Last Year's Man

Exposition
Galerie Karsten Greve Paris 03

La galerie Karsten Greve a le plaisir de présenter l’exposition Last Year’s Man dédiée à l’artiste Gideon Rubin. L’exposition rassemble de nombreuses peintures récentes ainsi qu’une vidéo réalisée en 2011, projetée sur l’une des toiles. Les œuvres exposées montrent des portraits anonymes aussi bien que des vues de paysages : il s’agit de deux typologies de sujets qui, quoique différentes, amènent le spectateur dans une dimension intimiste et introspective. L’individu, réduit à un corps sans visage, est au centre du travail de l’artiste : privés de toute identité physionomique, les personnages de ses portraits laissent carte blanche à l’imagination de l’observateur. L’aveugle inconnu se fait alors miroir de chacun et acquiert ainsi une valeur universelle. Cet aspect est également évoqué par le titre de l’exposition qui renvoie à une chanson de Leonard Cohen, auteur que Gideon Rubin écoute souvent pendant son travail. Le protagoniste de la chanson est un homme assis, suspendu dans le temps de la mémoire, trempé sous la pluie et sans visage : voici l’homme de l’an passé, renfermé dans son mystérieux anonymat, dont on ne connaît rien et dont l’histoire ne peut qu’être imaginée.

Le genre du portrait abstrait fascine Gideon Rubin depuis longtemps : réalisant des portraits d’inconnus, de célébrités ou encore de personnalités du monde de l’art dont le visage est effacé ou bien caché, l’artiste propose à l’observateur une image ouverte à l’interprétation. Le peintre vise à ce que ces portraits et silhouettes sans visage évoquent chez le spectateur des souvenirs de personnes connues, croisées jadis et ailleurs. Dans ce sens, plus l’image réalisée est simple et presque banale, mieux c’est : seule l’absence explicite de narration laisse la place à la liberté d’interprétation, qui accorde une histoire à l’image et un visage aux silhouettes. De cette manière, les portraits anonymes acquièrent une multitude d’identités et se font ainsi un, personne, et cent mille.


Pour ses portraits, Gideon Rubin s’inspire d’abord des photographies des années 40 qu’il trouve dans des marchés aux puces ou sur eBay, leur version contemporaine. Plus récemment, l’artiste trouve d’autres sources d’inspiration remontant aux années 50, 60 et 70 : il s’agit du monde des célébrités, avec ses magazines débordant de visages en pose et d’instants volés à l’intimité des stars, ou encore des protagonistes du monde de l’art. Si parfois l’artiste place ses sujets dans des situations permettant une quelconque contextualisation, comme c’est le cas dans Canoe, le plus souvent il évite tout environnement extérieur, comme dans Untitled (back). Dans les portraits les plus récents, l’artiste décide également de réduire les coordonnées permettant de situer les sujets dans le temps : cela permet de placer les portraits dans une intemporalité qui laisse encore plus de liberté à l’imagination du visiteur. L’observateur est ainsi poussé à mettre en valeur les détails normalement survolés par un regard qui est avant tout attiré par le visage, ici absent. La posture, les vêtements et la coiffure des sujets acquièrent ainsi un rôle essentiel, tout comme les ombres qui arrivent parfois à habiller le corps plus que les vêtements. Par le manque de visage, ces détails ne sont plus seulement des accessoires mais deviennent des traits caractéristiques permettant de déclencher la narration autour des sujets.

La pratique des portraits abstraits de Gideon Rubin est également liée à l’histoire de ses ancêtres. D’origine israélienne, une partie de sa famille quitte l’Europe à cause de la Deuxième Guerre Mondiale. Cette migration efface les traces de sa famille sur le vieux continent, traces qui disparaissent ou se perdent. La notion d’anonymat n’est donc pas seulement un thème récurrent dans l’œuvre de Gideon Rubin, mais aussi un concept profondément enraciné dans son histoire personnelle. Les effacements des visages ainsi que la quête de l’anonymat dans ses travaux doivent être considérés aussi en rapport à cette forme de nostalgie : dans ce sens, l’obsession pour les visages anonymes répond aussi au besoin profond de remplir ses propres portraits de famille.

Outre ces nombreux portraits, l’exposition présente des peintures de paysage qui tendent à l’abstraction. Pour ces toiles, où même l’être humain anonyme disparaît, Gideon Rubin utilise des teintes sable qu’il applique par larges touches. Souvent le support, à savoir la toile, apparaît dans ces travaux et se fait partie intégrante de l’image. Aux endroits où la couleur devient plus rare, on reconnaît le mouvement de la touche ainsi que son intensité : cette trace du geste de l’artiste éloigne l’œuvre d’une représentation réaliste et laisse la place à un minimalisme à la fois essentiel et envoûtant. Le contraste entre toile brute et peinture soulève une stimulation tactile : on aurait presque envie de toucher le tissu et la couleur, là où les deux matières coexistent. Fortement évocateurs, les paysages réalisés par Gideon Rubin sont des évocations de lieux plutôt que de véritables représentations d’endroits existants : c’est le cas de Osea Island, où la vue sur la plage devient l’image d’un souvenir ou bien d’un rêve. Dans ces œuvres, la fidélité au réel n’a en effet plus aucune importance par rapport à l’appropriation personnelle du lieu de mémoire, que Gideon Rubin réalise avec une peinture délicate, intimiste quoiqu’universelle et toujours charmante.


Gideon Rubin est né en Israël en 1973. Il a étudié à la School of Visual Arts à New York et à la Slade School of Fine Arts à Londres où il a obtenu son diplôme en 2002. Des nombreuses expositions personnelles internationales lui ont été consacrées dès 1999. Ses œuvres sont inclues dans des importantes collections privées, entre autres à Londres, Hong Kong, New York et Paris. Gideon Rubin vit et travaille à Londres.

Image : courtesy Galerie Karsten Greve Köln, Paris, St Moritz

Horaires

du mardi au samedi de 10h à 19h La Galerie sera fermée le 1er et le 8 mai 2013.

Adresse

Galerie Karsten Greve 5 rue Debelleyme 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

M° Filles du Calvaire
Dernière mise à jour le 2 mars 2020