John Beech / Object in Place

Exposition
Arts plastiques
Les filles du calvaire Paris 03

Quatre ans après sa première exposition personnelle en France et plusieurs expositions collectives, les œuvres de l’artiste anglo-américain John Beech réinvestissent l’espace de la galerie comme autant d’intrusions plastiques et d’expérimentations formelles. Le champ de l’abstraction, l’une des trames privilégiées par la galerie depuis 20 ans, s’ouvre ici par le mélange efficace et élégant des éléments qui la constitue. Pour l’occasion, John Beech a passé trois semaines à Paris pour penser et concevoir in situ une partie des pièces présentées.

Aux murs, les Photo-Painting font cohabiter deux temporalités au sein d’une même composition. D’abord il y a celle de la photographie prise par l’artiste et enfin celle de l’acte pictural, qui consiste à imposer à la surface de l’image une nouvelle couche. Le support photographique ne sert plus à informer, il exerce au contraire un pouvoir de désorientation dont le sujet (volumes industriels dans un espace urbain, dumpsters, containers…) s’efface au profit d’une spatialisation et d’une mise en volume de la peinture même. L’association de ces deux médiums forme un langage plastique duel qui se joue de la réception de l’image et de l’imprévisibilité artisanale de l’empreinte picturale ou sérigraphique. Cette dernière reconvoque souvent le vocabulaire  industriel, l’artiste n’hésitant pas à recourir à des pneus, du grillage et autres pièces d’usine tels que tapis ou plastiques thermo-imprimés pour oblitérer sa surface.[1]

Que cela soit dans ses photo-paintings, tape-drawing, coated-drawing, print-drawing ou dans ses paintings, il s’agit toujours d’une abstraction intrusive, forcée par des aplats de couleurs plus ou moins larges obstruant parfois totalement le support-image. L’ambivalence de ce geste est déroutante : John Beech trouble et altère la lecture de l’image, tout en lui restituant son aura de pièce unique. Parfois même il l’efface totalement jusqu’à re-obtenir une surface monochrome : l’image n’existant plus que dans son épaisseur. Dans ses sculptures, la charge abstraite n’est plus seulement représentée, elle devient littérale avec le volume des objets industriels que l’artiste utilise (Containers, Rolling Platforms, Blocks…). En mêlant vocabulaire abstrait et vocabulaire figuratif, et en convoquant des formes familières dans un champ référentiel multiple, John Beech démontre qu’il y a un regard neuf à poser sur l’abstraction. La franche abolition des frontières entre peinture et sculpture, forme et couleur, volume et planéité fait de la spécificité du médium (medium specificity[2]) une vérité toujours aussi relative.

Cette phrase de John Beech: “The connecting link between my approaches is an emphasis on the physical presence of the materials used, in works that shed new light on the overlooked objects and architectural elements of the urban setting”[3] , n’est pas sans lien avec celle de Rauschenberg: “I don’t want a picture to look like something it isn’t. I want it to look like something it is. And I think a picture is more like the real world when it’s made out of the real world.”[4]

Si la production de l’artiste affiche sa filiation aux référents de l’histoire de l’art et de l’abstraction américaine, c’est avec une subtile implosion des catégories que s’opère cet aveu. Les prétentions utilitaires des pièces assemblées ou encore celles des outils industriels photographiés soulignent l’ancrage des œuvres qu’il produit dans la réalité quotidienne. A la suite de Rauschenberg, John Beech compose avec la trivialité des matériaux qu’il choisit. S’il dévoile effectivement le potentiel créatif de cette matière, il conserve cependant toute leur réalité brute en restreignant volontairement son intervention, juste et modeste.

En réintroduisant ainsi corps et espaces réels dans la galerie, les œuvres et les installations de John Beech cherchent notre connivence en défiant nos perceptions. Elles ne vivent pas dans la distance sculpturale ni dans la sacralité mais détonnent par leur simplicité et leur économie qui fait naître par cette attitude minimale une forme éloquente et originale. La posture de John n’est pas non plus sans rappeler certaines propositions défendues par Harald Szeemann dans son exposition référente Quand les attitudes deviennent formes. Il y a dans l’art de John Beech une liberté conceptuelle et une motivation minimale qui jaillissent discrètement au détour des formes brutes et des gestes « trash ».

 

[1] Eléments qui peuvent devenir par la suite des sculptures-peintures autonomes.

[2] Clément Greenberg, Vers un nouveau Laocoon, Partisan Review, 1940

[3]Le lien entre mes travaux est l’accentuation de la présence physique des matériaux utilisés, dans des œuvres qui jettent une nouvelle lumière sur les objets oubliés et les éléments architecturaux du cadre urbain. 

[4] Je ne veux pas qu’une image ressemble à ce qu’elle n’est pas. Je veux qu’elle ressemble à ce qu’elle est. Je pense qu’une image ressemble plus au monde réel quand elle constituée d’éléments de réel.

 

Complément d'information

Interruption de l'exposition du 27 septembre au 07 octobre

Artistes

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 18h 30

Adresse

Les filles du calvaire 17 rue des Filles du calvaire 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris

21 rue Chapon, 75003 Paris

 

Tél. : +33 (0)1 42 74 47 05

paris@fillesducalvaire.com

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022