Painting spirit #2

Les anneaux de Saturne
Exposition
Arts plastiques
Le lieu unique - 44013 Nantes
Painting Spirit #2  Les anneaux de Saturne

Comme les choses (en principe) nous survivent, elles en savent davantage sur nous que nous n’en savons sur elles ; elles sont le livre de notre histoire ouvert sous nos yeux ». On pourrait essayer d’introduire ainsi, à travers les mots de W. G. Sebald, les sujets des peintures de Mireille Blanc, Damien Cadio et Damien Deroubaix réunies au sein de l’exposition Les anneaux de Saturne (Painting Spirit #2) qui emprunte son titre à un des romans de l’écrivain allemand. Leurs tableaux, peuplés d’objets du quotidien, d’allégories et de souvenirs personnels, dénotent d’un nouveau regard sur la tradition historique de la nature morte et de la vanité. Après un premier volet consacré aux multiples déclinaisons de l’abstraction contemporaine (Painting Spirit #1), cette exposition met donc en exergue une génération de peintres qui renoue sans complexes les liens avec le passé figuratif de la peinture.

Derrière la séduction intemporelle que le genre de la vanité a toujours exercé, se dégage chez Blanc, Cadio et Deroubaix la recherche d’une dimension auratique de la peinture, que W. Benjamin considérait perdue à l’époque de sa reproductibilité technique. Dans un contexte de consommation visuelle effrénée, ils pointent la situation particulière dans laquelle se retrouve aujourd’hui la peinture figurative, en créant des “images patientes” – pour reprendre les mots du critique Alain Berland – qui demandent à être regardées avec lenteur.


Les peintures de Blanc et Cadio, qu’elles soient issues de la rencontre avec un objet, ou des photographies, partagent une relation intime avec la dimension de l’étrange et de l’ambigu. Collectionneurs d’images d’objets hétéroclites et éphémères, ils semblent partager l’idée warburgienne selon laquelle le caractère d’une époque est à rechercher dans les détails les plus infimes. Les deux peintres portent en effet un regard microscopique sur le monde à travers un processus de fragmentation et de recadrage de leurs sources premières qui en fait ressortir des éléments dont la nature indécise et opaque reste ouverte aux interprétations.
Dans les tableaux de Mireille Blanc, les objets se perdent dans l’épaisseur d’une matière onctueuse, telles des traces indicielles d’un passé commun et étrangement familier. Elle définit sa peinture comme une sorte de « figuration contrariée », puisque ses images ne se laissent pas identifier immédiatement, se situant souvent à la frontière entre abstraction et figuration. Son point de départ réside dans la rencontre avec des objets du quotidien ou des photographies trouvées dans des albums de famille dont elle extrait des détails à travers de multiples opérations de recadrage photographique. Souvent l’artiste laisse entrevoir les contours de ses images-source, en reproduisant les pliures et les imperfections du papier photographique.

Si Blanc privilégie les teintes grises et laiteuses qui traduisent la densité propre aux souvenirs et à la mémoire, chez Damien Cadio l’atmosphère est davantage sombre et crépusculaire. Ses objets sont absorbés, jusque parfois à leur propre disparition, dans un fond noir évoquant la menace de leur potentiel effondrement. Cadio travaille à partir de compositions de sujets mis en scène et photographiés par lui-même, dont il isole des détails qu’il prive de toute coordonnée spatio-temporelle. Dans le contexte de l’exposition, les tableaux semblent s’entrelacer entre eux tels les éléments d’une scène de théâtre où chaque détail fait appel au suivant en suggérant l’idée d’une possible narration.


Tandis que les tableaux de Blanc et Cadio rendent compte d’un réel transfiguré par la peinture, les vanités de Deroubaix plongent le regardeur dans un univers davantage allégorique et métaphorique. Les motifs des tableaux qu’il présente à la Zoo galerie relèvent du registre de l’imaginaire et du rêve, évoquant les axes thématiques centraux de son œuvre comme la vie et la mort, la futilité et la vacuité de l’existence. Ses peintures naissent d’un assemblage de références visuelles hétérogènes, provenant de l’histoire de l’art, de l’actualité politique et de la culture underground, qu’il associe souvent à des textes provocateurs. Les natures mortes de Deroubaix, composées d’éléments au fort pouvoir symbolique, se présentent comme un memento mori contemporain, traversé par un état d’âme proche de celui de l’ange représenté par Dürer dans sa célèbre gravure de 1514, ici évoquée par les titres des œuvres Melancholia IV (tête de cheval, grotte de Mas d’Azil) et Melancholia (Rhinocéros).

L’astre de la mélancolie qui a guidé Sebald dans sa production littéraire semble donc amener Blanc, Cadio et Deroubaix à trouver dans les méandres de la vie passée une manière d’habiter et d’appréhender le monde, en acceptant sans ambiguïté sa noirceur et sa dégénérescence à travers l’action cathartique de la peinture.

Elena Cardin

Commissaires d'exposition

Partenaires

Zoo galerie bénéficie du soutien de la Ville de Nantes, de la Région des Pays de la Loire, du Conseil Départemental de Loire-Atlantique et du Ministère de la Culture (Drac des Pays de la Loire).

Adresse

Le lieu unique - 44013 2, rue de la Biscuiterie 44000 Nantes France

Comment s'y rendre

Accès en transports en commun :
Tramway ligne 1 arrêt Chantiers Navals
Bus C1, C3, 23 arrêt Lamoricière
Bus 11 arrêt René Bouhier

Dernière mise à jour le 21 juillet 2023