Les 300 ans de Denis Diderot

Par Virginie Inguenaud
Séraphin Denécheau, Denis Diderot, vue de face

Séraphin Denécheau, Denis Diderot (FNAC PFH-7475). Buste sur piédouche Marbre 53 x 25 x 20 cm. Signé sur le côté (épaule gauche) : Denecheau d’après Houdon. Titré devant : Diderot. En dépôt au musée de Langres.

Séraphin Denécheau d’après Houdon, Denis Diderot, 1881. Vue de dos.

Séraphin Denécheau d’après Houdon, Denis Diderot, 1881. Vue de dos.

1713-2013 : parmi toutes les commémorations de l’année civile en cours, la naissance de Diderot occupe une place de choix. Les œuvres à son effigie acquises par l’Etat sont-elles aussi nombreuses que la célébrité de l’illustre modèle le laisserait supposer ? L’envoi en 1880-1881 au musée de Langres, ville natale du philosophe, d’un buste en marbre par Séraphin Denécheau (FNAC PFH-7475), d’après un original de Houdon (1741-1828), est l’occasion d’évoquer cette question.

La commande de l’œuvre

D’abord proposée à l’automne 1880 à Jules-Isidore Lafrance (prix de Rome de sculpture en 1870), qui décéda peu après, la commande fut finalement attribuée à Séraphin Denécheau (1831-1912) au début de l’année 1881. Formé dans les ateliers de François Rude et de David d’Angers, le sculpteur angevin possédait alors une réputation bien établie et, même sans la consécration officielle apportée par l’obtention d’un prix de Rome, son talent était déjà largement reconnu. Ses acheteurs et commanditaires comptèrent autant de particuliers que de villes ou encore l’Etat et c’est ainsi que l’on peut aujourd’hui admirer ses réalisations dans des musées (Angers, Brest, Dinan, Langres, Libourne, Versailles) ou sur certains monuments publics à Paris (gare du Nord, cour du Louvre, salles de spectacles, églises…) ou en province (cathédrale de Moulins).

D’une commémoration à une autre

Destiné au musée de Langres dès 1880, le buste de Diderot réalisé par Denécheau fut livré en 1881. Concours de circonstance ou non, cette date coïncidait avec le centenaire de l’arrivée à l’hôtel de ville de Langres, au printemps 1781, d’un premier buste de Diderot d’après Houdon que le conseil municipal avait réclamé au grand homme lui-même pendant l’été 1780. Si c’est une version en bronze que reçut la ville en 1781, c’est une copie en marbre qui vint enrichir les collections du musée un siècle après (autre hasard de date : 1880, année de la commande, vit l’entrée au Louvre du buste original en terre cuite de Diderot par Houdon). Ultime hommage rendu à Diderot dans sa ville natale au XIXe siècle, on inaugura en 1884, pour le centenaire de sa mort, une statue en bronze d’après un modèle de Bartholdi. Ce monument, érigé avec une subvention de l’Etat, mais qui appartient à la ville, a échappé à l’envoi à la fonte en 1941 et est toujours visible … place Diderot.

« D’après Houdon » dans la collection du Cnap

Si les copies (plâtre, marbre, ou bronze) d’œuvres de Houdon demeurent peu fréquentes (20 pièces), on peut cependant tirer de ce petit nombre quelques constatations : ces copies ont toutes été acquises et déposées dans les décennies 1880, 1890, 1900 et 1910, dont la moitié d’entre elles pendant les années 1880. La quasi-totalité des copies représentent des bustes de personnalités qui témoignent de la sélection opérée par la Troisième République parmi le vivier des grands des Lumières et de la Première République : 18 bustes (contre 1 « Diane » et 1 « bras d’écorché ») qui se répartissent en 5 « Voltaire », 3 « Diderot » (dont le marbre de Séraphin Denécheau), 2 « Rousseau », 2 « Molière », 2 « Washington », 2 « Général Joubert », 1 « Barnave », 1 « Franklin ».

Représentations de Diderot dans la collection du Cnap

Outre les 3 bustes d’après Houdon mentionnés ci-dessus, les collections du Cnap ne comportent que 4 œuvres représentant Diderot, ce chiffre pouvant se réduire à 2 car il s’agit de sculptures comportant chacune un modèle (en plâtre) et sa réalisation (en pierre) : le monument « à Diderot et à l’Encyclopédie » au Panthéon à Paris commandé à Alphonse-Camille Terroir (modèle à partir de 1913 et réalisation à partir de 1921) et le buste actuellement dans les locaux de l’Ecole normale supérieure de Lyon commandé à Maxime Dubaut (modèle en 1954 et réalisation en 1955).

Virginie Inguenaud
Conservatrice du patrimoine
Centre national des arts plastiques

Pour en savoir plus

Bibliographie sélective

Becker (Marie-Louise). « Le buste de Diderot, de Collot à Houdon », L'Objet d'Art, n° 412, avril 2006, pp. 58-63.

Diderot et l’art de Boucher à David, catalogue d'exposition, Paris, Hôtel de la monnaie 1984-85, pp.455-456.

Jean-Antoine Houdon, catalogue d’exposition, Washington, Los Angeles, Versailles, 2003-2004, pp.141-151.

Lami (Stanislas). Dictionnaire des sculpteurs de l’école française au XIXe siècle. Paris, 1916, t. II, p. 171.

May (Roland). « Au musée [de Langres] », Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, n° 1, 1986, pp. 136-137.

Dernière mise à jour le 2 mars 2021