Les Chiens, le Yoga et les Fleurs

Les Chiens :depuis quelques temps, j’observe mes amis les plus proches sortir leurs nouveaux chiens deux ou trois fois par jour, avec un mélange d’envie et d’étonnement. Ces attentions permanentes, ce temps passé ensemble... Je m’en sens incapable. Ces amis n’ont jamais eu autant de lien avec nous. Ils avaient tout cet amour en réserve pour du non-humain, des poils, de la chair, des frétillements et des crottes à ramasser dans de petits pochons en plastique...Heureusement les chiens sont un rêve à modeler. Alors, je m’en suis fait plein, ils ont contrebalancé ceux que je n’avais pas. En les faisant je ne pouvais pas m’empêcher de leur mettre des dents, des perruques, des moustaches… ils ressemblaient à Snoopy et aux chiens de mon enfance à moitié asiatique : des komainus, des chiens lions. Les chiens sont très forts, ils gardent les cimetières, ils peuvent vraiment nous aider.

Le Yoga : dans la même période, j’ai pratiqué avec assiduité le yoga. Mes professeurs émérites me l’ont dit, il s’agit de la seule Voie pour enfin unir le corps et l’esprit, nous réconcilier avec le monde, la vie et la mort. Nul doute. Mais je suis toujours restée incapable de me tenir sur la tête, je tremblotte en chaturanga et mon chien tête en bas n’a rien d’un chien, malgré mon intérêt pour la gente canine. Je ­continue, j’y arriverai peut-être un jour. Ces postures imprécises, je les modèle donc aussi : cela les sauve un peu - et moi avec.

Les fleurs : lors de nos confinements successifs, j’ai retrouvé ma passion pour les fleurs décuplée à un point inimaginable. Je les regardais la nuit sur l’écran de mon téléphone dans des arrangements sophistiqués, exposées en gros plan, pulpeuses et colorées, sur des robes, des murs, dessins et tableaux… des splendeurs. Mais aucune des vraies plantes que j’ai cultivées n’a tenu. Mes mains n’ont pas verdi. Là encore la route est longue. Et là encore j’ai modelé des fleurs pour remporter la mise. Au moins, à l’image de celles de faïence posées sur les marbres funéraires, elles ne faneront pas. Et j’aime les voir dans mon atelier.

Les chiens, le yoga et les fleurs proposent donc ces 3 jeux de figures amicales réunis. Des figures qui sont là pour accompagner nos vies, les déplacer gentiment. Si on y pensait : les chiens ne pourraient-ils pas être les gardiens d’un autre territoire ? Celui fleuri, où nos corps souples pourraient s’ébattre ? Ils nous y mèneraient jusqu’à une douce fin, réconciliée... Mes sculptures en rêvent.

Catherine Lam