Joyce's pharmacy

Exposition de Bruno Perramant
Exposition
Arts plastiques
ÉSAD Grenoble – Valence -site Valence Valence

Bruno Perramant, Joyce's pharmacy, 2011

Rien n’existe sans langage, dites-vous mais les phrases que vous insérez dans vos peintures ne font pas toujours référence à ce qui est figuré ?

Non justement, il faut qu’il y ait un décalage. Sinon ce serait une illustration et cela ne m’intéresse pas. L’utilisation du langage, c’est aussi lié à mon intérêt pour la littérature, la poésie en particulier. Un poème ne nous dit pas forcément ce qu’il raconte, il se passe autre chose. Tous ces décalages m’intéressent. Même dans la perception du tableau, cela a des conséquences sur la manière de le regarder. Dès que quelque chose est écrit, cela oblige le spectateur à le lire. Il ne peut pas faire autrement. Même si ce temps est très bref, il y a toujours un moment où il va lire tout en regardant et cela libère sa vision. Il ne regarde pas le tableau comme un assemblage de couleurs et de formes connues, identifiables, il est en train de lire et pendant ce temps il voit sans avoir besoin d’un savoir. Cela provoque une petite fraction d’oubli et un décentrement de la perception.

 

Vous semblez avoir une prédilection pour tout ce qui fait mystère et ouvre à la multiplicité des interprétations. Pour les choses cachées. Est-ce qu’on a affaire avec vous à un peintre qui ne veut pas se laisser emprisonner par ses images ? Qui interroge la vision que l’on porte sur le réel et se concentre autant sur ce qu’il cache que ce qu’il montre.

Je ne veux absolument pas être emprisonné par une image parce que je pense que la peinture n’est pas une image. Même si elle représente quelque chose de très précis, la peinture n’est jamais une image. Donald Judd disait : « La peinture est une contre-image », Philippe Sollers disait exactement la même chose avec une pensée sans doute très différente. S’il ne s’agit que de fabriquer des images, ce n’est même pas la peine de faire de la peinture. On peut faire autre chose et les exemples sont multiples, dans l’art et même en dehors de l’art. Donc effectivement, on peut dire que j’emploie des espèces de stratégies. Est-ce que cela permet de voir différemment le réel ? Je ne sais pas, en tous cas j’espère que cela permet de voir différemment la peinture ou de la voir mieux. En sachant que je n’impose rien comme interprétation bien que je puisse raconter mille choses sur les tableaux, sur les polyptyques, sur les connexions. Mais je veux qu’il y ait toujours un méandre supplémentaire au ruisseau qui permettra de faire un petit détour et de rattraper le flux, et que chacun puisse engager sa propre vision à partir de là.

 

C’est pour cela que vous construisez beaucoup en polyptyques.

Oui, ici on a le plus grand polyptyque que j’ai conçu, qui est composé de 19 tableaux (Les aveugles, première version, la seconde version montrée au Collège des Bernardins comportera 32 tableaux, Joyce's pharmacy est composé de 9 tableaux). Ils ne sont pas présentés bord à bord, ils sont les uns sur les autres. Ce que j’ai essayé de faire c’est d’avoir des connexions verticales, horizontales, en profondeur, de droite à gauche… des connexions dans le temps aussi puisque le tableau le plus ancien est de 2001 et le plus récent de 2011. Il y a dix ans de travail dans ce polyptyque. Cela ne se voit pas forcément et il y a quand même une unité de la composition. C’est comme une constellation, les forces en présence actuellement maintiennent ces tableaux ensemble. Il doit y avoir des lois de la gravitation en peinture aussi.

 

C’est un regard rétrospectif sur votre travail ?

Oui et non. Je produis des œuvres nouvelles en incluant des travaux antérieurs tout en ayant un regard rétrospectif sur ma propre expérience de l’histoire de l’art. Je me pose la question, valable pour moi mais aussi pour tout le monde, comment on regarde les tableaux. Comment on regarde un tableau du 15e siècle ou du 20e ? Comment on peut apprécier un tableau sur lequel on n’a aucune connaissance. Par exemple, si vous n’avez pas les connaissances en théologie, c’est très difficile de comprendre les dessous de beaucoup de tableaux du Quattrocento. Et pourtant, vous pouvez les voir, les apprécier, vous pouvez en faire quelque chose. Donc je me dis : en tout premier lieu, ce sont des abstractions. Ils ont une qualité d’abstraction qui nous permet de les voir. C’est peut-être d’abord une puissance abstraite qui les incorpore à votre pensée.

En fait, l’abstraction dont vous parlez n’est pas du tout liée au mouvement historique de l’art abstrait ?

Non, pas du tout. C’est beaucoup plus vaste. Cela recoupe les questions d’écriture, de langage, « comment lire un tableau ». Qu’est-ce qui se passe quand on regarde une peinture et surtout comment on fait le premier pas. Je pense que la première impression devant une œuvre, c’est très important, littéralement c’est une ouverture. En fait, je m’intéresse beaucoup au commencement des choses. Comment on regarde un tableau, la première vision, comment le langage va naître.

 

Extrait d'interview Marie Jeanne Caprasse - Bruno Perramant.

Tarifs :

Entrée libre

Complément d'information

Rencontre avec Bruno Perramant le mardi 18 mars à 14h00 à l'ÉSAD •Valence (entrée libre).

Commissaires d'exposition

Artistes

Horaires

Ouverture du lundi au vendredi, de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00.

Adresse

ÉSAD Grenoble – Valence -site Valence Place des beaux-arts 26000 Valence France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022