Loin pas si loin

Loin pas si loin

Patricia Cartereau

Remarquée lors de l'exposition "Jeux d'artistes" au Musée-Château en 2012, Patricia Cartereau revient nous dévoiler un autre pan de son univers.

Née en 1970, et diplômée des Beaux-Arts de Nantes, l'artiste a exposé dans de nombreux centres d'art, musées et galeries. Cette année 2015, elle a notamment participé à l'exposition collective "A corps perdus" à l'artothèque de Vitré en Bretagne ainsi qu'à la Biennale "Jardiniers terrestres, jardiniers célestes" de Melle en Poitou-Charentes.

Des lapins dansants. Un cerf aux bois feuillus, bourgeonnant. Un ibis perché sur ses pattes immenses. Ou encore des oiseaux butinant des racines rougeoyantes d'un arbre saigné, lévitant sur un monde laiteux.

L'univers de Patricia Cartereau se joue des échelles et de l'apesanteur, bascule nos mondes, réels ou imaginaires, dans une fantasmagorie insaisissable.

Ici une main se resserre, la paume se tend ou se détend. Le geste est suspendu comme une phrase en attente, un moment saisi au vol, celui d'un oiseau, celui du dernier souffle d'un lièvre égorgé, une "bête à l'envers" chassée, dansant macabrement.

La vie est insufflée dans ses encres liquides, dissolues.

Notre regard lit la rapidité du geste de l'artiste, sent l'urgence à saisir l’instant fugace, l'envol, le souffle, ou encore ces petites concrétions de nos quotidiens, ces fissures où l'animal tapi en nous se réveille.

L'image résonne avec le texte dans la première salle évoquant les deux livres "L'écorce et la chair" et "La hante". Nul travail d'illustration mais des évocations par les jeux de formes et de couleurs, des suggestions par les mots et le rythme des phrases.

Les trophées s'enchaînent, les immenses lièvres nous dominent, les crânes de chair et d'os, immobiles nous contemplent.

Aspirés par le détail des œuvres, soudain nous sommes tirés de cette contemplation abstraite par une orbite qui surgit, nous observe.

Marmotte, ours, biche, faisan, mouflon, une galerie de vanités se déroule sous nos yeux.

Fascination et malaise.

D'un bond, d'une traversée vers une autre salle, le regard est propulsé dans les peintures à l'huile où la matière côtoie la transparence. On se perd dans un jeu près d’une cabane posée sur un humus de sang où les arbres fondus prennent racines; des oiseaux fantômes sont pendus au piquet dans les collines bleutées. L'opacité des huiles fait écho aux mousses tendres des encres où des jambes dansent, survolent, s'enfoncent.

Après plusieurs années de peinture, de crayon et d'encre, Patricia Cartereau a repris le sentier de la terre, de l'argile. Au centre de la salle se dessine un territoire de crânes modelés au creux de la paume. Le geste, l'urgence, la marque et l'empreinte sont au coeur de ces vanités, de ce charnier fossilisé.

Puisés au sein de la collection des Musées de l'agglomération d'Annecy, des fossiles, ossements, dents et cornes établissent un dialogue silencieux avec les crânes façonnés.

Enfin, la dernière salle dévoile un wall drawing (dessin mural), œuvre éphémère monumentale réalisée in situ ainsi qu'une animation projetée créée pour l'occasion dans la Tour du trésor: deux œuvres inédites réalisées pour le temps d'une exposition créant un basculement, nous interrogeant sur ce qui nous est proche ou familier... loin pas si loin.

Tarifs :