HYLE

Cécile Beau
22,48 m2 Romainville

FR

Issu du grec ancien, le terme hylé désigne la matière dont une chose est faite. Une matière non pas immuable et identique à elle-même, mais au contraire constituée d’assemblages mouvants d’éléments a priori hétérogènes. C’est du moins l’expérience à laquelle nous convie Cécile Beau, celle d’une réalité comme continuum, où le végétal, le minéral et l’animal ne sont plus des règnes autonomes, séparés les uns des autres, mais sont au contraire entrelacés dans des maillages d’interconnexions et d’influences réciproques.

Nous entrons ainsi dans la galerie 22,48 m2 comme dans une grotte végétale, invités à circuler entre des stalactites faites de troncs d’hêtres et d’acacias, au bas desquelles se trouve un tas d’humus formé par la décomposition du bois sous l’action de l’air, de bactéries et de champignons. Il s’agit là d’un processus d’humification, par lequel le végétal se mêle à des micro-organismes pour retourner à la terre qui l’a vu naître, comme transfiguré en processus de minéralisation dans les photos présentées aux murs. Montrant en plans serrés une cavité filandreuse à la racine d’un hêtre pourpre, ces photos sont imprimées sur des plaques d’aluminium qui confèrent au végétal, par leurs reflets argentés, l’apparence de minerals.

Conjuguées au jeu sur les échelles, ces surfaces métalliques nous donnent l’impression de faire face à une grotte rocheuse, comme si l’arbre en question s’était transformé en pierres. Un effet d’hybridation que l’on retrouve dans les écorces fixées aux murs, telles des mues animales évoquant la texture de cuirs tannés.

Tout se passe comme si nous accédions à un monde chimérique pourtant bien réel. Et pour cause, comme le rappelle le fait que l’ADN est sujet à la symbiose et au parasitisme, à tel point qu’il est impossible de distinguer « quelle séquence est “pure” et quelle séquence est une insertion virale », les entités vivantes et non-vivantes, organiques et inorganiques communiquent et coévoluent entre elles : elles « sont des chimères, constituées de fragments d’autres créatures »1, chacune d’entre elles étant toujours d’ores et déjà incorporée dans d’autres éléments.

Aussi, Cécile Beau rend-t-elle visible une « métaphysique du mélange »2, qui rejoint une forme d’hétérochronie, faite de temporalités multiples, aux rythmes et aux vitesses variables, radicalement non-humaines. Ici, le temps n’est plus linéaire et progressif, comme le voudrait une vision anthropocentrique, mais au contraire cyclique et spiralé : passé, présent et futur coexistent dans une vision de l’Histoire qui avance tout en revenant sur elle-même. Soit, la possibilité d’imaginer d’autres récits et contre-récits, non pas indexés sur l’Homme, mais sur la cohabitation des règnes et des espèces.

Sarah Ihler-Meyer

 

 

EN

In ancient Greek, the word hylé refers to the matter a thing is made. A matter formed by a moving assemblage of elements a priori heterogeneous, not an unchanging matter which remains the same. Cécile Beau offers us this experience of reality as a continuum where vegetal, mineral and animal are no longer autonomous kingdoms, separated from each other, but are on the contrary intertwined in meshes of interconnections and reciprocal influences.

We thus enter the 22.48 m2 gallery as in a vegetable cave, invited to move between stalactites made of beech and acacia trunks, at the bottom of which is a pile of humus formed by the decomposition of the wood under the action of air, bacteria and fungi. This is a process of humification, by which the plant mixes with micro-organisms to return to the earth where it was born, as transfigured into the process of mineralization in the photos presented on the walls.

Showing close-up shots of a stringy cavity at the root of a purple beech, these photos are printed on aluminum plates which give the plant, with their silvery reflections, the appearance of minerals.

Playing on different scales, these metallic surfaces give us the impression of facing a rocky cave, as if the tree in question had turned into stones. A hybridization effect that can be found in the bark fixed to the walls, such as animal molts evoking the texture of tanned leathers.

Everything happens as if we are entering a chimerical world, however very real. And for good reason, as recalled by the fact that DNA is subject to symbiosis and parasitism, so much so that it is impossible to distinguish "which sequence is" pure "and which sequence is a viral insertion", the entities living and non-living, organic and inorganic communicate and coevolve with one another: they "are chimeras, made up of fragments of other creatures"1, each of which is always already incorporated in other elements.

Also, Cécile Beau makes visible a "metaphysics of the mixture"2, which joins a form of heterochrony, made up of multiple temporalities, with rhythms and variable speeds, radically non-human. Here, time is no longer linear and progressive, as an anthropocentric vision would like, but on the contrary cyclical and spiral: past, present and future coexist in a vision of History that advances while returning to itself. Or the possibility of imagining other stories and counter-stories, not indexed on Man, but on the cohabitation of kingdoms and species.

Sarah Ihler-Meyer

 

 

Complément d'information

Vernissage jeudi 18h
Opening thursday 18h 09/01/2020

Horaires

Du mercredi au samedi 14H-19H Wednesday to Saturday 14H-19H

Adresse

22,48 m2 29 rue de la Commune de Paris Komunuma 93230 Romainville France

Comment s'y rendre

HORAIRES : du mercredi au samedi, 10h -18h      
métro : Ligne 5 / Stop: Bobigny-Pantin-Raymond Queneau
bus : 318 / Stop: Louise Dory
vélo : Station Gaston Roussel - Commune de Paris

Dernière mise à jour le 2 mars 2020