mexique. Il a erré dans le cœur de l’Amérique à la recherche d’un lieu fictif, « le chemin de l’oubli ». Il a voyagé en s’en remettant aux vents dominants et tachant de faire coïncider au plus juste le réseau routier. Il s’est déplacé en actionnant avant chaque départ une roue de la fortune. Chacun de ses itinéraires renvoie à ce qu’appelle Patrick Beaulieu une « excursion performative ». Il s’agit de convoquer le hasard ainsi que de privilégier le temps long et un rythme doux. C’est à cette condition qu’il reçoit de l’environnement et se rend pleinement à la rencontre des paysages et des individus qui l’habitent.

Pour ce projet avec la Maison Salvan, le point de départ fut le don d’une lasse marennaise de la part d’un vieux pécheur de l’île d’Oléron. Patrick Beaulieu réagit en rêveur. Puisque ce pécheur est d’origine italienne, de la région du Frioul, pourquoi ne pas ramener l’embarcation dans son village ? Cette amorce devient alors un prétexte pour l’artiste afin d’aborder de nouveaux paysages, de nouveaux contextes… De l’estuaire de la Gironde à Sète, il put naviguer une trentaine de jours, très lentement, ce faisant doubler par les marcheurs des chemins de halage. Quelque peu transformé le bateau reçut préalablement une nouvelle et fragile cabine ainsi qu’un système lui permettant de suspendre en soirée un hamac-tente. Aujourd’hui, la lasse n’a pas encore gagné l’Italie mais elle s’en approche.

« transvasements » constitua donc une nouvelle excursion performative pour Patrick Beaulieu, une très lente dérive entre Atlantique et Méditerranée le long de plusieurs voies d’eau dont le Canal du Midi. L’exposition à la Maison Salvan est l’occasion pour lui de témoigner de cette navigation et de transmuer une collecte de diverses matières en œuvres.