insides/insights

Exposition
Arts plastiques

Marie Jeanne Hoffner, Appartement, 2003, détail

L’exposition insides/insights propose une interrogation sur l’expérience du lieu dont la mémoire et la charge émotionnelle transforment le cadre de l’environnement quotidien en univers mental complexe. Décomposé et recomposé par un regard subjectif, l’espace s’éclate en strates multiples où l’imaginaire trouble la présence physique et révèle des dimensions inattendues. Les artistes invités, chacun à leur manière, questionnent ce va-et-vient permanent entre les caractéristiques matérielles d’un lieu architectural et les résonances psychologiques qu’il induit. Ainsi, les œuvres présentées révèlent une dimension allégorique de l’espace en s’imprégnant d’une émotion, d’un souvenir, d’un moment d’histoire. Il est vrai que « nous habitons l’espace », mais aussi que l’espace « nous habite » en devenant un « décor » de notre vie intérieure.

Complément d'information

La réflexion sur l'expérience de l‘espace est au cœur de la démarche de Marie Jeanne Hoffner (1974) qui mêle dans ses dessins, empreintes d'espace, maquettes, cartes découpées ou schémas techniques, un regard ouvertement subjectif à l’analyse structurelle du lieu. Ce dédoublement entre la réalité physique et sa représentation, entre la perception sensible et la réflexion conceptuelle, interroge « notre capacité à se projeter mentalement dans des espaces et sur la possibilité de penser les lieux ». Dans les photographies Landscape vs architecture l’artiste s’intéresse à l’idée de déplacement du lieu et à la notion du territoire et de son imaginaire. Le jeu de projections et de superpositions permet ainsi de simuler l’émergence de paysages urbains improbables. Les collages Maisons-Arbres font télescoper la réalité réelle et virtuelle et inventent l’idée de la « maison-objet », tandis que la série de dessins-découpes en forme d’esquisses architectoniques, neutres en apparence, fait appel à la singularité de la mémoire. Ainsi, à chaque fois, Marie-Jeanne Hoffner réussit à pointer les acquis culturels ou personels de notre appréhension de l’espace et la charge symbolique qu’on y investit. En sollicitant notre capacité à rêver, ses œuvres mettent en doute les certitudes de la perception…

L’intimité de la présence humaine, latente mais intense, traverse aussi l’œuvre d’une jeune peintre Farah Atassi (1981). Ses grandes toiles nous projettent dans un univers mélancolique de ruines modernes où les intérieurs à la Mondrian ou Malevitch sont imprégnés d’une étrange familiarité. Inspirée par des photographies d’anciennes maisons russes, l’artiste puise de l’imaginaire collectif l’archétype de l’intérieur moderne. Elle réussit à capter la mémoire subtile de ces lieux mélancoliques qui flottent dans un espace intermédiaire entre le rêve et le souvenir. Vides, mais débordant d’une existence fantomatique qu’on devine, ses intérieurs revivent l’histoire en boucle, ses codes et ses formes répétés à l’infini et leur offrent ainsi une vie nouvelle et excitante.

Dans ses photographies, maquettes et installations sonores, Neven Allanic (1980) s’intéresse aussi à « l’espace intermédiaire ». Il le définit comme « un système transitoire, en mutation où les lois qui le définissent sont elles-mêmes dans une situation évolutive et qui stimule nos perceptions d’une façon perpétuelle et irrationnelle. » A partir de cette idée, l’artiste a inventé une maquette- hybride qui marie la scénographie de Ménines de Vélasquez avec un élément emprunté à un autre chef-d’œuvre, la célèbre peinture Les époux Arnolfini. La photographie de cette maquette, présentée dans le cadre de l’exposition, donne à voir à la fois le décor qui a engendré l’image et l’envers du décor qui construit l’objet. Ainsi, le miroir de Van Eyck n’est plus un objet qui amplifie l’illusion en agrandissant la profondeur de champ, mais un révélateur du caractère mimétique de l’espace représenté. En tissant un jeu complexe entre l’intérieur réel, sa mise en échelle, sa représentation illusoire et ses prototypes idéaux, Neven Allanic construit un dialogue visuel fort qui nous invite à la déambulation rêvée dans un lieu mythique.

Le détournement des représentations des espaces familiers au spectateur s’opère également dans le travail de Kama Sokolnicka (1978). Un lieu quotidien monotone, un environnement périphérique, une banale architecture industrielle moderniste, tous se métamorphosent dans ses peintures en un territoire de découvertes. En amplifiant à l’absurde la sensation d’ennui, d’isolation ou de vide, ces espaces génèrent un processus interne, un « mouvement d’esprit ». D’après l’artiste, son œuvre nait d’une tentation de représenter un lieu qui «existe à peine, ou presque n’existe pas » et qui, en s’imprégnant des projections émotionnelles, se libère de contraintes matérielles et devient un état d’esprit. Entre une observation sensible et une forme abstraite, l’artiste restitue l’idée de l’architecture en tant que lien du monde extérieur avec notre intimité.

Les « sculptures-meubles-objets » de Nathalie Elemento (1965) nous confrontent avec une idée d’intérieur en tant que paysage intime ou construction psychologique. Mis en situations particulières, ses œuvres à l’allure faussement familière traduisent des attitudes mentales : les objets domestiques structurent non seulement notre espace, mais aussi les limites de notre corps et le monde de nos idées. Ainsi, ils servent d’écran pour la projection de nos angoisses et de nos malaises. Non sans rappeler le modernisme de Giacometti et Malavitch, le minimalisme de Sol LeWitt ou les univers de Sartre et de Beckett, ces œuvres semblent procéder à une étrange psychanalyse qui chercherait à nous mettre en phase avec notre environnement. A mi-chemin entre un univers bourgeois et un conte de fées, le spectateur se retrouve face à une présence secrète qui anime ces objets incongrus.

Le projet de insides/insights s’inscrit dans le cycle des LABORATOIRES ANNE+ qui donnent carte blanche à de jeunes talents. Ces projets, souvent limités dans le temps, prennent la forme d’ateliers expérimentaux qui mettent à la lumière le processus de la création artistique. Après le projet de Guillaume Aubry avant moi le déluge [didn’t it rain?], cette exposition fait partie d’une série de manifestations présentant de jeunes artistes qui se déroulera durant le printemps 2009 à
ANNE+.

Autres artistes présentés

Neven ALLANIC

Horaires

mardi- samedi 13h - 19h
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022