Météo des forêts à la MABA - Les égards ajustés de Constantin Jopeck et Stéphanie Lagarde

Entre constat des impacts de la crise climatique en cours et possibilité de résilience, l’exposition Météo des forêts à la MABA propose des traversées dans des forêts et leurs multiples bavardages.

Parler de la pluie et du beau temps constitue (souvent) une stratégie d’évitement pour cacher ses préoccupations derrière des considérations de chaleur, de froid, d’humidité, de pluviométrie, de vent et de tempêtes… Éléments de climat, anecdotiques dans nos conversations, pourtant primordiaux pour la faune, la flore, l’humus, les forêts… comme pour nous, humains. A travers cette « météo des forêts », voyons et écoutons ce que les arbres, eux, ont à dire. Comment vont-ils dans cette période incertaine ?

Entre 1983 et 1994, le peintre Bob Ross, dans ses shows télévisés The Joy of Painting, s’employait à nous faire peindre des « Happy Trees ». Tutoriels « youtube » avant l’heure, les émissions mettaient en avant des paysages bucoliques de lacs et rivières, de montagnes aux sommets enneigés, de nuages vaporeux et surtout « d’arbres heureux ».

En 2023, la « météo des forêts » est mise en place comme outil de prévention des risques quand, d’années en années, les lueurs orange des incendies se propagent en asphyxiant les villes et leurs alentours avec les particules fines issues de leurs fumées. Désormais, la période est celle des mégafeux qui augmentent de manière exponentielle la superficie de leurs conquêtes et qui, à l’instar des ouragans et des cyclones, disposent eux-aussi de leur propre nom.

A travers ce prisme de la forêt, l’exposition invite à prendre le temps de ralentir pour prendre la température de cet écosystème fragile et ressentir ce qui nous (re)lie, les uns et les autres, les uns aux autres. Météo des forêts convoque ainsi des récits, des paroles, des gestes affirmant la nécessité de repenser notre attention à ces maillages complexes d’interconnexions.

Les égards ajustés de Stéphanie Lagarde et Constantin Jopeck

Au sein de l'exposition sont présentés les rushs filmés par Stéphanie Lagarde et Constantin Jopeck au sein d’un groupe de recherche explorent les affinités qui lient un groupe d’êtres vivants multi-espèces habitant le plateau de Millevaches, au coeur d’une forêt menacée par l’agriculture intensive de résineux. Jouant délibérément avec les notions de cadrage, lisibilité, qualité, changement d’échelle, flous, ordre ou contrôle, cuts parfois hachés entre les séquences, ces images, produites lors de tournages en forêt, visent à questionner l’autorité de la caméra et la domination de l’être humain sur le paysage.

De cette banque d’images enregistrées lors des tournages, Stéphanie Lagarde et Constantin Jopeck ont créé une archive collective et développent aujourd’hui une réflexion sur les possibilités et les caractéristiques de cette mutualisation des matériaux de travail.

Ce montage participe d’un film in progress de l’artiste Stéphanie Lagarde ayant pour but d’ouvrir une réflexion sur notre capacité, en tant qu’êtres vivants, à vivre ensemble, à recréer de l’hospitalité. Il tend à décrire le début d’un soulèvement inter-espèces humain et non-humain, une masse indéfinie et incalculable, de différentes communautés confrontées à l’exploitation et à l’expérience de l’effondrement. En se concentrant sur les connexions et les affinités entre des êtres multi-espèces, il rappelle la nécessité de corps collectifs interdépendants et solidaires, pour survivre en tant qu’individu, jamais composé d’un seul mais d’une multitude d’organismes vivants. 

Ce projet a bénéficié du soutien au projet artistique du Cnap en 2022.