Parade, revue d'art et de littérature
Parade N°8, Rires et autres éclats
Parution
Arts plastiques
Parade, revue d'art et de littérature - 59200
•
Tourcoing
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PARADE 8
Rires et autres éclats
Éditorial
Par Gilles Froger
Théodor Lipps, dont Freud commente longuement les théories sur le comique , cherchait notamment à démontrer que « d’une façon très générale, le plaisir comique découl[e] de notre attente » . Sans entrer dans le détail de l’analyse freudienne, on entend combien cette dimension d’attente participe du rire de connivence auquel nous convient, presque toujours, les humoristes. Ce rire-là se prépare et s’obtient en effet à grand renfort de rendez-vous programmés, de gags en différé, de blagues « téléphonées » et autres rires pré-enregistrés permettant d’obtenir à coup sûr le succès. Le rire de connivence ne feint d’ailleurs jamais la transgression que pour mieux assurer la cohésion sociale : on admire l’audace du comique tout en se rassurant sur l’innocuité du venin dispensé . Rien cependant, et quel que soit le talent du clown patenté, n’est plus éphémère que le plaisir ainsi obtenu . D’où la nécessité de sa répétition ; le rire est un opium dont les effets passent vite.
Mais c’est un rire autrement plus puissant que celui répondant aux faciles facéties des comiques qui, précisément, surgit contre toute attente : rire contre le désespoir, l’angoisse, l’humiliation, la maladie, l’atrocité ordinaire – toutes les puissances acharnées à nous abattre. Freud, ainsi, montre que le très fin moqueur Heinrich Heine puisait dans d’anciennes humiliations dues à sa pauvreté les traits particulièrement inspirés qu’il décochait sans apparente agressivité, tout comme Lichtenberg, autre surdoué du mot d’esprit, s’avère avoir été un homme « souffrant d’hypocondrie grave et affligé de toutes sortes de singularités » . Ce rire devient acte de pensée définitif quand, tu et privé de tout spectateur, il est affaire d’absolue opposition à toute force de destruction. Dans un très beau texte sur la danseuse de flamenco Carmen Amaya, Georges Didi-Huberman cite ainsi Bataille, écrivant Sur Nietzsche pendant les bombardements de 1944 et reconnaissant à la misère le droit à la colère : « À la misère, comment ne pas donner toute la force : elle ne pourrait briser pourtant cette danse du cœur en moi qui rit du fond du désespoir. »
Ce rire puissant qui s’oppose au rire de connivence, appelons-le rire de résistance.
Le rire comme résistance, donc. Or, en art, tant que l’emphase – ou l’hystérie, pour reprendre le mot de Benjamin et de Deleuze – a régné sans partage dans un constant effort à honorer Dieu, le Roi et les héros divers, le rire s’est vu relégué aux franges : figures grotesques des églises, farces populaires, contes parodiques, nouvelles obscènes, portraits-charge, paysages rhyparographes, peintures idiotes chères à Rimbaud… Le rire, sauf à être « rire de pure joie » nous élevant à la perfection de la nature divine, était affaire du Diable.
N’étant nulle part, le Diable est désormais partout et l’époque contemporaine, de l’ironie désinvolte de Duchamp au burlesque parfois très sombre de Mc Carthy ou à l’ingénierie scatologique de Delvoye, a multiplié les charges contre les conceptions progressistes ou positives de l’art. On sait l’ordinaire habileté de certains à cyniquement transformer la résistance en connivence , mais on peut également s’interroger sur de nouvelles formes d’opposition à l’œuvre dans les pratiques actuelles. Ce sont quelques-unes de ces pratiques, notamment issues des scènes belge, suisse et française et pas nécessairement très reconnues, que présente ce numéro de Parade.
Complément d'information
PARADE 8, Rire et autres éclats
PARADE 8, Rires et autres éclats
Poursuivant son travail de découverte, notamment des scènes belges et françaises, Parade a convié des artistes, des écrivains et des théoriciens à réagir à une proposition : quelles relations l’art entretient-il avec le rire ?
Ce sont leurs réponses, sous forme d’entretiens, de présentations de travaux, d’interventions directes dans les pages de la revue et de textes théoriques que nous vous offrons de découvrir.
PARADE 8, Rires et autres éclats
Poursuivant son travail de découverte, notamment des scènes belges et françaises, Parade a convié des artistes, des écrivains et des théoriciens à réagir à une proposition : quelles relations l’art entretient-il avec le rire ?
Ce sont leurs réponses, sous forme d’entretiens, de présentations de travaux, d’interventions directes dans les pages de la revue et de textes théoriques que nous vous offrons de découvrir.
Autres artistes présentés
Au sommaire :
Alain Berland - Arthur Bernard - Gérard Briche - Régine Cirotteau - François Curlet - Nathalie Delbard - Messieurs Delmotte - Raoul Dzimme - Gilles Froger - Katrin Gattinger - Alain géronneZ - Véronique Goudinoux - Jean-Etienne Grislain - Eric Helluin - Emmanuel Hermange - Claude Jamain - Pierre Leguillon -Jean-Philippe Lemée - Raya Lindberg - Emilio Lopez-Menchero - Estelle Pagès - Pierre Petit - Nathalie Stefanov - Harald Thys et Jos De Gruyter - Jean-Pierre Verheggen - Xavier Vert - Isabelle de Visscher - Diane Watteau - Michel Weemans
Alain Berland - Arthur Bernard - Gérard Briche - Régine Cirotteau - François Curlet - Nathalie Delbard - Messieurs Delmotte - Raoul Dzimme - Gilles Froger - Katrin Gattinger - Alain géronneZ - Véronique Goudinoux - Jean-Etienne Grislain - Eric Helluin - Emmanuel Hermange - Claude Jamain - Pierre Leguillon -Jean-Philippe Lemée - Raya Lindberg - Emilio Lopez-Menchero - Estelle Pagès - Pierre Petit - Nathalie Stefanov - Harald Thys et Jos De Gruyter - Jean-Pierre Verheggen - Xavier Vert - Isabelle de Visscher - Diane Watteau - Michel Weemans
Partenaires
Ecole Régionale Supérieure d'Expression Plastique de TOURCOING
Accès mobilité réduite
Oui
Adresse
Parade, revue d'art et de littérature - 59200
Ecole Régionale Supérieure d’Expression Plastique 36 bis, rue des Ursulines
59200 Tourcoing
France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022