OU ? Scènes du Sud : Espagne, Italie, Portugal
PAOLA PIVI, Sans titre/Untitled (zebre), 2003. Courtesy Galleria Massimo De Carlo, Milano. Photo Hugo Glendinning
Où? Scènes du Sud vise à revisiter après 20 années, les axes qui ont fondé la politique d’acquisition de Carré d’art. Elle est le premier volet d’une série de deux manifestations, centrées en 2007 sur la scène artistique en Italie, Espagne et Portugal, ceux-là mêmes désignés au début des années 80 comme l’ « Arc méditerranéen », puis en 2008 sur l’entrée dans le champ de la création contemporaine des pays de l’Est de la Méditerranée. Les artistes choisis, nés entre 1965 et 1975, font quotidiennement l’expérience du déplacement et de la migration à la surface du globe tout en maintenant une relation forte à un territoire d’origine. Au travers de médias variés (volume, installation, vidéo, dessin), les oeuvres se nourrissent pour la plupart d’un fort rapport au réel.
Complément d'information
Cette manifestation fait suite à l’exposition
organisée à Carré d’art durant l’été 2005 sur la
peinture allemande. Comme cette dernière, Où ?
Scènes du Sud vise à revisiter après 20 années,
les axes qui ont fondé la politique d’acquisition
de Carré d’art. Elle est le premier volet d’une
série de deux manifestations, centrées en 2007
sur la scène artistique en Italie, Espagne, et
Portugal, ceux-là mêmes désignés au début des
années 80 comme « l’Arc méditerranéen », puis
en 2008 sur l’entrée dans le champ de la
création contemporaine des pays de l’Est de la
méditerranée.
Bien que non dominantes en terme de marché,
ces scènes portent en elles les nouvelles règles
d’un monde de l’art contemporain plus ouvert,
plus insaisissable, aux multiples croisements.
Les artistes choisis, nés entre 1965 et 1975, font
quotidiennement l’expérience du déplacement
de la migration à la surface du globe tout en
maintenant une relation forte à un territoire
d’origine.
Au travers de médias variés (volume,
installation, vidéo, dessin), les oeuvres se
nourrissent pour la plupart d’un fort rapport au
réel. Du souvenir d’enfant à la pseudo
expérience scientifique, l’artiste s’engage. Héros
comme Piero Golia ramant vers l’Albanie,
historien quand Sanchez Castillo traque les
traces du franquisme dans les monuments et les
têtes, ethnologue à rebours comme Marco
Boggio Sella qui vient porter la nouvelle des vols
sur la lune au Burkina Faso, « simple
organisateur » de casting comme João Onofre,
ou Roberto Cuoghi chantant une chanson
d’amour chinoise, quel que soit le choix, l’artiste
part à l’assaut du monde et il semblerait plus
juste de le désigner comme « réalisateur »,
comme au cinéma. Il s’agit pour lui de créer une
situation qui suscite les mêmes possibilités
d’imagination, d’analyse ou de critique que le
film et, comme lui, paraît aussi vraie que le
réel.
Cette confiance dans la trajectoire individuelle
est matérialisée à l’entrée de l’exposition par
une carte dessinée par Tere Recarens, Keep
Flying Free qui enregistre les mouvements des
artistes de l’exposition entre leur lieu d’origine et
leur lieu habituel de résidence. Les noeuds qui
apparaissent sur la carte sont New York, Los
Angeles, Berlin. Le projet est aussi de
rééquilibrer cette carte par un mouvement
individuel vers l’Est grâce à une résidence en
Chine.
Laissant de côté une grande partie de la
fascination pour le jeu auto référentiel de l’art et
des médias, ces oeuvres confirment la capacité
de l’art à proposer des représentations
sensibles, souvent figurées, voire presque
narratives, où se traitent les questions de la
création et de la perception, de l’identité et de la
mémoire. Toutes les oeuvres choisies
approchent l’art comme une expérience
humaine, ce qui n’est pas sans rapport avec
notre connaissance de l’espace méditerranéen
comme zone source de l’humanisme.
Dès la première salle, les oeuvres de Tere
Recarens, de Santiago Ydañez, et de Francesc
Ruiz soulignent cette présence. La tension
exprimée par les autoportraits de grand format
de Ydañez, encore renforcée par l’usage d’une
matière picturale très évidente, contraste avec
les scènettes de Ruiz. Réalisées de mémoire,
elles s’attachent à décrire les habitudes d’un
groupe social, les lieux de rencontre dans la
ville, ici la bourgeoisie vivant dans le haut de
Barcelone. L’oeuvre est réalisée à partir de
photocopies collées sur le mur, qui permettent
de jouer d’effet de condensation, de duplication,
d’inversion. Le cadrage en plan américain des
personnages de Ydañez apparaît comme une
rhétorique qui ne dévoile aucune vérité
particulière : le plus souvent le visage est
travesti par de la mousse à raser.
Ethereal, vidéo réalisée par Tere Recarens en
1999 à l’occasion d’une exposition organisée à
Anvers, met en perspective des singes évoluant
dans le zoo d’Anvers et manipulant une
banderole portant le nom de la salle d’exposition
où est programmée l’exposition : HAL, et les
visiteurs qui regardent la vidéo. Ceux-ci doivent
entrer dans une structure suspendue,
translucide, comportant des sièges, un espace
finalement proche de ceux que l’on prépare à
l’intention des animaux dans les zoos comme
cadre de vie. Singes et spectateurs se trouvent
à égalité dans le mouvement de balancement de
la structure. Outre la mobilité qui en
accompagne le développement, le travail de
Tere Recarens est aussi linguistique et s’exprime
dans le choix de mots qui contiennent son
prénom. Ethereal veut dire éthéré ou si l’on
extrapole le réel de Tere.
Lara Favaretto est fascinée par le monde de la
fête et du carnaval comme un monde du ‘tout
est possible’ et comme un temps où la créativité
partagée se diffuse librement dans le quotidien
et l’espace public. A l’occasion du vernissage, sa
vidéo Educar es sembrar sentimientos, dont le
titre reprend un slogan cubain filmé pendant le
Carnaval de La Havane, sera projetée dans la
Maison Carrée.
De même, la performance Confetti Canyon se
déroulera pendant le vernissage dans l’espace
de l’Atrium. Propulsés par des ventilateurs, 400
kilos de confettis transformeront l’espace
habituel en un monde magique qui renvoie le
spectateur à ses souvenirs et sa sensibilité.
Plotone (peloton) de Favaretto regroupent 19
bouteilles d’air comprimé comme une
métaphore de la vie. Un programmateur
actionne des langues de belles-mères adaptées
sur chacune des bouteilles mais à un rythme
différent. De stature humaine, toutes
semblables, les bouteilles renvoient à la
question de l’individualité au sein d’un groupe.
Elles trouvent un contrepoint évident dans la
vidéo de João Onofre, Instrumental version,
plan fixe de 6’53’’ durant lequel un choeur
classique interprétant un morceau du groupe
allemand Kraftwerk est filmé de face. Comme
dans Plotone, le groupe est très rapproché,
compact. Onofre cherche à cerner l’identité de
l’homme dans l’humain. Une partition
sophistiquée est mise au point pour que des
humains ayant subi une formation extrêmement
poussée imitent des sons de machine. De
même, la série de onze photos montrant les
fossoyeurs de tous les cimetières de Lisbonne
interroge une des limites de l’humanité. Ces
photos sans contexte évident, ne permettent pas
de déduire le métier de ces hommes. L’artiste
leur a demandé de porter des lunettes de soleil
toutes semblables (comme chacun le sait : on
ne peut regarder ni le soleil ni la mort en face),
symbole d’une société qui se détourne de la
mort. Il travaille aussi sur la tension créée entre
l’aspect absolument anodin des groupes et la
mention dans le titre de leur terrible métier.
Géomètre de formation, Massimo Bartolini pose
la question de la place de l’homme dans un
environnement contemporain. Sans titre
exprime une contradiction entre l’univers cadré
de la table d’architecte et l’image de l’espace
entièrement libre, sans repère, créé par
Bartolini lors d’une de ses expositions. La série
de photographies des hommes engloutis dans la
terre est conçue par l’artiste comme un
hommage au village de Toscane dans lequel il
vit.
OEil de Cyclope de Sancho Silva réalisé lors d’un
séjour au Künstlerhaus Bethanien parle du
positionnement de l’artiste dans l’espace
physique et social. Le spectateur assis sur un
fauteuil de dentiste voit par chaque oeil un
diaporama différent. L’un réunit les images
prises par l’artiste lors d’une marche qui
l’entraîne depuis le Künstlerhaus Bethanien
jusqu’à la limite de la ville côté Nord, l’autre oeil
voit le résultat d’un trajet similaire côté Sud. Les
deux diaporamas se terminent sur des vues de
la campagne enfin retrouvée. Comme souvent,
Sancho Silva choisit un dispositif où pendant
qu’il regarde, le spectateur est à son tour objet
du regard.
La salle suivante confronte des oeuvres où
l’artiste étudie la position de l’homme étranger à
soi-même : tel Paul Ekaitz marchant en rond sur
un tapis cible jusqu’à tomber, oeuvre qu’il fait à
son arrivée à Berlin à un moment où il troque un
monde pour un autre, ou bien les vidéos de Jon
Mikel Euba qu’il définit dans son travail comme
des vidéos abstraites, abstraites à coup sûr du
contexte basque auquel il s’est fréquemment
associé. Dans ces vidéos tournées en Espagne
et à Busan en Corée, Euba reprend la question
de l’expression au travers d’une gestuelle. Le
personnage principal est mu par des assistants
qui lui font imiter des positions tirées de photos
de rock stars ; ces séquences hautement
expressives dans le contexte survolté du concert
sont ici très calmes formant une syntaxe
intrigante, presque lunaire.
Dans le projet de I Pensatori di buchi (Penseurs
des trous), Diego Perrone commence par
creuser près de sa maison familiale pendant des
mois 7 trous de 5 à 7 m de profondeur, puis
photographie près d’eux des personnages, des
proches, qui improvisent une réaction face à cet
environnement. La tension dramatique qui en
résulte traduit comme la vidéo, Toto Nudo, où le
comique italien se met nu dans un sous bois,
une fascination pour un état premier démuni qui
serait la vérité de l’homme.
De 1997 à 2000, Giuseppe Gabellone construit
également des structures étonnantes, figuratives
ou non, de très grandes dimensions qui une fois
prises en photo sont détruites. Le personnage
héroïque est l’artiste lui-même qui s’astreint à
une tâche, en un certain sens inutile, mais qui,
par l’ampleur du travail, rencontre et élude les
pièges du monument. Etranges dans leur sujet :
ici une voiture verte, un fût rouge et une
énorme structure boulonnée grise, ces photos
témoignent d’un défi et sont à leur façon une
allégorie de la condition humaine.
Les photos de zèbres de Paola Pivi répondent
également à une entreprise extraordinaire.
L’artiste s’est expliquée de la nécessité pour elle
de poursuivre le processus de réalisation de
l’image jusqu’au bout, c’est à dire faire venir des
zèbres dans les montagnes enneigées quand
Photoshop eut permis de simuler la même
situation avec un résultat presque similaire. Pour
Pivi, se frotter au réel, c’est charger l’image de
vérité. A leur façon, ces artistes réitèrent la
question de la nécessaire liaison de l’art et la
vie, de l’art comme règle de vie.
Cette même vérité, Flavio Favelli la trouve dans
le vécu et la patine des matériaux. Favelli
résume son travail par cet aphorisme : ma
maison est mon esprit. L’objet, souvent
constitué d’éléments d’architecture, carrelage,
balustrade, mobilier, en dehors de toute
contrainte de fonctionnalité, est porteur d’une
atmosphère. Plus qu’un objet, il s’agit d’un
tremplin vers une dimension mentale où se
jouent toutes les questions de l’identité et de la
singularité de l’individu en lien au passé et au
groupe.
Souvent menées comme des performances à la
limite du perceptible au sein d’un contexte social
« normal », les oeuvres de Dora Garcia
s’intéressent à la trace laissée par la présence
humaine, au travers d’actions élémentaires :
dormir, s’asseoir, écouter les bruits de son
coeur, transmettre un message, et ici dans la
vidéo, respirer. D’ailleurs Les 100 oeuvres
impossibles dans la pièce du même nom portent
moins sur la définition de l’oeuvre d’art que sur
le souhait de dépasser les limites de la condition
humaine : 1. vivre la vie de quelqu’un d’autre,
2. faire les rêves de quelqu’un d’autre.... 4. être,
au moins l’espace d’une seconde, auprès de
tous les êtres humains sans exception...
Marzia Migliora, dans sa pièce Tanatosi liste, en
latin et en braille sur de petites plaques de
céramique comme celle des cimetières, 36
phobies toutes liées aux cinq sens. Inscrites en
braille, ces peurs sous-jacentes nécessitent un
déchiffrement avec pour présupposé que
l’invisible recèle le véritable sens. Tanatosi est le
nom scientifique donné à la réaction qui entraîne
certains animaux à feindre la mort quand ils ont
peur. Che tempo fa s’inspire de l’oeuvre de
Beckett. Dans une table vitrine parfaitement
fonctionnelle, de petits textes, des signaux
lumineux, des sons sont activés par séquence
comme les phrases courantes pratiquement
sans sens qui font le gros de la communication
humaine. Dora Garcia et Marzia Migliora
travaillent sur les relations entre monde
intérieur et extérieur. Sphinx (oui ou non) de
Dora Garcia est une installation interactive dans
laquelle l’artiste pose des questions aux visiteurs
par l’intermédiaire d’un ordinateur, créant selon
les réponses données des groupes humains.
La vidéo de Jaime Pitarch Dust to Dust interroge
l’inanité de l’action humaine. L’artiste balaye un
vieil entrepôt rempli de poussière constituant
une sorte de monochrome abstrait dans
l’atmosphère puis la poussière retombe et tout
redevient comme avant.
Mario Airo montre une attention profonde au
monde sensible dont il cherche à créer un
équivalent en s’inspirant de certains auteurs :
Ezra Pound (Frottage di mare e di terra porte
l’inscription en laser d’un vers des Cantos de
Pound : "Our dinasty came in because of a great
sensibility"), Hölderlin, Hemingway. Pilar est le
nom du bateau de pêche d’Hemingway. En 1942,
celui-ci avait entrepris de l’armer pour participer
à la lutte contre les sous-marins allemands près
de Cuba dans une sorte de courage gratuit fou
où l’individu essaie d’imposer son ordre au réel.
La pièce une fois installée apparaît comme un
mirage : quelques tubes fluorescents derrière
une plinthe de contreplaqué découpé, une
maquette de bateau en plastique créent l’illusion
d’un panoramique de film. Souvent utilisé par
Airo, la lumière n’éclaire pas seulement
matériellement, elle est l’incarnation de l’esprit
et de la poésie.
Dans la salle suivante, le dessin animé de
Alessandro Pessoli intitulé Caligola, réalisé à
partir de plus de 1000 aquarelles faites par
l’artiste pendant trois années, se déploie comme
une véritable suite de tableaux de guerre et de
paix. Fasciné par la Guerre de 14 et ses héros,
Pessoli fait naître un monde étrange à la gamme
terreuse entre mémoire et fantasmagorie. Face
à lui, le relief de Giuseppe Gabellone transpose
le motif d’une estampe japonaise en un relief de
mousse polyuréthane, un procès paradoxal qui
alourdit, agrandit, et détache l’image de son
contexte historique pour la faire exister plus
fortement encore.
Les aquarelles de Jorge Queiroz assemblent sur
un fond blanc des éléments disparates en
technique : crayonné, tâches de couleurs qui
semblent témoigner d’univers en formation.
Certains fragments déjà cristallisés jouxtent des
zones plus incertaines. Parallèlement à ses
dessins, Jorge Queiroz a réalisé quelques films,
proches tantôt du dessin d’humour, tantôt de
Méliès, où avec évidence s’affirme le fait que
toute figuration est une sorte d’apparition.
La pièce sonore de Roberto Cuoghi apparaît
également comme une sorte de fantasmagorie.
Cuoghi cherche à restituer un objet presque
disparu : une chanson d’amour très populaire à
Shanghai dans les années 40, et dont l’auteur
fut interdit et persécuté à la période maoïste.
Cuoghi invente des paroles et des sons
fantaisistes, usant d’instruments dont il ne sait
pas jouer, ce qui fait que, bien que très
vraisemblable, la restitution se révèle être une
falsification.
La pièce d’Enrique Marty, Pregnant with ghosts
sera réalisée in situ à partir d’un environnement
peint et d’un personnage en plâtre. Marty donne
corps à des fantasmes où sont ébranlées les
valeurs traditionnelles de la famille et du
catholicisme autour des thèmes de la violence,
du sexe, de l’humiliation dans une ambiance
proche des films d’horreur. Ses proches sont les
modèles fréquemment intégrés à ses photos et
vidéos.
Comme de nombreux artistes contemporains,
Micol Assaël va chercher dans le réel le contexte
géographique, l’individu, qui pourra renvoyer
aux états de tension, d’hyper-conscience,
d’énergie qu’elle se plaît à interroger dans
l’humain. Micol Assaël aime à exacerber notre
perception et faire naître une sensation de
risque. Nombre de ses installations font
intervenir des conditions extrêmes :
température très haute ou très basse, souffle
produit par d’énormes ventilateurs. Plus
métaphorique, Eldfell s’inspire des paysages
volcaniques de l’Islande qu’elle a visité très
jeune. La sculpture réalisée à partir de petits
morceaux de cuivre découpés par l’artiste dans
des fils électriques, reproduit un cratère. Sa
vision induit le poids mais aussi le potentiel
conducteur de cette masse de métal.
Les vidéos présentées dans la salle suivante
offrent trois situations de décalage où le réel
s’inverse, se déforme, se troue pour laisser
passer des événements d’une autre nature. La
vidéo double Walking About de Rui Calçada
Bastos joue sur la superposition et la
différenciation de deux personnages, un homme
et une femme. Les deux projections se
déroulent de manière identique, l’une en ville,
l’autre en forêt, soudain on peut identifier les
personnages. La projection reprend, le doute
revient, jusqu’à la redécouverte de qui est qui.
Dans la vidéo de Stefania Galegati, The Hole, au
gré d’événements presque imperceptibles, un
groupe de personnes sont témoins d’un mariage
ou d’un attentat et passent de la fête au drame.
Ses peintures de Zoo, grandes vues peintes en
camaïeu des rochers qui servent de lieu de vie
aux animaux, font suite à des peintures
représentants des maisons hantées. Stefania
Galegati est fascinée par l’anormalité, exact
revers du normal. Anti de Sergio Prego est une
réinterprétation de la pièce de Trisha Brown,
Walking on the Wall, 1971. Des danseurs
maintenus par des harnais, marchent sur le
mur. La singulière beauté de la vidéo vient de la
perception de l’effort incessant nécessaire aux
danseurs pour se déplacer et garder le contact
avec leur support. La mise en doute de
l’attraction terrestre est associée dans notre
imaginaire à la science fiction, une source
régulière du travail de Prego. Au travers de cet
équilibre hésitant et précaire, ces êtres
apparaissent bien comme les premiers
spécimens d’une communauté d’un genre
nouveau.
Le parcours se termine sur des oeuvres
consacrées au personnage du héros, avatar de
l’humain, qui dans toutes les civilisations fait
l’histoire et les mythes. Les oeuvres de Piero
Golia ou Fernando Sanchez Castillo soulignent la
perversion du concept vers la dictature ou
même son omission : pourquoi un immigré qui
voyage au prix des pires dangers n’est-il pas
considéré comme un héros ? Il vit la solitude du
héros et les péripéties rencontrées pourraient
faire de son voyage une geste.
Après un entraînement adéquat, car il n’a rien
d’un sportif, en 1992, au moment où les
immigrants albanais affluent vers l’Italie, Piero
Golia fait le voyage seul à la rame et débarque
en Albanie. Sanchez Castillo retrouve
l’atmosphère des premières scènes d’Octobre
d’Eisenstein et monte une série de scénettes
tantôt grandiloquentes tantôt burlesques où
l’effigie d’un tyran traverse toutes sortes
d’événements jusqu’à l’oubli final dans la
campagne éternelle. Jaime Pitarch reconstitue
dans son four à micro ondes un combat tel que
ceux relatés par les médias au moyen de
figurines et de pop corn. Les grains qui
explosent renversent les soldats avec une
violence indéniable.
Marco Boggio Sella, au travers d’un projet
entrepris au Burkina Faso, revisite la question
des rencontres de civilisations. Il informe les
Africains rencontrés des vols interplanétaires et
favorise en retour la création de batiks ou de
sculptures traditionnelles qui intègre ce fait
exogène et nouveau à la mythologie africaine.
Jesus Palomino réalise au centre de la salle une
sorte de champ d’orientation autour d’une
grande boussole faite de matériaux de
récupération, bois, plastique, tubes fluorescents.
Il propose dans ses installations une
représentation symbolique de l’état de la société
tel qu’il le constate. Palomino, dont le premier
travail issu de la peinture, s’est beaucoup
développé dans des friches industrielles, incarne
tout à fait la position souvent revendiquée par
les artistes contemporains de réparateur social.
Dans le hall de Carré d’art, sont présentés 5
Velodreams très colorés, amusants de Patrick
Tuttofuoco. Pour Tuttofuoco, l’oeuvre d’art est de
nature publique. Architecte de formation, il porte
une attention profonde aux matériaux et charge
la forme d’un esprit du temps et du lieu que
l’individu artiste a pour mission de condenser.
Loin d’être passif, il insuffle aux éléments
recueillis une dimension utopique et une vie qui
font des Velodreams effectivement des vélos de
rêve.
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