GONTIERAMA 2022

GONTIERAMA, POUR DE NOUVEAUX RÉCITS

Comment une œuvre d’art peut-elle devenir un lieu de rendez-vous ? Une capsule de fiction dans la ville ? Un voyage ?

Pour sa troisième édition, Gontierama invite le public à découvrir neuf propositions singulières lovées dans la ville de Château-Gontier sur Mayenne : toutes témoignent du désir de partager, en résonance avec les lieux, des œuvres sensibles, enjouées, pertinentes.

Cette programmation 2022 est très attentive à la topographie castrogontérienne : traversée par la rivière Mayenne, la cité se découpe en ville basse et haute, que ce parcours s’applique à relier, en intérieur ou en extérieur. Cet été, l’art irrigue donc l’ensemble de Château-Gontier : à l’est, côté ville basse, la chapelle du Genêteil, la Salle gothique et le Minigolf font écho aux sites de la ville haute, le Jardin des senteurs, le square de Frome, la Place de la République, la Médiathèque et le Jardin du bout du monde.

Pour cette nouvelle édition, plusieurs récits s’affirment : le lien au paysage se renforce, avec une attention accrue aux problématiques écologiques. La question du recyclage (Maxime Lamarche, François Rufeil) s’articule à l’adresse émerveillée au monde végétal (Sébastien Gouju) et animal (Jean Bonichon), ou aux signes du vernaculaire et de la ruralité (Martin & Youle). Les artistes sont parfois des vigies qui lancent de mystérieux avertissement aux visiteurs qui contemplent leurs œuvres.

Par ailleurs, la sculpture prédomine dans cette programmation : elle est souvent praticable, par l’humain comme par l’animal, dans le but avoué d’instaurer le dialogue avec le public, sur un mode aussi ludique que politique (Vincent Mauger). Autre nouveauté remarquable : deux œuvres se pérennisent cette année, les cinq sculptures praticables de Jean Bonichon installées dans le Jardin bout du monde ; ainsi que la sculpture de Maxime Lamarche au minigolf, première célébration du premier trou préfigurant peut-être une vaste collection.

Enfin, il faut souligner la dimension collective de cette aventure, qui s’étoffe à chaque nouvel épisode : l’organisation de Gontierama implique une dynamique de transversalité dans les services de la ville, des services techniques aux services des espaces verts, avec un soutien inconditionnel des élus. En outre, deux lycées techniques et trois entreprises privées ont activement contribué à cette synergie, dans une sélection artistique qui fait la part belle au savoir-faire, aux approches manuelles, à l’artisanat d’art.

Commissaire de ce parcours, Bertrand Godot ne perd jamais de vue la charge humoristique de l’art, qui pour être critique du monde qui l’entoure, préserve ici une forme d’enchantement joyeux. Ce type de cheminement artistique, assez rare dans les villes de la taille de Château-Gontier, insuffle une vitalité particulière à la flânerie urbaine, et pimente le regard du promeneur. Au fil des rues, places et parcs, Gontierama modèle une vaste "sculpture sociale", selon la formule de Joseph Beuys, un espace de rencontre artistique démocratique, intra-muros et à ciel ouvert, où la création serait descendue de son piédestal pour provoquer des situations qui échappent aux catégories établies, et offrent au cœur du quotidien une expérience de l'imprévisible.

Éva Prouteau, critique d’art.