Hugo Aveta Ritmos primarios, la subversiòn del alma

Exposition
Photographie
NextLevel Galerie - 75003 Paris 03

Vue d’exposition, Hugo Aveta, "Ritmos primarios, la subversiòn del alma", NextLevel Galerie, 2014
Photo: F. Kleinefenn

 

L’année même de la chute des Twin Towers et de la débâcle argentine, les dispositifs permettant aujourd’hui à n’importe quel amateur de photographier ou de filmer du plus extraordinaire au plus insignifiant n’existaient pas. Dans les images recueillies et traitées par Hugo Aveta il y a un certain ton épique, une ambiance de geste sociale, de convulsion, de poétique de barricade et de répression féroce. Dans sa technique, il reprend en partie le métier perdu du laboratoire, bien que sa démarche soit inverse. Les images n’émergent plus de l’émulsion, mais elles se projettent sur elle. Il est significatif qu’elles laissent leur marque, leur impression, sur un support instable, souple, vulnérable : une métaphore de la société contemporaine.

Hugo Aveta soulève une question cruciale: la relation entre le visible et le dicible. L’artiste aborde l’image en tant que présence sensible, destinée à être calibrée dans son intensité par chaque être qui la perçoit, mais aussi « en tant que discours qui codifie une histoire », pour reprendre l’expression de Rancière. C’est ainsi qu’elle peut être lue du point de vue personnel, social ou politique.

Hugo Aveta exécute une opération artistique par excellence : il produit de la distance. On pourrait dire qu’il a réussi à trouver la juste distance. Entre le proche et le lointain, entre l’avant et l’après, il a construit cette distance à la limite du lisible et de l’indéchiffrable, en laissant à découvert le pouvoir subversif de l’image. Une image en soulèvement contre sa propre fonction représentative, obsédée par son désir de démontrer que là, dans le passage d’un instant à l’autre, il est même possible d’y faire entrer l’irreprésentable. Rien n’est exactement comme il paraît être, tout peut devenir ce que notre intuition pressent : la tension de la friction et/ou de la rencontre ; le principe de plaisir et la pulsion de mort ; les relations entre le secret et l’explicite, entre le public et le privé, entre le tout et ses parties. Les images – réverbérations d’un récit majeur, soupçons d’une vision aussi ample que rétive -, résument la violence entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui l’affrontent, entre ceux qui lui résistent et ceux qui le défendent. Une fois l’événement estompé, seule reste l’ombre. Les images demeurent, tournant en rond sur elles-mêmes, et imprègnent ainsi la mémoire cellulaire de tout le corps social.

La vidéo montrée dans cette exposition peut être interprétée comme un cri prolongé qui se termine dans le silence. Un silence aussi douloureux qu’une disparition non consentie. La marche d’indignation, en Amérique Latine comme dans n’importe quel autre lieu du monde, prend les formes de la condition humaine qui se rebelle contre ce qu’elle-même a créé : il en est ainsi de l’individu contre l’Etat, de la communauté minoritaire contre les grandes corporations, du geste personnel face au pouvoir universel qui gouverne depuis l’ombre.

Dans ses montages, il se peut qu’Hugo Aveta procède comme un thérapeute cherchant à provoquer une anamnèse, cette disposition de l’âme à rappeler les connaissances oubliées au moment d’intégrer un nouveau corps, moment de la réincarnation. C’est peut-être pour cela qu’il a intitulé son œuvre « La subversion de l’âme ». Une âme subvertie, bouleversée jusqu’à la volte-face, essayant de se remémorer les épisodes traumatiques d’une histoire collective qui, comme les spectres, apparaissent et réapparaissent tant qu’ils ne sont pas conjurés comme il se doit.


Adriana Almada, 2014
Ecrivain, critique d’art, membre de AICA International.

 

Artistes

Horaires

mardi - vendredi 11h - 19h ; samedi 12h - 19h ; Et sur rendez-vous.

Adresse

NextLevel Galerie - 75003 8 rue Charlot 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

Ligne 8: Filles du Calvaire ; Ligne 11: Rambuteau ; Lignes 3, 5, 8, 9, 11: République ; Ligne 8: Saint-Sébastien – Froissart
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022