Intervalle ouvré

Exposition
Arts plastiques
Immanence Paris 15

vue de l'exposition

 

Pour cette nouvelle exposition à Immanence, l'artiste et ici commissaire d'exposition Romain Cattenoz s'est intéressé à l'exposition et à ce qui en détermine les contours. Les pièces qui y sont présentées déplacent volontairement une identité d'oeuvre trop présomptueuse pour en questionner les habitudes statutaires. Qu'est-ce qui fait œuvre, qu'est-ce qui fait exposition ?

Tout dans l'exposition est une mise en question même de la nature artistique par son mode de présentation.

Délibérément donc, R.Cattenoz a créé un déplacement des référents en s'appuyant sur les principes mêmes de l'exposition que le white cube à imposer avant même que Doherty ne lui consacre un ouvrage. Ici, l'espace de la galerie est traversé d'une structure, ou devrions-nous dire d'un squelette. Les lignes fantomatiques de ce cube de cimaise sont laissées appararentes pour mieux se jouer du vide et des absences que le mur viendrait artificiellement combler de ses usages. Montage ou démontage, l'espace d'accrochage que propose R.Cattenoz détourne les surfaces et renverse les temporalités ; faut-il à l'oeuvre l'emballage autoritaire de l'espace d'accrochage et de sa durée pour lui permettre d'exister ?

La question reste ouverte. Ici un temps autant qu'un espace, le montage peut-être le lieu des balbutiements et des essais, des tentatives et des apparitions, c'est ce que Romain nomme à juste titre un intervalle ouvré, il donne la cadence et le ton à cette invisible préparation que les enduits couvriront ensuite soigneusement des épaisseurs d'usage.

C'est tout ce processus que Romain Cattenoz veut très justement laissé transparaître dans cette exposition dont il a l'initiative. Et au-delà encore des réflexions d'ordre formelles et structurelles, il y a sans doute l'affirmation d'une posture que l'on pourrait croire inspirée des lectures de Bruno Latour. Car R. Cattenoz est aussi monteur. Comme beaucoup d'artistes, il met en scène les expositions qui ne sont pas les siennes, comme beaucoup, il fabrique et reproduit les pièces qui ne sont pas les siennes. Il connait l'aspect décisif de ces moments et l'influence de chacun des acteurs qui traversent le montage, car, si la hiérarchie des principaux protagonistes s'exerce ici comme ailleurs, le monteur, par ses gestes et son savoir, applique la touche finale au processus de révélation.

A travers le choix des artistes conviés à partager cette expérience, il y un fil directeur : un rappel à l'exercice de montage devenu prétexte, parfois, mais surtout le lieu d'inspiration à produire des pièces, souvent à cheval sur une identité artistique quelque peu instable.

Ainsi Pierre Tectin, répond à l'espace d'exposition par une série d'images et d'objets disposés dans la structure ; leurs factures ou leurs morphologies ne sont pas sans évoquer des principes de façonnage ou des techniques de production inspirées de la reprise, la réappropriation ou, plus littéralement, de la de récupération.

Avec son projet de la galerie miniaturisée, Michel Delacroix imagine depuis longtemps des espaces d'expositions dans lesquels il invite d'autres artistes. Mais à l'occasion de cette invitation, une série de photos de personnes dont les regards sont fixés sur leurs potentiels points d'accroche sera présentée au sol. Suspension du temps d'accrochage ainsi suggérée.

Kirill Ukolov, lui, a pensé une œuvre in situ : les espaces et interstices d'un mur, habituellement délaissés, seront entourés de scotch de peinture, peint à son tour pour mieux détourner les coutumes du montage, faire œuvre de ce qui est relégué.

Enfin, Bruno Persat installe, entre autres, des niveaux à laser, flottant instablement dans l'eau, il détourne ainsi les outils du montage pour faire œuvre.

Dans cet espace d'exposition incongru et pas complètement révélé dans ces quelques lignes qui l'accompagnent, les oeuvres participent d'une narration suspendue à leur devenir prétendu incertain. De cette volontaire mise en doute, encore renforcée par un système d'accrochage déplacé dans ses habitudes, Romain Cattenoz, invite à une reformulation conceptuelle de l'objet d'art. Et dans la lignée d'un travail personnel qui n'est pas sans ignorer les vocations thérapeutiques si chères à Lygia Clark, le curateur n'a pas oublié la dimension sensorielle de l'espace qui de son vernis final comblera les revers d'un intellectualisme que j'ai ici appliqué trop largement en surface.

 

Estelle Nabeyrat

Autres artistes présentés

Romain Cattenoz

Partenaires

Immanence reçoit le soutien de la ville de Paris, de la Direction des affaires Culturelles d'Ile-de-France, Ministère de la Culture et de la Communication, du Conseil Régional d'Ile-de-France et participe au réseau tram.

Horaires

du jeudi au samedi de 14 h à 18h

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Immanence 21 avenue du Maine 75015 Paris 15 France

Comment s'y rendre

métro : Montparnasse, Falguière, Duroc bus : 91/95/96
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022