Guillaume Pinard : Chtong

Exposition
Arts plastiques
Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux Bordeaux
CHTONG, ça sonne comme un gong, un signal de départ. Unique énoncé, CHTONG regroupe dispositifs miniatures et réalisations grandeurs natures présentés à la Galerie des Projets au CAPC de Bordeaux. Démultiplications, addictions, un goût prononcé pour le détail caractérisent les oeuvres exposées : vidéos, dessins, objets et maisons modèles. Manipuler ce qui nous manipule, Guillaume Pinard exploite la psychologie humaine et ses revers dans des univers hallucinés, à la limite du cauchemar éveillé. Scruté à la loupe, l’ensemble est canalisé par une économie formelle minimaliste qui tranche avec le foisonnement d’images fixes ou animées.

Complément d'information

DESOBEIR A LA LOI DU STANDARD : WELCOME TO GUILLAUME PINARD par Fanny Poussier

CHTONG, ça sonne comme un gong, un signal de départ. Unique énoncé, CHTONG regroupe dispositifs miniatures et réalisations grandeurs natures présentés à la Galerie des Projets au CAPC de Bordeaux. Démultiplications, addictions, un goût prononcé pour le détail caractérisent les oeuvres exposées : vidéos, dessins, objets et maisons modèles. Manipuler ce qui nous manipule, Guillaume Pinard exploite la psychologie humaine et ses revers dans des univers hallucinés, à la limite du cauchemar éveillé. Scruté à la loupe, l’ensemble est canalisé par une économie formelle minimaliste qui tranche avec le foisonnement d’images fixes ou animées.

Ambiance maisons de poupée en huis clos, Guillaume Pinard présente des petites saynètes étrangement familières, aussi ludiques qu’inquiétantes. Leur composition lisse au traitement méticuleux rappelle les normes académiques du tableau et de la perspective classique. On se laisse facilement absorber par ces micro mondes enfantins, sonores ou silencieux, doucereux à s’y méprendre. Le Petit Poucet et le Marquis de Sade ne sont pas loin mais leur réhabilitation offre une version revue et corrigée bien éloignée du conte de fée. Péril en la demeure, ça tourne plutôt au règlement de contes. L’intrigue et l’intensité dramaturgique qui s’y nouent passent par une concentration de personnages contraires réunis dans un espace domestiqué. Trop propre pour être honnête, les univers manichéens dépeints par l’artiste fourmillent d’indices suffisamment suggestifs. Porte entrebâillée, regard inquisiteur, sexe offert, l’existence d’un élément singulier dans l’image vient perturber la tranquillité de l’ordre établi, précipitant le spectateur dans une tout autre dimension. Ce qui frappe dans ces images, c’est la sensation d’enfermement et d’exclusion malgré la promiscuité des êtres qui les peuplent, isolés, à la limite de l’autisme.
Clergé défroqué, de la religieuse au facteur en passant par Sodome et Gomorrhe, ces personnages enchaînent une enfilade de postures et autres poncifs faciles à identifier. Travail, famille, éducation, religion, tout y passe - criblés, saturés. Guillaume Pinard dégoupille sans les modifier des catégorisations hétérogènes par l’intermédiaire de personnages nombrilistes aussi attachants qu’insupportables. Con-con, les cyclopes en tandem, en sont les acteurs fétiches. Con-con et ses congénères sont de sacrés phénomènes, tout droit sortis d’un imaginaire BD, science fiction, dessin animé, de sources cinématographiques et littéraires. Diaboliques et jubilatoires en puissance, ces interprètes troubles fêtes ne cessent de réinterpréter en les caricaturant à l’extrême des comportements nettement moins consensuels, peu avouables. Masqué ou à poil, Con-con au féminin/masculin pluriel incarne pourtant une sorte d’ascète dépourvu de consistance charnelle et d’affect. Sa présence dans l’exposition passe par une stratégie de dissimulation constante : agrandi, réduit ou fragmenté. Impossible de déterminer la version authentique, même dans les vidéos, Con-con persiste et signe. Figure emblématique de la pratique, il appartient à un registre phrasé qui agit comme un contre pouvoir invalidant toutes formes d’hermétisme. Empêcheur de penser en rond, il est moteur d’un scénario interne aux images redondant à toute la conception de l’exposition.

Dans sa configuration, celle-ci obéit à une logique de circulation et à une série d’emboîtements qui s’accélèrent crescendo. Du minuscule train au sol jusqu’au banc reprenant partiellement les yeux du personnage, l’artiste applique les conventions propre au processus de la mise en abyme et de la représentation théâtrale. L’exposition prend la forme d’une enquête policière, une pièce en trois actes à géométrie variable. Les oeuvres, imbrication d’espaces ouverts et fermés, se renvoient en ping-pong. CHTONG se révèle intéressante dans la disposition et l’articulation des oeuvres entre elles, intégrées et contrastées avec l’architecture du lieu. Les découpes des fenêtres, pièces, maisons, semblent pensées en contiguïté avec les caractéristiques de l’institution, portes fenêtres et toit terrasse, provoquant la sensation d’être immergé dans un système gigogne. En surface, l’ensemble semble parfaitement orchestré alors que l’action est en train de se faire, ici et maintenant. L’archétype de la maison modèle, volume central construit pour la circonstance, concentre physiquement et mentalement la démarche engagée par Guillaume Pinard. La deuxième vidéo projetée en flash-back dans la maison résume l’intention visée. Incluant les personnages, les spectateurs et l’artiste, elle est moins un espace particulier qu’un temps personnalisé en miroir, le coeur et le dénouement de l’énigme. Cette aptitude à transvaser des éléments esthétiques ou purement formels issus des images et des injonctions murales dans l’installation se trouve répercuté dans le moindre détail , jusqu’au trou dessiné par l’artiste à l’écran, repris à l’identique sur le banc sur lequel le spectateur est assis. Position déroutante, voire inconfortable, celui-ci assiste impuissant à sa propre mise en boîte. Dans les vidéos comme dans les images, c’est justement la précision et l’obsession du détail qui vient capter et focaliser l’attention. Le détail renverse et fait retour. Son accumulation correspond moins à un principe décoratif ou descriptif mais sert davantage à disloquer la narration. L’exposition, ainsi décomposée, constitue un piège à regard de réalités émotionnelles et passionnelles, rendues spectaculaires.

Fanny Poussier

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Capc Musée d'art contemporain de Bordeaux 7 rue Ferrère 33000 Bordeaux France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020