Melik Ohanian, Days/See What I Saw/ Saw and What I Will See , 2011

Par Pascale Cassagnau
Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » Galerie Chantal Crousel, Paris 

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris

Vue de l’exposition « Melik Ohanian - Days, I See what I Saw and what I will See » à la Galerie Chantal Crousel, Paris
 

À l'occasion de la 14ème Biennale de Lyon qui se tient jusqu'au 7 janvier 2018, Melik Ohanian est invité à montrer son dernier film « Borderland — I Walked a Far Piece » à La Sucrière. Le Cnap revient sur une œuvre monumentale de cet artiste qu'il a acquise en 2011 : Days/See What I Saw/ Saw and What I Will See.

« Si j'ai commencé À l'ouest des rails par filmer les rails, c'est parce que les rails, c'est précisément ce qui relie l'ensemble des parties. Le rail donne aussi l'impression d'un lien entre le passé et le présent. Tu entres dans le passé. »
Ainsi le cinéaste chinois Wang Bing décrit-il sa première grande œuvre d'envergure, le film de 9 heures consacré au gigantesque complexe industriel Tie Xi, constitué pendant le temps de l'occupation japonaise et filmé par le cinéaste de 1999 à 2001, au moment même de l'effondrement économique du complexe minier.
Days, /See what I Saw/ Saw and what I will See (2011) de Melik Ohanian est un long film travelling de quarante-deux minutes qui a été tourné de jour et de nuit en onze jours dans un camp de travailleurs à Sajaa, Sharjah, en 2011. Deux plans-séquences le composent, qui correspondent à une lente traversée de 1100 mètres de rails construits par l'artiste par segments, à l'intérieur du camp, pour pouvoir le filmer. Chaque jour, l’artiste a monté et démonté les 100 mètres de rails dont il disposait. Toutes les quatre minutes, alors que la caméra s’apprête à arriver au bout de sa course, un raccord du plan place à l’image les nouveaux cent mètres de rails devant la caméra.
Cette expérience filmique s'identifie à une tentative de représentation continue du temps et de l'espace, en une politique de la lenteur, qui témoigne de la condition faite aux ouvriers-travailleurs immigrés des grands sites architecturaux des émirats pétroliers. La caméra de ce film structural filme systématiquement la cité ouvrière comme un labyrinthe, selon un principe répétitif -de jour et de nuit- du tour d'écrou. Le dispositif qu'invente Melik Ohanian est littéralement le dispositif technique du cinéma (le cadre, le cadrage, le travelling avant) qui devient le lieu d'une recherche artistique, menée sous la forme d'une avancée sans fin. Ce parti pris cinématographique accompagne et rend possible une lente immersion au cœur du monde des ouvriers anonymes et exploités.
L'insistance, l’itération des gestes sont les motifs principaux du film de Melik Ohanian.
Un tel motif est également celui du cinéaste chinois, que Dork Sabunyan traduit à sa manière par le terme d'endurance, à propos de À l'ouest des rails :
« Ces jeux mouvants entre l'attente et l'imprévisible qui en découle- sortes de bougés perceptifs qui affinent notre relation à l'expérience ouvrière-, empêchent corrélativement toute esthétisation de la misère, laquelle ne fait rien d'autre que confirmer à sa façon le lieu commun d'une humanité souffrante. Non que, encore une fois, la dureté du labeur et des circonstances soit niée, au contraire ; mais l'endurance filmique de Wang Bing cherche en parallèle à montrer les mille modalités selon lesquelles les ouvriers s'approprient un lieu de travail, où le caractère mécanique des gestes n'interdit pas l'établissement d'un rapport fort, presque organique, aux matériaux. »
Ici, les deux faces de l'écran exposant la version diurne et la version nocturne sont comme deux doublures réversibles.

L'œuvre de Melik Ohanian est forte d'un grand nombre de pièces. À travers une multiplicité de médiums (vidéo, installations, photos, textes) l'artiste explore les notions de territoire et d'espace. Déjà dans une œuvre plus ancienne White Wall Travelling, (1997, 30’), Melik Ohanian avait filmé, en trois travellings successifs, la lutte des cinq cent dockers licenciés de Liverpool en grève depuis deux ans, retraçant une temporalité et une géographie humaine spécifique. Les trois séquences filmées combinent trois temps différents. Le temps constitue en effet et en dernier lieu l'élément récurrent et fondamental du travail de Melik Ohanian.

Pascale Cassagnau, Responsable de la collection audiovisuel, vidéo et nouveaux médias au Cnap

Artiste
Dernière mise à jour le 17 mai 2021