La maison Cantoisel

Demeure en peinture
Exposition
Arts plastiques
Maison Cantoisel Joigny
Pour cette peinture murale, je me suis inspirée de l’attitude de St François peint par Annibal Carrache (1560-1609). Le lien avec ma peinture se situe dans la continuité de la représentation de la gestuelle des hommes qui consacrent leur vie à leurs affaires, quelle qu’elles soient J’ai utilisé ma technique habituelle d’application par aplat et d’un effacement qui crée l’apparition de la figure. Les couleurs vives orange et verte m’ont semblé appropriées à ce sujet lumineux que j’ai intitulé « Frate Sole » tiré du poème de François d’Assise le « Cantique des Créatures. » Le choix du cadrage, caractéristique de ma peinture, est ici accentué par l’architecture du lieu. Il m’est apparu judicieux, dans cet espace restreint de 6 mètres carrés, de réaliser une œuvre à une échelle démesurée. L’effet loupe volontaire donne à cette représentation rapprochée une dimension d’abstraction. Le point de vue est scindé par l’angle du mur ; le portrait qui est coupé et décalé est un emprunt au domaine du cadrage et du gros plan cinématographique. Extrait du texte Frate Sole de Sabien witteman, le 07/04/2010 ___________________________________ L'artiste est une âme primitive nous dit Soulage ! La maison Cantoisel se tient en mémoire d'une histoire première... Les hôtes de la maison Cantoisel, en cette année 2010, font appel à des artistes de plusieurs générations, pour dire encore quelque chose de la peinture, en cet espace de vie, à rejouer, avec les deux données fondamentales de l'existence : le temps et l'espace. J. T.

Complément d'information

L’œuvre plastique n’impose à son spectateur aucun temps pour la regarder : qu’il la frôle d’un rapide coup d’œil ou qu’il entreprenne face à elle une longue méditation, c’est lui et lui seul qui décide du temps de son intérêt ou de son plaisir. Par ailleurs, l’œuvre porte de mille et une façons les traces du temps que l’artiste a pris pour la réaliser, y compris bien entendu lorsque sa réalisation est déléguée, lorsqu’elle est essentiellement artisanale ou lorsqu’elle résulte de la mise en application d’un protocole totalement défini à l’avance. Entre ces deux temporalités qui encadrent la vision de l’œuvre, dans les jeux tragiques ou facétieux qu’elles génèrent, l’œuvre nous parle de nous, de notre temps d’êtres humains, du temps des relations que nous nous consentons entre nous, de l’amour, de la générosité, de la vie, de la vieillesse et de la mort.

Le sujet de la peinture lorsqu’elle représente, sa matière et sa composition dans l’abstraction, ses relations à l’espace et à l’architecture lorsqu’elle prend en compte les registres de l’installation sont ainsi comme autant de prétextes, autant d’occurrences ou le temps, ce sens premier de l’œuvre, vient s’épanouir.
Jean-Philippe Vienne (Extrait de "Le temps est un enfant," édition atelier Cantoisel 2009)

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je demeure

Le Pont Mirabeau
Guillaume Apollinaire

Les liens étroits entre peinture, sculpture et architecture, la dialectique et l'opposition du lieu et de l'espace, sont aussi anciens que ces arts eux-mêmes. On pourrait dire que cette association est à l'origine de leur histoire. Les archéologues nous ont appris que l'architecture de pierre égyptienne est à sa naissance une mutation mimétique de l'architecture de bois qui la précède : les liens d'osier qui servaient à tenir ensemble les tiges de bois formant ossature sont reproduits en creux ou relief sur les colonnes de pierre, le papyrus utilisé comme revêtement subsiste comme forme dans les chapiteaux qui couronnent ces colonnes. Il y a déjà, entre la peinture ou la sculpture et l'architecture, une relation de transformation formelle réalisée dans un déplacement spatial mais aussi, et surtout, un lien mnémonique assumant la conservation et le passage de l'histoire, du rite et de la tradition : la mémoire, c'est à dire un mode particulier de la temporalité, a son mot à dire quand il s'agira de penser, voire de s'opposer à l'à priori spatial de l'étendue en général, ou de l'installation en particulier.
Mais ce sont les premières décennies du XX° siècle qui donnent aux relations intérieur-extérieur, mur-architecture, tableau-espace, un tour radicalement nouveau, en ce sens qu'elles deviennent une problématique à part entière. Le suprématisme, le constructivisme, le futurisme, le néo-plasticisme sont des groupes d'avant-garde où architectes et peintres travaillent ensemble à travers des revues ou par des réalisations communes.

Le peintre Theo Van Doesburg est sans doute le plus important (et prolixe) théoricien de l'architecture néo-plastique. El Lissitzky, dans le courant des années 20, à Berlin, invente le "Proun Raum", un espace construit pour montrer des tableaux (de Mondrian, Malevitch, Picasso…) à travers un dispositif complexe, attribuant ainsi à la structure architectonique une fonction quasi-didactique, voire interprétative, comme si chaque tableau bénéficiait d'une dimension supplémentaire, extérieure celle-là, ajoutée à celle qui lui est spécifique. La « machine light » de Moholy-Nagy, à peu près à la même époque, est peut-être la réalisation la plus efficace concernant cette question du lien extérieur – intérieur, dans la mesure où elle s'effectue dans un mouvement circulaire qui met en boucle la cause et ses effets : au centre d'une salle vide est posée une construction de type géométrique, faite de pièces d'aluminium perforées et articulées; la sculpture, animée par un moteur électrique, tourne sur elle-même ; des projecteurs installées aux angles de la pièce éclairent la sculpture en mouvement et projettent les jeux d'ombre sur la paroi. À la relation surface-volume, peinture-architecture, la « machine light » intègre l'énergie cinétique et le déploiement temporel de l'image en mouvement; nous ne sommes pas loin du cinéma qui est à ce moment partie-prenante du débat avant-gardiste : le cinéma soviétique, (Dziga Vertov), mais aussi en France , Marcel L'Herbier dont la collaboration avec Léger (peintre) et Mallet-Stevens (architecte), pour le tournage de « L'Inhumaine », est significative. L'architecture et le « décor » servent à orienter la caméra, à lui pré-organiser des cadrages, des divisions et des répartitions d'espaces; à tracer dans les scènes filmées des passages que la caméra empruntera, préfigurant ainsi l'invention du travelling (nous sommes toujours dans une certaine perspective de la mémoire, mais dans le paradoxe d'une mémoire projective, cette fois).

Mais peut-être que l'intervention la plus significative est celle de Mondrian. Dans un article intitulé « Le Home, la Rue, la Cité » (1927), Mondrian analyse la relation entre l'intérieur (unité insécable) et l'extérieur (le multiple, le chaos). Après une longue série de propositions, il conclut que l'on doit atteindre « le rythme vivant » pour que les qualités « unifiantes » de l'élément insécable se déploient tout au long de la chaîne (le home, la rue, la cité) et, ajoute-t -il, jusqu'au Cosmos. L'extension des qualités de l'unité à l'extériorité donnent à l'ensemble l'harmonie néo-plastique requise : « les moyens purs doivent être composés de telle sorte qu'ils perdent leur individualité en formant par une opposition neutralisante et annihilante une unité inséparable. »

Ces idées prendront corps dans les différents ateliers, connus pour leur vertu photogénique, qu'il occupera. À commencer par celui du 26 rue du Départ à Paris : « je ne peux pas peindre le mur, aussi ai-je à la place fixé des cartons peints. Mais j'ai clairement vu qu'il est tout à fait possible de réaliser le néo-plasticime dans une pièce. »
Outre que ce geste n'est pas sans rappeler les collages à l'épingle de Picasso, ainsi que ses constructions de papier journal dans l'espace, il signifie pour moi essentiellement ceci : la relation de la peinture à l'espace ne s'effectue pas exclusivement sous la forme de l'étendue ; il y a une résistance du point de départ qui tend à perdurer dans son être et à se constituer dans son autonomie : l'intensité; la duplication du mur par la feuille de carton (elle-même susceptible d'être dupliquée, à l'infini) met l'accent sur l'épaisseur et la profondeur , sur un déploiement paradigmatique, où les couches successives impliquent moins l'étendue spatiale que la modulation temporelle ; la question dès lors n'est plus d'attribuer à l'espace la fonction directrice d'ordonner et de coordonner les fonctions plastiques mais tout au contraire , à penser la clôture et la fermeture (c'est à dire le retrait de l'espace) de manière radicale pour constituer un lieu particulier qui s'appelle « un tableau », un objet autonome, libéré de toute dialectique spatiale mais paradoxalement susceptible d'exporter ses qualités à l'extérieur.

C'est dans cette perspective, ou dans cette histoire que je situe mes travaux « d'installation ». Dès mes premières expositions à Paris et Cologne, en 1977, j'utilise de grandes feuilles de papier de soie directement punaisées au mur, ou des tarlatanes peintes collées sur les parois. J'ai développé ces idées sous des formes diverses jusqu'à aujourd'hui, entre autres avec la série « Ludo » : il s'agit de faire jouer la plus grande tension entre l'univers clos du tableau et le déploiement « incontrôlé » du collage mural, comme si celui-ci était l'extériorisation d'un trop plein de celui-là, une soupape ; et inversement d'intégrer au tableau, par conversion, par retour, l'expérience extérieure acquise par le collage mural ; en quelque sorte faire passer de l'espace dans du temps.

À l'atelier Cantoisel on peut voir différents moments de ces tarlatanes collées (sur mur ou vitre). Le Studiolo Margot, réalisé en 1987, est une sorte de compromis entre un mur monochrome considéré comme tableau déjà-là, et une intervention picturale visant à détruire cette unité au profit de l'ensemble de la salle.
Après tout, le studiolo renaissant ne serait-il pas l'ancêtre rêvé du Proun Raum, et le véritable espace où vivent les tableaux ne serait-il pas le labyrinthe vertical du collège de William Wilson, dans la nouvelle d'Edgar Poe, plutôt que le musée contemporain ?

Christian Bonnefoi, Gy-les-Nonain, avril 2010

Autres artistes présentés

Vincent Barré, Janos Ber, Christian Bonnefoi, Daniel Brandely, Pierre Buraglio, Daniel Buren, Nicolas Chardon, Christophe Cuzin, Patrice Ferrasse, Marcia Hafif, Alexandre Hollan, Gottfried Honegger, Véronique Joumard, Lefèvre Jean Claude, Aurélie Nemours, Samuel Mathieu, Bruno Rousselot, Claude Rutault, Sabien Wittman.

Partenaires

Frac Bourgogne

Mécénat

Peintre en bâtiment, menuisier. Collectionneur.

Horaires

Entrée libre de 14 h 30 à 18 heures du mercredi au dimanche. En dehors de ces jours et heures sur rendez-vous 03 86 62 08 65 du 15 septembre au 19 septembre ouvert de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 heures

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Maison Cantoisel 32, rue Montant au Palais 89300 Joigny France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022