Jean et Jacqueline Lerat, céramique

Est-ce prétentieux de voir l’oeuvre comme un haïku, un poème aussi marginal.
Ce n’est pas la céramique qui est en question mais la création. Ce n’est pas la pratique
des émaux qui m’intéresse. La pratique, la technique, elle est dans l’avant de la création.
Ossature peut être ? Pour l’ossature vivante, il faut un plus. Les questions se sont
posées serrées. La vie d’un certain point de vue s’est imposée. On a pu passer de la
situation de l’objet déjà en question à la situation d’une création.

Jacqueline Lerat, Carnet Aztèque, 5 mai 1993

Parce qu’elles appartiennent à un domaine où ne sont théorisés que des actes pratiques,
et parce qu’elles doivent à ce savoir pratique leur liberté d’invention, les céramiques
de Jacqueline et Jean Lerat s’opposent discrètement à la manière dont l’art officiel
d’aujourd’hui exclut le métier et la main. Il suffit maintenant que le regard reprenne
contact avec la terre cuite pour qu’il voie ce qui, sans être visible, se dégage néanmoins
visuellement des formes: c’est que la véritable objectivité créatrice est liée au métier
pour la raison qu’une fois devenu l’intelligence de la main, le métier lui permet d’accueillir
tous les élans obscurs de la subjectivité. Le modelage, comme la touche dans la
peinture, n’est il pas le geste à l’intérieur duquel l’affrontement entre les deux contradictions
créatrices trouve sa résolution? Non par la victoire du subjectif sur l’objectif – ou l’inverse,
mais par leur fusion provisoire dans le dépôt d’une énergie communicative, qui
entraînera chez le spectateur la même résolution.

Bernard Noël, extrait du livre Jean et Jacqueline Lerat, Editions Galerie Capazza, 2012

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