Joris Van de Moortel

The ne’er-do-wells set out for a dubious pilgrimage
Exposition
Arts plastiques
Galerie Nathalie Obadia - St Merri Paris 04

La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter la cinquième exposition de l’artiste belge Joris Van de Moortel, après This incomplete mythical world whose perfection lay outside it en 2018 à Bruxelles.

A travers un ensemble d’oeuvres sur papier, de sculptures murales, d’installations et une vidéo, Joris Van de Moortel construit en 7 actes un parcours autour de la folie, dans une approche syncrétique qui croise peinture flamande des XVème et XVIème siècles, folklore populaire, musique expérimentale, pensée médiévale, écriture et mysticisme. Joris Van de Moortel use d’un spectre large de techniques qu’il a mises au point : gravure, aquarelle, néon, collage, instruments de musique recyclés, installations en cire, vidéo, dispositifs sonores, tirant ainsi un trait d’union entre figuration classique et culture rock, iconographie traditionnelle et références populaires.

Le thème de la Nef des fous (Ship of Fools), dont l’origine remonte à Platon et qui a été rendu célèbre au XVème siècle par l’auteur Sébastien Brant, constitue le point de départ de ce voyage sans retour vers un monde en marge, spirituel et souterrain, parodique et transgressif. A travers cette allégorie d’un navire peuplé de fous et voué au naufrage, Joris Van de Moortel interroge la place de l’artiste dans la société autant que notre conscience face aux normes et aux valeurs matérialistes de l’époque. Une représentation de la dérive en mer qui peut aussi être vue comme une métaphore de l’exil ou de la quarantaine, aux résonances indéniablement politiques.

Ainsi, les oeuvres The ne’er-do-wells are sailing out et The Ship of Fools introduisent ce thème par des références explicites aux illustrations qu’Albrecht Dürer a réalisées pour l’ouvrage de Brant. La composition, réhaussée de couleurs à l’aquarelle ou illuminée aux néons, l’utilisation de la gravure en fond, et le dessin aux traits vigoureux y trouvent leur source directe. Le cortège de morts qui hantent la première scène lui confère des allures de danse macabre, un autre thème cher à l’artiste, puisé chez Hans Holbein, qui a influencé toute une contre-culture de laquelle il se réclame également. Le dessin Diagram Ritual/Horror/Animism Pilgrimage/OOO/ Unfixed Fool, qui exprime toute la pensée en réseau de l’artiste, s’inspire de la représentation de la Nef des fous célèbre et canonique de Jérôme Bosch. La satire y atteint son paroxysme dans une forme d’inversion totale, le navire se retrouvant ainsi échoué sur la terre ferme. Le fameux Dulle Griet (Margot la Folle) de Pieter Bruegel l’Ancien et son monde renversé, vision apocalyptique de la folie, constitue une autre influence pour l’artiste qui semble ainsi exprimer un point de vue lucide et inquiet sur la marche du monde.

Dans cette même veine, les collages Pilgrimage et Pilgrimage II tissent un parallèle plus clair avec le statut d’artiste et musicien : aucune perspective ni horizon, mais une mer sans dessus dessous où cette dérive absurde, ironiquement qualifiée de pélerinage, prend une tournure carnavalesque. Excès, travestissement, musique populaire et procession apparaissent ici en filigrane, comme clins d’oeil à tout un ensemble de rites médiévaux liés à une expérience sociale de la musique (notamment la tradition du charivari) mais également à la pratique performative de l’artiste.

De l’énergie libératrice de la musique live découle en effet une grande partie de l’oeuvre de Joris Van de Moortel, qui réutilise les reliquats de ses performances dans son travail plastique. Ainsi, un autoportrait de l’artiste en trompettiste éclairé aux néons (d’après la première représentation du personnage de «Mr Nobody» par Jörg Schan,1507), les mains d’un guitariste figées sur son instrument fétichisé, un concert à l’ambiance électrique reproduit en vidéo, des paroles de chansons aux accents incantatoires qui parsèment l’exposition. Joris Van de Moortel nous rappelle que la Nef des fous est devenue un symbole culturel pour toute une scène rock et underground des années 1970 et 1980 : parmi les plus connus John Cale, The Doors ou Erasure en ont fait l’emblème, à travers des titres phares, d’un anti-conformisme assumé et «borderline».

Plusieurs installations incarnent le pendant dysphorique de cette frénésie ambigue : qu’il s’agisse d’un batteur pris entre les chaînes de son instrument à la proue d’un bateau suspendu ou avachi devant son image reflétée par l’eau, Joris Van de Moortel semble nous dire quelque chose de la solitude de l’artiste impuissant, abandonné au silence de la mer, sans réponse.

Enfin, oeuvre clé de l’exposition à laquelle l’artiste consacre une salle, la vidéo transpose en stop motion les 7 actes qui constituent la trame narrative de l’exposition, conçue à la manière d’un opéra. A partir de maquettes et de personnages miniatures fabriqués dans son atelier, Joris Van de Moortel donne ainsi corps et vie au monde des esprits dont chaque partie constitue une entrée. Sur un fond sonore habité composé par l’artiste, rituels ésotériques, magie noire et culte vaudou y sont suggérés par différents effets (lumière, feu, fumée), et, on ne s’en étonnera plus, associés à un phénomène de transe musicale. La vidéo culmine sur une nouvelle représentation de la folie empruntée au Elck (Everyman) de Bruegel : familière des artistes, elle semble finalement incarner une forme de sagesse incomprise.

Artiste touche-à-tout, adepte de l’expérimentation plastique, Joris Van de Moortel déploie ainsi tout un univers visuel et mental aux multiples ramifications souterraines, nourri autant par l’histoire de l’art que par la littérature et la musique.
Célébration de modes de vie alternatifs et spirituels dans un monde désenchanté et consumériste, l’exposition apparait comme une invitation à larguer les amarres : « What weight have we put on the world / What phantasms we gave birth / (...) Lets the wind in the sails of the fool / Preventing ourselves drowning in the garden’s pool ».
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Né en 1983 à Gand, Joris Van de Moortel vit et travaille à Anvers (Belgique).

Diplômé de la Künstelerhaus Bethanien à Berlin (Allemagne) en 2013, et du Higher Institute of Fine Arts (HISK) à Gand (Belgique) en 2009, Joris Van de Moortel fait partie des artistes parmi les plus remarqués de la scène contemporaine belge.

Joris Van de Moortel a bénéficié d’expositions personnelles notables, notamment Guitare préparée à la SintLukas Galerie (Bruxelles, Belgique) en 2019 ; Cachivage Bugui Bugui à BOZAR (Palais de Beaux-Arts de Bruxelles, Belgique) en 2018 ; Pink Noises, sa première exposition personnelle aux États-Unis, au Savannah College of Art and Design d’Atlanta en 2016 ; Ça vous intéresse l’architecture ? Botanical vibrations travel through the air tangled as wires, attempting to play with the rhythmic structure au Centre d’art Be Part (Waregem, Belgique) en 2015. En Octobre 2019, la Galerie Nathalie Obadia expose la nouvelle série d’œuvres sur papier de Joris Van de Moortel à l’occasion de la foire Art on Paper (BOZAR, Bruxelles, Belgique).

Joris Van de Moortel a également participé à de nombreuses expositions collectives manifestes, dont Eyes East Bound lors de la 13ème édition de la Biennale Internationale d’Art du Caire (Egypte) en 2019 ; Danser Brut au LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, Villeneuve d’Ascq, France) en 2018 ; Ecce Homo au Musée Mayer Van Den Bergh (Anvers, Belgique) en 2017, qui rassemblait une cinquantaine d’autres artistes belges parmi lesquels Luc Tuymans, Michaël Booremans, Ann Veronica Janssens ; Rebel, Rebel au MAC’s (Musée des arts contemporains de la Fédération Wallonie Bruxelles, Grand Hornu, Belgique) en 2016 ; Passion - Fan behaviour and art, exposition itinérante en 2015 et 2016 au Ludwig Museum (Budapest, Hongrie), à la Stadtgalerie (Kiel, Allemagne), et au Kunstlerhaus (Nuremberg, Allemagne), et à la Künstlerhaus Bethanien (Berlin, Allemagne) ; Des choses en moins, des choses en plus au Palais de Tokyo (Paris, France) en 2014 ; Upside down Part 2 Let’s Dance au SMAK (Gand, Belgique) en 2013 ; Spontaneously à la Zacheta National Gallery of Art (Varsovie, Pologne) en 2012 ; et Exploded view au Centraal Museum (Utrecht, Pays-Bas) également en 2012.

En Juin 2019, Joris Van de Moortel a reçu le Grand Prix du jury pour sa participation à la 13ème édition de la Biennale Internationale d’Art du Caire (Égypte).

Les œuvres de Joris Van de Moortel figurent dans d’importantes collections institutionnelles et privées telles que la Fondation Vehbi Koç (Istanbul, Turquie) ; la Dena Foundation for Contemporary Art (Paris, France/New York, États-Unis) ; la collection du Centraal Museum (Utrecht, Pays-Bas) ; la Collection Raja (Roissy- en-France, France) ; et la Ghisla Art Collection (Locarno, Suisse).

Horaires

Lundi - Samedi 11h - 19h

Adresse

Galerie Nathalie Obadia - St Merri 3 rue du Cloitre Saint Merri 75004 Paris 04 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022