Le ciel Commence Ici, Corinne Mercadier

Exposition
Photographie
Les filles du calvaire Paris 03

En 2012, l’exposition Devant un champ obs­cur dialectisait deux séries : Solo, qui met­tait en scène personnages et objets, saisis dans des espaces désertiques géométrisés, et Black Screen, série d’images en négatif d’intérieurs fantomatiques.

 

Le ciel commence ici se place dans la li­gnée de Solo mais aussi de La Suite d’Arles, réalisée en 2003 sur des toitures remar­quables de la ville d’Arles. En effet, les prises de vue de cette nouvelle série ont lieu éga­lement sur des toits. Ils sont divers par leur architecture, leur histoire et les points de vue qu’ils offrent sur le paysage : pour l’ins­tant Deauville, l’Observatoire de Paris, le Château de Saint-Germain-en-Laye, quelques toits autour de l’Opéra de Paris et le Château de Chambord ont été explorés par l’artiste.

 

Quant au titre Le ciel commence ici, il joue avec celui de la série Où com­mence le ciel ? (1995-1996), réponse - clin d’oeil à cette question posée il y a vingt ans.

Cette position en hauteur, Corinne Mercadier en évoque la fascination, à la fois poétique, jubilatoire et enfantine. Et la “réponse” le ciel commence ici évoque un élément décisif dans la démarche de l’artiste : la recherche d’un point de vue topographique, certes, mais aussi existentiel.

 

Le ciel revêt une part déterminante dans le travail de la photographe: des constellations, de l’organisation symbolique des inquiétants espaces intersi­déraux, elle dit volontiers que ce sont des sujets de rêverie qui nourrissent ses photographies et ses dessins depuis longtemps. Une poétique que l’on pourrait qualifier de bachelardienne : car pour Corinne Mercadier, l’air n’est pas le rien, ni l’invisible, ni l’inexistant. Tout au contraire il est doté de matérialité.

 

Dans le monde de Corinne Mercadier, des objets sont lancés, des sphères tra­versent l’espace, des figures géométriques tatouent le sol, tandis que des dan­seurs bougent, immobiles. Hiératiques et fluides. Dans les objets suspendus en l’air comme dans ceux qui volent en pleine vitesse, se croisent l’instant et la durée: ainsi se joue l’essence même de l’acte photographique.

Ces objets sont confectionnés par l’artiste elle-même. Des ballons de plastique peint et des assemblages de balles en polystyrène évoquent des constellations, un icosaèdre en ruban blanc rappelle Dürer et son rapport à la connaissance.

Tous, malgré leur familiarité et leur nette­té dans l’image, incarnent un mystère. C’est la construction rigoureuse du projet de mise en scène combinée aux effets du hasard de la prise de vue qui en font des objets célestes.

Quant aux modèles, ce sont la plupart du temps des danseurs professionnels. Autre paradoxe : même immobiles, ils dansent. Dès lors, deux temporalités se croisent : celle du corps des danseurs, régie par l’artiste ; et celle des objets, soumise à l’inverse au hasard des lanceurs, des vents ou des modifications de la lumière.

 

La photographie sera là, existera, et sera gardée, élue, précisément quand sujets, objets, actions et décors permettront à l’ensemble des éléments de se synthétiser en une seule image, absolument nécessaire, comparable à nulle autre – tel l’alignement des planètes. Car le vocable qui revient souvent chez Mercadier est bien celui, filmique, de scènes : il s’agit de construire des scènes qui articulent des architectures, des danseurs et des objets. Non pas une pièce de théâtre, ni une chorégraphie, ni un film à proprement parler : la continuité temporelle ne convient pas à la photographe. Non, ce qu’elle tente de faire, c’est d’essayer de s’approcher à plusieurs d’un lieu inexploré. Ou encore, en d’autres termes: concentrer les efforts de perception pour capter une image que ce lieu pourrait renvoyer. Non pas une vision du monde, une trop empha­tique « Weltanschaung », mais plus exactement une forme d’autoportrait de la pensée. Ou, pour le formuler autrement : l’artiste s’attache à définir quelque chose comme un champ magnétique.

 

 

Dominique Baqué

Commissaires d'exposition

Horaires

Ouvert du mardi au samedi de 11h à 18h30

Adresse

Les filles du calvaire 17 rue des Filles du calvaire 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris Métro : ligne 8, station Filles du calvaire. Bus : lignes 96, 20, 65 /arrêt Oberkampf - Filles du calvaire
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022