Graphisme d'aujourd'hui, patrimoine de demain?

par Véronique Vienne

Grand théoricien de la conservation du patrimoine, Cesare Brandi avait identifié deux moments clés pour comprendre ce qu’est une œuvre d’art : le moment de sa création et celui de sa perception. Pour lui, dès qu’une œuvre était « finie », elle entrait dans le temps. Ce qu’il appelait la « matière », l’objet lui-même, n’était que le support d’une « image » destinée, elle, à se perpétuer dans la conscience du public. Aujourd’hui, les productions les plus éphémères en apparence, telles les affiches, brochures, expositions temporaires et créations numériques, sont aussi inscrites dans la durée – celle de notre mémoire collective.

Faut-il en préserver des traces pour qu’elles puissent continuer à exister dans leurs deux vérités, celle de la création et celle de la perception ? Les graphistes que nous avons interrogés sur la question de la pérennité de leur travail ont eu du mal à se prononcer. Pour certains, tenter de concilier fugacité et conservation va à l’encontre de la nature même de leurs créations – c’est presque un acte de fétichisation. Pour d’autres, au contraire, inscrire dans la durée des exemples de leur travail est la meilleure manière de préserver le reflet de leur époque.

Les graphistes se projettent-ils dans l’avenir ? Le regard qu’ils portent sur leur travail est-il compatible avec un souci de pérennité ? Bien que divergentes, leurs réponses ont permis de dégager quelques grandes lignes de réflexion pour commencer à définir une stratégie de conservation des créations graphiques en France.
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GRAPHISME ET MÉMOIRE COLLECTIVE
Celui qu’on a longtemps appelé « l’homme de la rue » est aujourd’hui le plus souvent assis devant un ordinateur ou debout dans le métro, les yeux rivés sur son portable. Néanmoins, ce personnage mythique reste, pour le graphiste français, la plus haute autorité lorsqu’il s’agit d’évaluer son travail. Ce quidam perspicace, existe-t-il toujours ? On l’avait découvert grâce aux affiches de Savignac pour Monsavon, Cinzano et Bic de la même manière qu’on avait découvert les ouvriers russes dans les photographies de Rodchenko trente ans plus tôt. Lui qu’on imaginait flânant le nez en l’air dans la ville n’est plus aujourd’hui qu’une cible mouvante pour les études de marché. Pourtant, les graphistes s’y réfèrent encore. Si leurs créations pouvaient elles aussi s’inscrire dans la durée, disent-ils, ils aimeraient les consigner non seulement dans la tête d’un historien de l’art ou d’un conservateur de musée mais aussi, et surtout, dans celle de ce « monsieur tout-le-monde » qui ne prétend être ni expert, ni savant.

« Le graphisme, ça se regarde dans la ville. On risque de le figer si on le met dans un musée. J’aurais envie qu’on conserve des problématiques de graphisme, pas le graphisme lui-même.» Marie Bruneau, Presse papier.

« Le symbole de Beaubourg, avec les escaliers de Widmer, n’appartient pas au Centre Pompidou mais au public, à nous tous. Ce logo fait partie de notre patrimoine graphique. Dirk Behage Il y a une forme de durée qui est très intéressante. C’est la durée qui s’inscrit dans la tête des gens et qui crée un sentiment d’appartenance.» Jean-Louis Frechin.

« Les commentaires du public, bien que rares,sont les plus importants. Je me méfie des chapelles et de l’opinion des graphistes.» Michel Lepetitdidier.

Quel public toucherez-vous dans la société de demain?

Une des principales préoccupations des graphistes aujourd’hui est de tenter d’imaginer ce que va devenir « l’homme de la rue » dans cet univers en constante évolution. Comment l’accompagner dans son nouveau mode de vie et communiquer avec lui ?

« La responsabilité d’un graphiste pour moi est celle là : aborder la complexité du monde tel qu’il est en train de devenir, et non pas se cantonner à faire des affiches de théâtre et des scénographies d’exposition pour une élite qui n’existe probablement plus.» Jean-Louis Frechin.

« Je voudrais laisser une trace qui serait représentative non seulement du discours de notre époque, de ce qu’il est, mais aussi de ce que je pense que ce discours devrait être. Loran Stosskopf Il y a le public que l’on a, et le public que l’on gagne. Je ne travaille pas pour les trois cents personnes qui viennent à tous les coups voir les pièces de théâtre, mais pour les autres. Dans les discussions avec les commanditaires, c’est moi qui souvent dis : « Et le public ? »
C’est moi qui pense à cet auditoire qui n’est pas encore acquis. » Michel Lepetitdidier.

«  On a besoin de gens, comme les graphistes, qui tracent là où la route devrait passer. Même si le tracé n’est pas toujours respecté.» Peter Knapp

Comment le regard des historiens, critiques d'art et directeurs de musée vous influence-t-il?

Pour Cesare Brandi, l’individu qui éprouve « l’illumination » de l’œuvre d’art découvre en même temps l’obligation de transmettre cet objet aux autres. Pour bien des experts, conserver certaines créations graphiques est presque un devoir, mais nombre de graphistes semblent redouter plus que tout l’institutionnalisation de leur pratique. Pour éviter la sclérose que pourrait générer une « glorification » de leur discipline, certains se défendent d’être des artistes.

« Je suis un designer, pas un artiste.» Erik Adigard.

« Il nous arrive de vendre des choses. Un poster ici et là. Nous avons eu la chance d’avoir une exposition au musée des Arts décoratifs. Mais ça ne change rien au fait que notre travail n’est pas conçu pour être accroché sur les murs des galeries ou des musées.» Manuel Warosz.

« La Bibliothèque nationale me demande depuis longtemps de leur envoyer des exemplaires de mon travail et je ne l’ai jamais fait. Je ne sais pas pourquoi. Quelque chose me gène dans cette idée de léguer mon travail à la postérité.» Laurence Madrelle.

« Ce qui me dérange, c’est le mot « œuvre » appliqué au graphisme. Une « œuvre » c’est quelque chose qui apparaît lorsqu’une somme de travail a été réalisée, alors que ce que je valorise, c’est la réponse immédiate, telle qu’elle est perçue dans son contexte social et urbain. » Pierre Bernard.

«  Aujourd’hui, le défi majeur pour les graphistes, ce n’est pas de faire un travail artistique mais de faciliter l’accès à l’internet – pour qu’on puisse mieux vivre la ville numérique. » Jean-Louis Frechin.

Mathias Schweizer, le seul graphiste qui ait refusé de participer à cette enquête, a cependant voulu exprimer son malaise – la gêne qu’il éprouve quand on lui parle de pérennité. « Je n’ai pas le sentiment d’avoir de comptes à rendre, ni auprès de mes pairs, et encore moins vis-à-vis des générations à venir. Je m’insurge contre le syndrome de surmédiatisation du graphisme. » Mathias Schweizer.

Conférer les honneurs de la cimaise à une œuvre d’art, quelle qu’elle soit, n’est pas sans conséquence. C’est toujours une forme d’agression, aussi bienveillante soit-elle. « Accrocher un tableau sur un mur, lui enlever son cadre ou lui en mettre un ; enlever ou mettre un piédestal, pour une statue, la déplacer ou créer un nouvel emplacement ; ouvrir une esplanade ou une place pour un édifice, voire le démonter et le remonter ailleurs : ces opérations sont autant d’actes de restauration », écrivait Brandi. Mais nombreux sont les graphistes qui, sans fausse modestie, reconnaissent vouloir faire vivre leur travail dans la mémoire collective.

«  Je pense que nous, les graphistes, on veut tous inscrire notre travail dans la durée. Ce n’est pas la reconnaissance individuelle à long terme qui nous intéresse. Nous avons tous envie de faire des choses qui auront un impact sur la culture visuelle de ceux qui viendront après nous.» Loran Stosskop.

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LE GRAPHISME DANS L'ACTUALITÉ

Aujourd’hui, les créations graphiques se veulent contextuelles, immédiates, interactives, voire performatives.

« J’essaie toujours de faire des choses qui fonctionnent d’abord avec mon époque. Dans une actualité.» Michel Lepetitdidier

« Avec le numérique, ça change tout le temps. Je pense que le désir d’inscrire son travail dans la durée remet en cause l’idée initiale du design qui est de produire des réponses contextuelles et globales par rapport aux technologies de l’époque.» Jean-Louis Frechin.

« On est des généralistes spécialisés dans le design du moment présent.» Erik Adigard.

« Il y a une sorte d’adrénaline à l’idée qu’on va montrer ce qu’on sait faire. On va donner à voir. On va alimenter le regard des gens. On va créer l’événement.» Philippe Apeloig

Mais être « dans » l’actualité, pour le graphiste, peut signifier qu’il est sur le point d’être démodé. Une des particularités du psychisme français est de considérer que l’euphorie du moment présent est le signe avant-coureur d’un essoufflement. Comble d’absurdité, une notoriété passagère peut freiner une carrière au lieu de la dynamiser.

« Les articles dans la presse n’apportent jamais de commandes. Les gens tout d’un coup vous croient trop célèbre et trop cher. Ça arrête pratiquement toutes les commandes. Le premier qui me l’a fait remarquer, c’est Jean Widmer. Roman Cieslewicz aussi. » Peter Knapp

« Après notre rétrospective l’année dernière au musée des Arts décoratifs, il n’y a eu aucune retombée, pas un seul galeriste parisien ne nous a proposé une exposition. Et quand, finalement, nous en avons décroché une en Chine, personne en France ne nous a aidés, aucune institution, pas même le consulat.» Manuel Warosz

Les graphistes qui ont à leur actif des « classiques » ne s’en vantent pas. « Indémodable » peut être synonyme de has been. C’est pourquoi ils ne proclament pas leur désir de pérennité.

« Mon affiche « Chicago », qui a maintenant 25 ans, est hors du temps. Mais le jour où je l’ai réalisée, je ne me suis pas dit que j’allais faire une œuvre pérenne. J’étais jeune, je ne me projetais pas dans l’avenir.» Philippe Apeloig.

« Quand j’étais à Elle dans les années 1960, je me disais que j’avais de la chance. Je ne savais pas que j’étais entré dans l’histoire. Puis la télévision est arrivée et mon grand moment a passé.» Peter Knapp

« J’ai toujours insisté sur le fait que je veux m’inscrire dans une certaine vision, qui est une vision qui a plus à voir avec l’éthique qu’avec le graphisme. Je m’appelle « designer » et non pas « graphiste » parce que c’est toute la méthodologie du design,née du modernisme, qui m’intéresse. Pour être dans la durée, j’ai toujours essayé de faire autre chose que du graphisme. » Rudi Meyer

On peut archiver une création graphique, mais peut-on restituer le contexte qui fut sa raison d'être?

« Certains graphistes arrivent à concilier, en théorie du moins, actualité et pérennité. Bien qu’ancré dans l’immédiateté du moment, leur travail, disent-ils, fait partie d’un processus dont chacune de leurs créations est un maillon. Pour ma part, je pense qu’irrémédiablement, dans le domaine du design graphique, le court terme construit le long terme. Je dirais que le court terme est au long terme ce que chaque acte littéraire, plastique, musical, scientifique, technologique ou poétique est à la culture : un actif constitutif de l’ensemble.» Pierre Bernard

« La qualité d’un travail détermine sa durée. Plus il est abouti, moins il est à la merci des aléas et des changements de régimes. Mais la qualité, c’est un combat de tous les jours. Il faut être vigilant à tout moment. » Dirk Behage

« Pour nous, publier le magazine Ink est l’expression d’un désir d’archiver un moment précis dans notre réflexion. Avouons-le, c’est une manière de créer une bibliothèque de textes que l’on peut lire et relire.» Patrick Lallemand

« Répondre à une commande, être pertinent, oui, c’est une priorité. Mais c’est vrai qu’on archive des traces des étapes de notre processus de création. C’est assez sentimental. En même temps ça désacralise l’objet graphique, ça le rend plus humain.» Pierre Delmas Bouly.

« Le public, aujourd’hui, aime voir le processus autant que l’œuvre elle-même. L’évolution d’un projet dans sa durée lui semble tout aussi intéressante, sinon plus, que son résultat final. Pour ce nouveau public, une œuvre ponctuelle est le témoignage d’un long processus.» Karin van der Heiden.

Vos productions numériques ont-elles moins de valeur parce qu'elles sont candamnées à rester virtuelles?

L’éphémère cependant est en train de changer de statut. L’ère numérique a transformé en une qualité ce qui jusqu’alors pouvait être perçu comme un défaut.

« En fait, l’impermanence dans le numérique m’intéresse. Le fait que les choses ne soient jamais terminées. Elles peuvent même disparaître, ce n’est pas si grave.» Erik Adigard.

« Une des choses que je propose c’est de faire des sites web qui s’effacent. Cela leur donne de la valeur.» Étienne Mineur

« Aujourd’hui, il faut vraiment s’investir dans le numérique. Oui c’est dur. Oui c’est compliqué. Non personne n’y comprend rien. Mais il faut y aller. Sinon, dans quelques années, il n’y aura plus que vingt graphistes en France qui feront les musées – et pas un de plus.» Jean-Louis Frechin.

Le temporaire, le fugace et le précaire dérangent de moins en moins les graphistes. L’idée de l’éphémère est devenue une réalité – la vision à long terme une chimère. Les logiciels évoluent sans arrêt, et sont périmés tous les cinq ans.

« Je reviens au livre et au papier : alors que tout le monde en ce moment veut mettre le papier dans l’ordinateur, faire de la presse en ligne, je fais le contraire. Je prends le livre et je mets de l’informatique dedans.» Étienne Mineur .

« Ne conservez pas tout ce que vous faites sur des disques ou sur le net, conseille Karin van der Heiden, une spécialiste de la conservation des archives numériques. Faites des archives sur papier. Les marchands de technologie ont tout intérêt à rendre leurs produits obsolètes le plus vite possible. Plus on garde de documents numériques, plus on risque de tout perdre. »

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FACE AUX GÉNÉRATIONS FUTURES

Les graphistes sont souvent des enseignants. Dans les écoles d’art, mais aussi dans leur studio. Avec leurs élèves, leurs stagiaires, leurs assistants, leurs collaborateurs, et même parfois avec leurs commanditaires. De par leur métier, ils ont appris à transmettre des informations, expliquer des concepts, influencer des comportements. Mais ces enseignants ont une particularité : ils prônent une éthique autant qu’une pratique.

« Dans les écoles d’art en France, on forme des gens courageux. Curieux aussi. J’ai rarement vu des graphistes aller à Pôle emploi dire qu’ils n’ont pas de boulot. Ils ont le courage de créer leur propre travail et, face à l’adversité, s’il faut vivre avec peu, ils en prennent leur parti.» Michel Lepetitdidier.

« La question principale, pour moi, c’est : « Qu’est-ce qu’on lègue à nos enfants ou aux jeunes avec qui on travaille ? » Certains de mes assistants sont là depuis huit ans, c’est un miracle. Ils veulent faire du graphisme pour « gagner » leur vie. Je trouve ça magnifique.» Laurence Madrelle.

« Je suis content quand je rencontre des jeunes qui ont la moitié de mon âge et qui sont tout aussi avertis que moi sur ce qui se passe dans le graphisme aujourd’hui. Ça me touche. J’apprends d’eux autant qu’ils apprennent de moi.» Philippe Apeloig

Comment sauvegarder (et récompenser) les meilleurs exemples du graphisme en France ?

Peu de graphistes rencontrent la reconnaissance et le succès qu’ils méritent. Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak font en ce sens exception à la règle. Le talent et la reconnaissance internationale leur ayant donné accès à de prestigieux commanditaires.

« Pour faire la promotion des graphistes français, il faudrait que le président de la République ou le ministre de la Culture décerne chaque année des prix. Pour que la presse en parle. Pour que le public s’y intéresse. Pour que le graphisme commence à exister sur la scène nationale.» Mathias Augustyniak.

La plupart des graphistes pensent que si leur pratique doit un jour être appréciée à sa juste valeur, ce sera grâce aux institutions qui en reconnaîtront l’utilité et qui investiront dans son développement et son rayonnement.

« Jusqu’ici, le graphiste est resté très peu influent. Pourquoi ? Parce que seulement un pour cent des décisionnaires savent que l’Alliance graphique internationale existe.» Peter Knapp

«La France est le seul pays dans le monde occidental qui n’a pas de grand programme de design ou de politique de graphisme institutionnel concertée.» Jean-Louis Frechin.

« Il faut de l’argent pour innover. Les problèmes « techniques » sont en réalité souvent des problèmes de pouvoir. Ce qui manque, ce sont des investisseurs de haut niveau.» Étienne Mineur.

« En France, les dirigeants ne comprennent pas la différence entre la publicité, la communication et le graphisme. Les graphistes reçoivent un enseignement supérieur mais se retrouvent dans la vie face à des interlocuteurs ignorants de ce qu’ils savent faire.» Dirk Behage.

« Notre rôle est de faire comprendre à nos commanditaires que ce qu’on fait est un vrai travail de réflexion.» Pierre Delmas Bouly

« Les gens pensent que notre travail graphique n’a pas de valeur « économique » puisqu’il n’a pas de valeur marchande.» Manuel Warosz

Une des personnalités des graphistes n'est-elle pas d'incarner et de transmettre une tradition d'excellence?
« Tout a changé quand les créatifs au pouvoir dans les agences de publicité ont été remplacés par des financiers », se souvient Rudi Meyer. Mais cette problématique n’est pas nouvelle, rappelle Philippe Apeloig. « Caravage se posait les mêmes questions que les graphistes aujourd’hui, dit-il. Pour Caravage, c’était la différence entre la vraie peinture et les images pieuses ; pour nous, c’est la différence entre l’art et la communication. » Cette référence à la peinture est typiquement française. Nombreux sont les graphistes qui ont évoqué les plasticiens du passé comme principale source d’inspiration. Sans trop se l’avouer, ils aimeraient bien laisser une trace de leur travail comme l’ont fait peintres, sculpteurs et photographes avant eux.

« Travailler pour la postérité est une exigence vis-à-vis de moi et des autres. Je bénéficie encore aujourd’hui de cet apport des générations passées. C’est pour ça que je suis monté à Paris. Pour suivre l’exemple d’un Duchamp ou d’un Brassaï.» Loran Stosskopf.

« En France, le modernisme a été le fait des peintres. Lautrec, Mucha, Savignac, et jusqu’aux années 1980 avec Grapus. Ici, quand on veut écrire quelque chose, on prend un pot de peinture et on l’écrit ; quand on a besoin d’une image, on la dessine. Cette particularité française fait de ce pays un des lieux les plus intéressants pour le graphisme.» Dirk Behage.

« Je ne voulais pas que mes élèves aux Arts Déco mènent leurs projets comme des directeurs artistiques. J’insistais pour qu’ils apprennent à tout faire par eux-mêmes. Je voulais qu’ils soient vraiment les auteurs des travaux qu’ils présentaient, comme de vrais artistes.» Rudi Meyer.

« En France, il peut se produire des fulgurances artistiques formidables, comme au temps de Louis XIV. Le logo de Pierre Bernard pour les Parcs nationaux ou celui qu’il a fait pour le Louvre sont des exemples.» Loran Stosskopf.

« En ce qui me concerne, j’ai toujours suivi mes maîtres qui, de ce fait, sont encore présents. Enseigner leurs principes est une bonne manière de créer une continuité entre le passé et le futur.» Rudi Meyer.

Qui sont vos maîtres aujourd'hui parmi les graphistes qui ont travaillé ou qui travaillent encore en France?

Qui sont ces artistes, principalement français, présents ou passés, qui ont motivé les graphistes à choisir leur métier et dont les créations devraient être conservées pour la postérité ?

Interrogés, les graphistes n’hésitent pas longtemps. Avec Cassandre, Savignac et Paul Colin, les Grapus et Excoffon viennent en tête. Pierre di Sciullo, Vincent Perrottet et Anette Lenz suivent de près sur cette même liste. Y figurent aussi Massin et l’agence Delpire. Les graphistes les plus chevronnés citent des affichistes atypiques tels Jean Auvigné et Claude Baillargeon, le typographe Albert Hollenstein ou le plasticien Claude Closky. Les plus jeunes mentionnent parmi leurs favoris la série des DeValence pour Saadane Afif, le travail du collectif La Bonne Merveille pour Lux, et les livres de Hey Ho pour les éditions Galaade. « Chaque époque s’invente son tiercé de tête de l’histoire, se construit son patrimoine, élit ses pères, écrit Thierry Chancogne. Tous les graphistes espèrent travailler pour la postérité – et en même temps redoutent que cela ne soit pas le cas. » Une production graphique, tout comme une œuvre d’art, entre dans le temps dès qu’elle est vue. Elle acquiert sa pérennité dans le contexte de la rue, du carrefour, du marchand de journaux, de l’écran numérique, ou de la boîte à lettres. « La matière du Parthénon n’est pas seulement un certain type de marbre, disait Brandi, c’est aussi la lumière de l’Attique. »

Dernière mise à jour le 21 avril 2021