LAPS

L'après-midi, il faisait de longues promenades en forêt. Il ne se perdait plus comme autrefois, il connaissait la région mieux que personne, après tout c'est lui qui l'avait fixée sur les cartes. Il avait parfois l'impression qu'il n'avait pas simplement mesuré, mais aussi inventé cette contrée, comme si elle n'était devenue réalité que grâce à lui. Là où tout n'était qu'arbres, mousses, pierres et hauteurs herbeuses s'étendait désormais un réseau de lignes droites, d'angles et de nombres. Rien de ce que quelqu'un avait un jour arpenté n'était plus et ne serait encore comme avant. Gauss se demanda si Humboldt pourrait comprendre cela.
Daniel Kehlmann, Les Arpenteurs du monde, 2006

LAPS n. m. – 1266 ; du lat. lapsus « écoulement, cours », p. p. de  labi « glisser, couler ».

• Laps de temps : durée, moment.
• REM. Le mot est très rarement employé isolément.

On connaît la fascination de Valérie Graftieaux pour le monde végétal, ou minéral. Dans son cas, photographie ou dessin ne sont pas des outils pour imprimer le réel mais bien des outils de vision. Tout son travail procède d’une émotion première voire primordiale, relayée par l’analyse et la narration pour engendrer sur papier des images étranges et intemporelles.

Si le temps est un facteur clé dans la photographie, il est aussi un thème central de l’œuvre que tisse patiemment Valérie Graftieaux. Comme si tout n’était qu’une question de temps… Comme si happé dans le continuum temporel de nos vies, elle nous invitait justement à suspendre un moment, ou à en saisir l’éternité. En 2010, elle avait déjà présenté à IN EXTREMIS, ses Tempographies, rayographies minimales : des photographies dont le temps d’exposition était de 17 ans ! C’est cette dialectique entre l’instant et la durée, qu’elle propose dans l’exposition LAPS. Elle nous propose de suivre le fil d’une longue tige, qui s’est construite petit à petit, laissant derrière elle les cicatrices comme des strates de paysage. L’image s’étire et parcourt le carton d’exposition de part en part, tout comme le lieu d’exposition. Une entité, qui peut devenir fragment comme dans le panorama dessiné de l’appartement, que l’on peut acheter par parcelles, avec un prix au cm2 !

Une autre salle, est envahie des Disséminations, photographies de graines réalisées entre 2007 et 2010 au Québec. Petites images qui contaminent l’espace, à l’image de la patience et de la ténacité que les graines peuvent incarner. Une belle métaphore de la vie, mais aussi du travail artistique : ténu, patient et nécessaire.

Oeuvres présentées sur le thème de la temporalité :

• les Disséminations, une centaine de photographies de graines.
• Laps, panorama et fragments photographiques végétaux.
• Rete dell’incompresso (réseau de l’incompris), série de 7 gravures produites en 2011 à Venise.
• Portfolios de dessin et de gravures