L’île de Morel, premier volet

Exposition
Arts plastiques
CPIF Pontault-Combault

La photographie, comme les miroirs et les échos, dédouble le réel en le répétant pendant une certaine durée. Ce qui les différencie, c'est l'enregistrement de cette répétition sous forme d'image et la manipulation du désir qui y est inhérente. Vivant dans un monde d'images, nous avons accepté de renoncer au volume, à la gravité, à la dimension, au mouvement, au temps, au profit d'une image photographique. Nous troquons la possibilité d'interagir contre la contemplation. L'écrivain argentin A. Bioy Casarès pousse ce troc diabolique à son paroxysme en créant un mythe de Pygmalion inversé : sur une île lointaine, un homme, par amour compulsif, devient image à l'aide de L'invention de Morel. L'espace du CPIF deviendrait cette île : le lieu où la possibilité d'enregistrer et de projeter des images est présentée non seulement sous le signe du dédoublement, mais aussi de l'inversion et du désir pulsionnel d'une fiction. En effet, l'image enregistrée inverse notre rapport au monde, comme si l'alphabet hallucinatoire des sensations se matérialisait et anticipait sa formation. C'est justement ainsi que se produit un va-et-vient entre les individus, les corps, les choses, par des glissements dans d'autres dimensions (comme celle du langage, de la physique, du cinéma, de l'architecture, voire même de celle où le spectateur se trouve, l'espace de la perception de l'oeuvre). Reprises, inversions temporelles, mises en situation du corps du spectateur ou virtualisation de son propre devenir-image, sont à l'oeuvre aussi bien dans les travaux photographiques et sculpturaux présentés. Les oeuvres investiront ainsi l'espace à l'intérieur et à l'extérieur de la photographie : dans The Destroyed Room de Sabine Hornig, la photographie joue le rôle d'échafaudage, tandis que l'espace réel est rendu fictionnel. D'autres interventions sculptent l'espace et lui rendent une géométrie absente, tout en interrogeant le rôle du spectateur, comme La Télé de Paul Pouvreau ou bien La Guérite de Jean-Luc Moulène, qui souligne la présence auratique du spectateur se tenant debout. Daniel Malhão et Evariste Richer proposent des oeuvres où le regard glisse sur une surface neutre, ou bien rebondit vers un autre espace-temps. La Mer de Manuela Marques, filant sous les yeux du spectateur, contrarie l'attente d'immensité que l'évocation de l'élément maritime semble promettre - caractère oppressif d'une surface cachant d'inquiétantes profondeurs, cette vidéo si simple est à l'image même de toute photographie, entre profondeur et surface. Dans l'optique de ce dédoublement de la sphère de l'expérience en son image, il y aura un deuxième volet. Certaines oeuvres changeront suivant l'évolution de la vie sur l'île de Morel. Joana Neves, commissaire d'exposition

Complément d'information

Le projet

Le projet " hospitalités ", est né à l'initiative de TRAM (réseau art contemporain Paris, Ile-de-France). Il a semblé, à certains d'entre nous, important d'inviter des commissaires d'exposition étrangers et de leur demander d'apporter leur regard sur la création contemporaine dans et au-delà des frontières hexagona¬les. Le CPIF a invité Joana Neves, commissaire d'exposition portugaise, qui connaît aussi bien la scène française que la scène portugaise. L'évolution de sa proposition pour L'ile de Morel, a donné lieu à de nom¬breux et riches échanges. Echanges d'autant plus intéressants qu'ils ont vite transcendé les frontières : l'artiste allemande Sabine Hornig, représentée au Portugal et aux Etats-Unis n'a pas encore été montrée en France comme Daniel Malhão. En faisant allusion au roman de l'auteur argentin A.Bioy Casares, où le narrateur est un fugitif, se superposaient à la dimension interculturelle, des rencontres de différentes for¬mes et pratiques artistiques. Cette exposition interroge la photographie et sa relation à l'espace tridimen¬sionnel, sa capacité à générer elle-même un espace : par évocation, allusion, illusion, projection. Les oeu¬vres prennent en compte de façon spécifique la présence du spectateur qui deviendrait en quelque sorte " l'hôte " de l'image...
Nathalie Giraudeau, directrice du CPIF

Commissaires d'exposition

Autres artistes présentés

Sabine Hornig
Daniel Malhão

Adresse

CPIF 107 avenue de la République Cour de la ferme briarde 77340 Pontault-Combault France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020