Jim Shaw

Strange Beautiful
Exposition
Arts plastiques
Galerie Praz-Delavallade Paris 03

JIM SHAW
Strange Beautiful
12 septembre - 2 novembre 2019


L’Oncle Sam, rendu malade par des diablotins du Kremlin. Checkers, le chien de Richard Nixon. Brett Kavanaugh, juge accusé de viol nommé à la Cour Suprême par Donald Trump. Mark Zuckerberg, un des nouveaux maitres du monde. Les tableaux récents de Jim Shaw grouillent de figures grotesques et délictueuses qui évoquent l’histoire contemporaine américaine. Pourtant, bien que ces œuvres soient animées d’un élan satirique des plus acerbes, nous ne sommes pas en présence d’un art « politique ». Il ne s’agit pas d’AgitProp – la création d’une communauté idéologique engagée autour d’une forme ou d’une idée. Les modèles historiques de Jim Shaw sont plus singulièrement anachroniques. Nous sommes ici plus proche d’une Peinture d’Histoire, telle qu’elle était encore pratiquée à la fin du 19ème siècle. Celle-ci alliait des outils discursifs issus d’une tradition rationaliste critique, à des dispositifs de production d’images allégoriques. Autre référent, plus antique encore, les visions cauchemardesques – hermétiques et cryptées – de Hieronymus Bosch, dont les intentions restent aujourd’hui, plus d’un demi-millénaire après leurs créations, sujettes aux interprétations les plus contradictoires.

Les images de Jim Shaw sont des agrégats de sources hétérogènes, de moments d’histoires personnelles et de fragments d’histoire culturelle collective. Si nombre d’entre elles semblent être le produit d’hallucinations, façonnées sous le régime du rêve, elles restent pourtant étrangères à une tradition héritée du surréalisme européen. Il n’est pas ici question de rendre compte d’un état intérieur de l’âme ou de l’esprit. L’onirisme y est considéré avant tout comme une machine combinatoire, capable d’agglomérer dans un même espace pictural des énoncés vernaculaires présumées jusqu’alors antithétiques. Radicalement non-psychologique, celle-ci distribue en conséquence autrement le sujet de l’Histoire. Si les références non-artistiques de Shaw demeurent inconnues d’un grand nombre d’observateurs dans l’art contemporain, elles appartiennent néanmoins à un champ qui par définition est ouvert à tous : celui de la culture populaire quotidienne.

Dans cette peinture, le régime de la représentation assujettit la Grande Histoire. Toute idée est avant tout une image qui existe dans le monde, préexistant son appropriation par un artiste. Ainsi, au centre de The Milk Separator (2019) se trouve un objet domestique des années 50 sensé soulager le quotidien des ménagères. Chez Jim Shaw, la forme de cet objet ressemble étrangement à celle de l’oiseau démoniaque de La Tentation de Saint Antoine, un tableau de Hieronymus Bosch datant de 1501. Selon les historiens de l’art, cet animal symboliserait une figure délictueuse de la loi – un avocat corrompu au service des puissants. Autour de cet appareil ménager aux significations culturelles et politiques multiples, l’artiste déploie une douzaine de portraits distendus de Brett Kavanaugh, un juge dont la carrière s’était jusqu’alors distinguée par son opposition radicale aux droits reproductifs des femmes, et dont la nomination à la Cour Suprême des Etats-Unis aura nécessité un nombre incalculable de contorsions éthiques. Ces déformations matérielles font référence à une des premières séries de l’artiste, les Distorted Faces (1978), autant qu’à un effet formel facilement obtenu avec les premières machines à photocopier, outil dont s’est nourrie la culture visuelle contestataire de la fin des années soixante-dix. Quant au fond du tableau, il reproduit avec les moyens de la peinture des effets de souillures d’encre d’imprimerie destinées à ne jamais sécher, propre aux tableaux sérigraphiés d’un Christopher Wool – peintre associé à la mouvance graphique contreculturelle Punk.

Profondément érudits aussi bien qu’antiautoritaires, fruits d’un processus d’improvisation des plus souverains, les tableaux de Jim Shaw continuent d’incarner ¬depuis 40 ans une beauté étrange qui leur est propre.

Fabrice Stroun

Jim Shaw (né en 1952 à Midland, Michigan) a obtenu son BA à l’University of Michigan, Ann Arbor et son MFA à CalArts. Il vit et travaille à Los Angeles. Son travail a fait l’objet de nombreuses publications et expositions monographiques au Broad Art Museum at MSU, East Lansing; Marciano Art Foundation, Los Angeles; Mass MOCA, North Adams; Centre Dürrenmatt, Neuchâtel; New Museum, New York; Chalet Society, Paris; Baltic Center for Contemporary Art, Gateshead; CAPC - Musée d’Art Contemporain, Bordeaux; MoMA PS1 Contemporary Art Center, Long Island; Le Magasin, Grenoble; Swiss Institute, New York; MAMCO, Geneva ou encore l’ICA à Londres. Le travail de Jim Shaw a également été inclus dans l’exposition The Encyclopedic Palace à la 55e Biennale de Venise en 2013. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections privées et publiques parmi lesquelles le MoMA, Metropolitan Museum, Solomon R. Guggenheim Museum, New York; LACMA, Hammer Museum, Los Angeles; Walker Art Center, Minneapolis; CNAP/FNAC et le Musée National d’Art Moderne, Paris



JIM SHAW
Strange Beautiful
12 September - 2 November, 2019


Uncle Sam, sickened by Gremlins from the Kremin. Checkers, Richard Nixon’s dog. Brett Kavanaugh, a judge accused of rape, appointed to the Supreme Court by Donald Trump. Mark Zuckerberg, one of the fastest growing magnates of the world. Jim Shaw’s recent paintings are swarming with grotesque and nefarious figures evoking contemporary American history. Yet, even if these works drip with a sharp satirical intent, we are not dealing with a form of political art such as Agitprop. Jim Shaw’s historical models are more distinctively anachronistic, closer to History painting as it was practiced at the end of the nineteenth century. History painting brought together allegorical images with discursive tools stemming from a critical rationalist tradition. An even older reference of Shaw’s is Hieronymus Bosch, whose hermetic and nightmarish visions remain today, half a millennium after their creation, the subject of many contradictory interpretations.

Jim Shaw’s images are aggregates of heterogeneous sources, moments of personal histories and fragments of collective cultural history. While some works seem to be the product of hallucinations, shaped by dream logic, they remain foreign to the heritage of European Surrealism. There is no intent to unveil the inner states of the soul or psyche. Dreams are treated above all as a kind of associative machine, capable of articulating in a single pictorial space, vernacular narratives that up until then were seen as antithetical. While Shaw’s non-artistic references remain unknown to a large number of contemporary art viewers, they nonetheless belong to a field that by definition is open to all: popular culture.

In these paintings, the régime of representation predominates over History writ large. Every idea is above all an image that exists in the world, and precedes its appropriation by the artist. Thus at the center of The Milk Separator (2019) is a 1950s domestic appliance that is meant to improve the daily chores of housewives. In the painting, the form of this object is strangely similar to that of the demonic bird in Bosch’s, The Temptation of Saint Anthony (1501). According to art historians, this animal symbolized a crooked Law figure, such as a corrupt lawyer in the service of the powerful. This household appliance, embedded with multiple cultural and political meanings, is surrounded with a dozen portraits of Brett Kavanaugh. Kavanaugh is a judge whose career has
been distinguished by his radical opposition to women’s reproductive rights, and whose nomination to the U.S. Supreme Court required an unfathomable number of ethical contortions. These material deformations allude to one of Shaw’s first series, Distorted Faces (1978), but also to a formal effect easily obtained with the earliest Xerox machines, a ubiquitous production tool of the anti-establishment visual culture of the late 1970s. As to the background of the canvas, it mimics in painted form the printer ink smears characteristic of the silkscreened paintings of Christopher Wool – an artist readily associated with the graphic counter-culture of that era.

Deeply erudite but also anti-authoritarian, produced out of a masterly process of improvisation, Jim Shaw’s paintings continue to incarnate, 40 years on, a uniquely strange beauty.

Fabrice Stroun
(Translated by Charles Wolfe)



Jim Shaw was born in 1952 in Midland, Michigan, received his BA from The University of Michigan, Ann Arbor and his MFA from CalArts. He lives and works in Los Angeles. His work has been shown extensively internationally and has been the subject of numerous publications and solo exhibitions, including The Broad Art Museum at MSU, East Lansing; Marciano Art Foundation, Los Angeles; Mass MOCA, North Adams; Centre Dürrenmatt, Neuchâtel; New Museum, New York; Chalet Society, Paris; Baltic Center for Contemporary Art, Gateshead; CAPC - Musée d’Art Contemporain, Bordeaux; MoMA PS1 Contemporary Art Center, Long Island; Le Magasin, Grenoble; Swiss Institute, New York; MAMCO, Geneva or ICA, London. Jim Shaw was also included in The Encyclopedic Palace exhibition at the 55th Venice Biennale in 2013. The artist’s work is in the permanent collections of the MoMA, Metropolitan Museum, Solomon R. Guggenheim Museum, New York; LACMA, Hammer Museum, Los Angeles; Walker Art Center, Minneapolis; CNAP/FNAC and Musée National d’Art Moderne, Paris among others.

Artistes

Horaires

Mardi - samedi : 11-19h

Adresse

Galerie Praz-Delavallade 5 rue des Haudriettes 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022