Les Gulliver(s)

Exposition
Photographie
Galerie Vrais rêves Lyon

Gulliver(s) - Coralie - 2011 Format 100x 80 cm
Images contrecollées sur alu.

 Texte d'Isabelle TESSIER

Un ensemble de dix-huit Gulliver(s) compose actuellement cette série photographique de Pascal Mirande, élaborée suivant un processus de mise en scène du corps se développant à travers le concept de genèse et dévoilant un champ de référence, de citations empruntées à la littérature et à l’histoire de l’art.
La genèse, du grec genesis, « naissance, origine » recouvre une multiplicité de sens dont celle de « formation d’un être ». Par extension, elle signifie « élaboration, organisation d’une chose, d’une figure, d’une pensée… » L’histoire de l’humanité représentée sous les traits d’Adam et de Eve (Gulliver V, Céline et Fosco), la réalisation d’une multitude de petites structures en bois semblant participer à l’édification et à l’architecture de corps, et plus largement la conception matérielle et intellectuelle de l’oeuvre en sont, notamment, une métaphore.

Le corps, au centre de la recherche, prend souvent comme référence certaines statuaires et peintures historiques identifiables par la pose des modèles : Le David de Michel-Ange (Gulliver III, Karim), Le Déjeuner sur l’herbe et l’Olympia de Manet (Gulliver IV, Patricia et Gulliver X, Coralie), OEdipe d’Ingres (Gulliver IX, Lucas), La Naissance de Vénus de Botticelli (Gulliver VII, Marie), La Mort de Marat de David (Gulliver VIII, Emmanuel)… Si Pascal Mirande s’approprie ces oeuvres majeures par la citation, il en donne cependant une lecture et une interprétation nouvelles grâce à un ensemble de constructions prenant parfois la configuration d’un exosquelette et
participant à la structuration d’un être singulier, d’un corps réel-imaginaire.
La citation met en évidence les rapports de ressemblance et de dissemblance, les écarts et les rapprochements de l’image et de son modèle. Elle rappelle en ce sens l’histoire, l’origine de l’icône symbolisée ici par Gulliver XII, Pascal, autoportrait de l’artiste portant sa croix. L’icône suit le récit de la tradition chrétienne selon laquelle Dieu créa l’homme à son image. L’homme ainsi conçu est une image, une « icône » vivante de
Dieu et de son Modèle. « Il se définit doublement comme ressemblance au Modèle et vocation à imiter ce Paradigme, à participer à cette perfection dont il est le reflet »1. A travers l’image du Christ, l’homme revêt l’image du sacré ; il devient ainsi face de Dieu et maître de la Création.

Dans ses photographies, Pascal Mirande scinde souvent l’humain en quatre images ; il créé une division qui n’est pas sans rappeler les quatre parties du roman de Jonathan Swift décrivant Les Voyages de Gulliver suivant la découverte de nouvelles contrées : Lilliput, Brobdingnag, Laputa et Houyhnhnms. L’exploration fantaisiste de mondes imaginaires permet à l’écrivain de modeler des archétypes politiques et culturels venant éclairer, au fil de son périple les faiblesses ou les tares de la communauté européenne. Les deux premiers voyages sont, à ce titre, dans leur analogie, des
exemples de dérision, soumettant le héros à un principe de relativité qui lui confère suivant les lieux où il échoue, un absolutisme ou un assujettissement littéralement dictés par sa taille. Dans l’oeuvre de Pascal Mirande, le corps pourrait naturellement donner les indications d’une échelle, d’une mesure. Mais qui le perçoit ? Un Gulliver échoué sur l’île de Lilliput, imaginant la réflexion de son image dans un miroir ou des Lilliputiens décidant de capturer celui qui, à leur mesure (six pouces de haut), se révèle être un géant ?

Isabelle Tessier
Isabelle Tessier est responsable de l’artothèque de Vitré (35)
1 Bruno Duborgel, L’icône, art et pensée de l’invisible, CIERE, St-Etienne, 1991, p.33.

Complément d'information

C’est la première fois que je confronte mes constructions au corps humain. J’utilise un fond sombre, une teinte monochrome afin d’éviter d’avoir des repères extérieurs. Je ficelle le sujet pour accentuer la fragmentation de l’anatomie sans pour autant tomber dans le « bondage » cher à Araki.
Il y a deux lectures d’échelles. Le modèle vivant montre la minutie des maquettes et à l’inverse, les échafaudages transforment le corps en un immense paysage. J’ai segmenté le sujet pour affirmer l’idée de construction et faire de chaque élément un tableau autonome. C’est aussi un clin d’œil aux boites de découpe des prestidigitateurs.

Comme pour la plupart de mes images, la continuité du travail va vers la citation (sculpture, peinture). J ‘aime l’idée de l’hommage à des œuvres immenses et la complicité qui peut émerger avec le public qui les reconnaîtra.

Artistes

Horaires

du mercredi au samedi de 15 à 19 heures

Adresse

Galerie Vrais rêves 6 rue Dumenge 69004 Lyon France

Comment s'y rendre

Métro et Bus - Station Croix-Rousse
Dernière mise à jour le 2 mars 2020