Soleil cardiaque

Le titre de la photographie de Laurent Moriceau, collision poétique signée Pierre Giquel, frappe au cœur de l’image. Le corps d’un jeune homme nu, étendu à plat ventre à même le sable d’une plage, est protégé d’un dispositif étrange, dais de gélatine rouge évidé en son centre de ce message énigmatique : SOLEIL CARDIAQUE. En positif, le soleil imprime sa marque sur la peau baignée de lumière inactinique, découpant les contours d’un tatouage à « libération prolongée » qui nous plonge aux sources des préoccupations de l’artiste. Le rapport au corps est manifestement essentiel dans cette proposition. Laurent Moriceau y prolonge sa réflexion sur les potentialités fantasmatiques de la photosensibilité développées avec la pièce K-shirt, où il glisse du papier sensible entre les sous-vêtements d’une femme et sa peau puis le laisse s’impressionner. Le projet des Perméables peut se lire comme un rêve éveillé similaire, où le papier photo serait prolongement de la peau. Avec Soleil cardiaque, l’épiderme est à nouveau support de révélation : si l’artiste revisite la technique primitive du photogramme, il met surtout en jeu le processus de fabrication de l’image — sa mise en suspens — sans s’attacher à montrer la littéralité d’un résultat. C’est plutôt la métaphore d’un désir scopique dévorant qui est ici représentée, quand l’impression photographique s’envisage comme une caresse brûlante. Dans ce paysage balnéaire assez commun surgit alors la forte probabilité d’une érotisation du réel : un soleil cardiaque, une irradiation des sens. Le présage d’une palpitation accélérée.

Eva Prouteau
Texte extrait de « Projets d’artistes en Pays de le Loire », 303 hors série, octobre 2011.

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Source

Centre national des arts plastiques

Dernière mise à jour le 10 mars 2024