L’homme nu. Chapitre 1 : Allures anthropomorphes
L’intitulé L’homme nu, emprunté à Claude Lévi-Strauss, propose d’envisager l’homme dans son état le plus simple, comme un mannequin que l’on habille, les différentes strates jouant le rôle d’impressions successives de civilisations, de cultures, de pratiques communautaires ou d’usages sociaux. Un homme sous influences indifféremment proches ou lointaines, aussi bien géographiquement qu’historiquement. Plus qu’un sujet, l’anthropologie est ici abordée de biais. Comme un nouveau regard, elle révèle un certain nombre d’oeuvres ayant trait à une approche sensible de l’homme. De ce point de vue, les artistes invités, issus d’univers forts différents et ne partageant pas nécessairement la même vision sur la société humaine, sont réunis par les oeuvres présentées.
Complément d'information
Le premier volume de cette trilogie, intitulé « Allures anthropomorphes », se consacre à la représentation humaine dans ses formes les plus diverses. D’un côté, un certain nombre d’oeuvres ont tendance à pointer une occidentalisation des cultures. Si Franck Scurti, avec « White memory » marque clairement une référence à l’épuisement des formes des masques africains et leurs conséquences amnésiques, Mathieu Mercier établit un parallèle entre ces mêmes objets, revêtant des propriétés magiques, permettant l’accession à des esprits surnaturels, avec une culture américaine sportive, le base-ball. En effet, le masque est ici utilisé par deux cultures fort distinctes pour se protéger du danger, voire de l’autre, ceci dans un contexte de rassemblement, le jeu s’approchant d’un procédé rituel. « Le masque jaune », dessin de Jean-Luc Moulène, figure une tête dans sa forme générique, quasi abstraite, en tant que signe du corps. Prenant les mythologies à rebours, il n’est pas question ici de retour à l’original mais, selon l’auteur, « d’extraction » ou encore « d’actualisation ». Bernhard Walter, non sans une certaine dérision, propose au visiteur de grimper sur un escalier de fortune afin de se trouver nez à nez avec deux têtes d’argiles, grossièrement modelées, posées sur une étagère en hauteur. Entre les deux, une distance, un vide, ceux d’une culture à l’autre, ironie d’un regard posé, d’un intérêt pour ce que l’homme a souvent, en l’étudiant, détruit. Sebastian Hammwöhner, quant à lui, procède harmonieusement à la fusion de l’objet et de son découvreur : « Mr. Gabbeh », un dessin représentant un tapis au visage stylisé, porte le nom de l’inventeur de ses motifs ornementaux. Le tapis est doublement incarné, mis au rang du portrait, en étant accroché au mur. L’autre versant de l’exposition concerne des oeuvres sans doute plus hybrides, qui mêlent différentes cultures, s’approprient des formes, des couleurs, des styles, des objets avec un souci de s’affranchir de toute référence. « Le masque touché » de Sarkis est de ce point de vue exemplaire, associant un masque chaman tibétain du début du 20° siècle à un plateau de pierre indien 19°, ajoutant à la tête une chevelure de plastiline fluorescente. Siècles et civilisations entrechoqués donnent pourtant un résultat saisissant d’évidence. « Les jeunes travestis » de Didier Trenet, série de poêles à pétrole vêtus de tutus, alignés, dans leurs disproportions de taille et de genre, offrent des silhouettes tout aussi étranges et indéfinissables que le petit « Goldfinger », personnage de laine et de fines branches, au doigt de pied doré, réalisé par Alexandra Bircken. Si l’on pense au théâtre, au déguisement, à la mise en scène, au burlesque pour l’oeuvre du premier, l’oeuvre de l’artiste l’allemande tire plutôt du côté de la fable, du récit, de l’imaginaire.
ace à ces différents types d’oeuvres, le visiteur peut se trouver dérouté. Mais une chose est sûre, de toutes ces têtes, masques, bustes, silhouettes, plus ou moins hiératiques, stylisés, synthétiques ou simplement évocateurs, faits de matières brutes, naturelles ou artificielles, ressort toujours un sentiment profondément humain. Sans pour autant dégager quelque courant que ce soit, on peut établir un parallèle avec certains artistes au tournant du 20° siècle. Archaïsme ? Primitivisme ? Ce que l’on retient est que cette radicalisation de la forme procédait alors d’une nécessité de restaurer la représentation de la figure humaine.
Commissaires d'exposition
Autres artistes présentés
Sebastian Hammwöhner
Bernhard Walter